De parcelle en parcelle

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© Laura Martinez
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En Outaouais, une ferme familiale imite les migrations des troupeaux d’herbivores sauvages pour produire de la viande de bœufs nourris à l’herbe. Une technique qui augmente la capacité du sol à séquestrer le carbone, qui évite ainsi de se retrouver dans l’atmosphère. Suivez le guide!

Texte et photos Laura Martinez

Aux aurores d’un dimanche de juillet, une épaisse brume enveloppe les trois bâtiments de la ferme Grazing Days, située à Saint-André-Avellin. Seul le bruit des pas de Paul Slomp se fait entendre. Pour cet agriculteur de 38 ans, c’est le début d’une course contre la montre. Son défi : éviter que plus de 50 % de l’herbe de son champ numéro 2 ne soit broutée par ses quelque 200 vaches. Pour y parvenir, il devra déplacer le troupeau à quatre reprises au cours de la journée sur différentes parcelles de ce champ.

Au volant d’un quatre-roues, nous fendons la brume en direction du fameux champ numéro 2, où les vaches ont passé la nuit. Selon les calculs de l’agriculteur, les ruminants doivent y rester au maximum 3,25 jours afin d’ingérer environ la moitié de la biomasse mise à leur disposition. Il ne faut donc pas traîner!

Établi au Québec depuis 2014, ce fermier d’origine néerlandaise pratique la technique du pâturage adaptatif à enclos multiples depuis 2016. Les 112 hectares (278,5 acres) de sa ferme sont divisés en 36 champs utilisés en rotation pour nourrir les vaches. Contrairement aux autres techniques de pâturage mobile (ou mob grazing, en anglais), la sienne s’adapte aux différentes variables, notamment celles liées au sol, à l’herbe et à la météo. « C’est un peu un art et un peu une science », affirme-t-il en pénétrant dans le champ numéro 2, au fond duquel on aperçoit le troupeau.

« Kom Hier Jo! Kom Hier Jo! », lance-t-il en néerlandais à ses bêtes pour les attirer. Docilement, en troupeau serré, les vaches se dirigent vers une autre parcelle recouverte d’herbes hautes parsemées de fleurs sauvages couleur pastel. « Afin d’augmenter la séquestration du carbone dans le sol, on laisse dans les champs 50 % des herbes, qui sont en partie piétinées et enterrées par les vaches », explique Paul. Ces végétaux, une fois mangés par les bactéries, les champignons et les vers de terre, retournent à la terre sous forme de matière organique riche en carbone, qui est ainsi séquestré dans le sol. Le carbone présent dans l’air est aussi capté lors du processus de photosynthèse des plantes, dont les racines s’enrichissent en carbone.

Le pouvoir des racines

Selon le professeur Vincent Poirier de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, laisser le temps aux plantes de repousser, en limitant la quantité d’herbes broutées, permet à celles-ci de s’enraciner plus profondément et donc de retenir le carbone plus longtemps.

Après s’être nourries d’herbe, les vaches urinent, défèquent et mélangent le tout avec leurs sabots. Résultat : en plus de séquestrer le carbone, le sol s’enrichit! Et certaines bactéries se chargent pour leur part de séquestrer le méthane contenu dans la bouse des vaches. Le fermier admet cependant que les vaches en pâturage émettent possiblement plus de méthane que les vaches en grange, dont l’alimentation est moins riche en cellulose. Néanmoins, selon une analyse de cycle de vie réalisée aux États-Unis et publiée en 2018 dans le journal Agricultural Systems, le pâturage adaptatif à enclos multiples est avantageux en comparaison avec les gaz émis par les rots des vaches, entre autres.

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« Ce caca a la texture d’une tarte à la citrouille! », s’enthousiasme Paul en pointant une bouse de vache. S’il était plus liquide, ça signifierait que la diète du troupeau est trop riche en éléments nutritifs et qu’il n’y a pas suffisamment de fibres. Plus loin, c’est la vue de centaines de toiles d’araignées, symbole d’une riche biodiversité, qui le rend heureux. « Avec les vaches viennent les insectes! Et avec les insectes viennent les oiseaux! », s’exclame l’agriculteur, dont une partie des champs étaient encore recouverts de soja génétiquement modifié en 2013.

Parmi les 100 solutions du projet Drawdown, mieux gérer le pâturage des ruminants en appliquant par exemple le pâturage adaptatif à enclos multiples serait la 19e solution la plus efficace pour limiter les émissions de GES. Cette technique permettrait de séquestrer dans le sol entre une demi-tonne et trois tonnes de carbone par acre (environ la superficie de deux arénas).

Bonjour les cochons!

Après avoir déplacé les vaches, compté les petits veaux nés en 2019 – 11 au total – et rempli l’abreuvoir d’eau, Paul se dirige vers le champ numéro 33, où quelque 80 cochons de pâturage se font dorer la couenne. « On utilise ces bêtes pour nettoyer les champs recouverts d’herbes invasives et les préparer pour la prochaine semence », explique-t-il en délimitant à l’aide de piquets la section où les cochons mangeront et piétineront l’herbe jusqu’au lendemain. « Pour eux, se déplacer est un divertissement. C’est stimulant et bon pour leur santé mentale! »

Des résultats concrets

De retour vers 10 h à la ferme, nous retrouvons Josée, la conjointe de Paul, et leurs fils, Félix et Anouk, âgés de 7 ans et de 4 ans. Pendant que les enfants aident au désherbage du potager familial, Josée s’occupe des poules de pâturage. Mais très vite, il faut repartir pour la deuxième ronde de déplacement des vaches.

 

« On commence à voir des résultats! Les champs sont plus verts [qu’en 2016]. La diversité et la densité des plantes au mètre carré augmentent, de même que la rétention de l’eau dans le sol », s’enthousiasme Paul. « On devient donc plus résilient face aux sécheresses », précise Josée. En prime, accroître la productivité de leurs terres permet à Paul et à Josée d’augmenter leur cheptel, leur chiffre d’affaires et la satisfaction de leurs 400 clients. Un pari gagnant-gagnant pour tous et pour le climat!

Le sol, réservoir de carbone

Après l’océan, le sol est le deuxième plus grand réservoir de carbone de la biosphère, avec 1500 milliards de tonnes de carbone séquestrées sous forme de matière organique. Selon l’Initiative 4 pour 1000, augmenter de 0,4 % la quantité de carbone stocké dans les premiers 30 à 40 cm des sols partout dans le monde stopperait l’augmentation annuelle de CO2 dans l’atmosphère.