Nathalie Simoneau, Domaine des 15 lots ©Arrivage
Retombées positives générales
Faciliter les relations entre producteurs et professionnels de l’alimentation, c’est la mission d’Arrivage, la plateforme qui lutte contre le gaspillage tout en prenant soin de la planète.
Dans son cercle d’amis, Thibault Renouf compte plusieurs agriculteurs et chefs cuisiniers. Il y a quelques années, il a constaté à quel point tout ce beau monde avait de la difficulté à se parler. L’idée a germé de créer une plateforme numérique pour faciliter les échanges directs entre ces professionnels et pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Ainsi est née Arrivage.
Pour Thibault Renouf, qui se décrit lui-même comme un « entrepreneur écoanxieux », ce nouvel outil était « une évidence » : « Avant ça, il fallait tout le temps pousser les informations, les contacts, mettre en relation les uns avec les autres. Ça passait beaucoup par des courriels, des appels ou des SMS qui font perdre énormément de temps au vendeur comme à l’acheteur », détaille-t-il.
Fondée en 2019 grâce au précieux soutien de Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval et financé en partie par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Arrivage vient de dépasser les 1000 acheteurs actifs et les 250 producteurs. L’entreprise compte parmi ses utilisateurs des restaurants, des épiceries, des écoles ou encore des services de garde et des centres de santé. La plateforme leur permet de commander directement à un producteur, idéalement situé dans leur région. « Les utilisateurs ont juste à cliquer et à entrer les quantités dont ils ont besoin, détaille Thibault Renouf. La commande est ensuite générée automatiquement et transmise au producteur. »
Les agriculteurs, les producteurs, les vignerons et même les brasseurs qui font de la distribution autonome peuvent ainsi écouler leurs surplus en profitant de conditions de vente simplifiées et personnalisables. « Cela leur permet d’avoir des relations directes beaucoup plus fluides et faciles », explique le cofondateur d’Arrivage, qui précise que sa plateforme est aujourd’hui présente « un peu partout au Québec ».
Lire aussi : Ça gaspille, de la fourche à la fourchette
Des fraises sauvées par le CISSS de Laval
Nathalie Lamarche compte parmi les utilisatrices de la plateforme. La cheffe des activités d’alimentation au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval a notamment acheté, cet été, le surplus de fraises d’un producteur afin d’éviter que celles-ci soient perdues.
Thibault Renouf l’a contactée pour savoir si elle souhaiterait acheter au rabais une commande de fruits qu’un autre client avait finalement annulée. Les fraises ont ensuite servi à la préparation de desserts dans une dizaine de sites du CISSS de Laval. « On a déterminé trois points de chute et on s’est organisés pour récupérer et répartir les fraises », explique Nathalie Lamarche.
Seule chose à améliorer, selon elle : les délais de paiement lorsqu’elle fait affaire avec un nouveau fournisseur. Le CISSS de Laval compte néanmoins réutiliser les services d’Arrivage, non seulement pour réaliser des économies, mais surtout dans une perspective de développement durable.
Une plateforme qui va… mûrir
Si l’offre est idéale pour de petits surplus alimentaires, elle l’est moins pour de plus grosses quantités, estime Vyckie Vaillancourt. Avec Arrivage, la productrice maraîchère à la ferme Vaillancourt de Laval a réussi à vendre 22 des 300 poches de maïs qu’elle avait en trop, mais elle a dû écouler le reste auprès d’un grossiste qu’elle connaissait déjà.
Ainsi, sans acheteur, l’agricultrice serait contrainte de laisser sa production dans le champ plutôt que de la vendre à perte. « J’ai quand même de la main-d’œuvre à payer. À moins que ce ne soit des surplus qui étaient déjà cueillis », note-t-elle.
Thibault Renouf a conscience du problème : « Lorsqu’il y a des surplus de grandes cultures, c’est un défi, car il y a un surplus chez tous les autres agriculteurs aussi. Vendre au prix courant devient alors un vrai casse-tête », observe le cofondateur d’Arrivage.
Vyckie Vaillancourt reconnaît toutefois que la plateforme peut être « vraiment chouette » pour les produits déjà récoltés et les « légumes moches ».
À l’avenir, Thibault Renouf compte peaufiner les fonctionnalités de sa plateforme et caresse le rêve d’exporter son outil pour venir en aide aux agriculteurs hors Québec, en France ou en Ontario. En effet, croit-il, « la réponse est dans l’action et la création de projets qui vont à contre-courant, qui prônent une plus grande sobriété et donnent un sens à notre façon de consommer. »
Texte modifié le 09/09/22 : Ajout des mentions concernant l’appui du CRE Laval et le financement d’Arrivage.
Arrivage récompensé
En mai 2022, Arrivage a remporté le prix de la catégorie Petite entreprise pour son Opération dernière chance lors du Gala du Conseil régional de l’environnement de Montréal. Son projet, développé en collaboration avec le CRE de Laval, a pour objectif de réinjecter 25 000 kg de fruits et légumes dans le circuit alimentaire du Grand Montréal en 2022, tout en générant 50 000 $ de revenus pour les producteurs participants. Depuis juin, ce sont un peu plus de 2000 kg qui ont déjà été achetés ou donnés alors que « la grosse saison des surplus n’est pas encore arrivée », précise Thibault Renouf.
