Raconte-moi le climat

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Richard Gordon, Inuk et garde forestier principal du parc territorial de l’île Herschel – Qikiqtaruk ©Courtoisie
Created with Lunacy 4 min

18 juillet 2024 - Pascaline David, journaliste de l'Initiative de journalisme local

Un coffret pédagogique construit par deux chercheuses et leur équipe transforme les jeunes en climatologues en herbe, à l’aide d’activités et d’histoires recueillies auprès d’une communauté inuite des Territoires du Nord-Ouest.

« Nous avons remarqué que des oiseaux différents arrivent. Certains oiseaux migrateurs arrivent plus tôt, plus tard, restent plus longtemps. La glace, comme elle est en ce moment, prend du temps à geler. Aujourd’hui, c’est la première journée froide et on est à la mi-novembre. » Ce témoignage est celui d’une personne de la communauté inuite d’Aklavik, un hameau de quelque 600 âmes situé aux confins des Territoires du Nord-Ouest.

Il fait partie des récits contés dans le coffret pédagogique « Il était une fois le climat », un projet de vulgarisation des connaissances scientifiques lancé par Marie-Michèle Ouellet-Bernier et Jade Falardeau, du Centre de recherche sur la dynamique du système Terre (Geotop). Amies depuis leurs cours communs au baccalauréat, elles se sont toutes deux intéressées aux changements climatiques dans le Nord pour leur doctorat respectif.

Aklavik dispose d’une station météorologique construite en 1928. Il n’existe donc pas de données compilées par Environnement Canada sur la température pour les années antérieures. En explorant les archives de la nature et les savoirs locaux, il est toutefois possible de reconstituer le climat passé des environs. C’est la quête que proposent les deux chercheuses aux jeunes de 11 à 15 ans – ou à toute personne curieuse – à travers un atelier donné en classe, un livret d’exercices et une bande dessinée pour partir à la découverte des « récits climatiques d’Aklavik ».

Mêler théorie et pratique

 
Des activités ludiques et pratiques amènent les climatologues en herbe à s’initier à la dendroécologie – l’étude des cernes de croissance des arbres – ainsi qu’à la micropaléontologie – l’analyse des fossiles de taille microscopique.

Comme dans un laboratoire, deux images d’échantillons de microfossiles datant des années 1200 et 1525 observés au microscope peuvent ainsi être scrutées.

On y apprend, entre autres, les préférences écologiques des espèces telle l’oxyrie de montagne, une plante vivace qui apprécie plutôt le climat arctique.

©Courtoisie

Des notions essentielles, comme la différence entre le climat et la météo, sont également introduites par les chercheuses. « On avait aussi envie de mieux expliquer ce qu’on fait sur le terrain, par exemple ce qu’est une carotte de sédiments », affirme Marie-Michèle Ouellet-Bernier.

Lorsque les visites en classe n’étaient plus possibles, durant la pandémie, l’équipe a réfléchi à d’autres formats. Elle a découvert que la bande dessinée répondait parfaitement à ce besoin d’accessibilité des connaissances de façon ludique. « On tenait à avoir ce mélange entre la théorie et la pratique, tout en gardant l’intérêt des gens, souligne Jade Falardeau. L’idée est de favoriser l’intérêt des jeunes pour la science et les savoirs locaux. »

La combinaison des récits et des connaissances scientifiques permet de prendre de meilleures décisions pour protéger nos ressources et nous adapter. C’est aussi une opportunité de reconnecter la jeune génération à son environnement.  Richard Gordon, Inuk et garde forestier principal du parc territorial de l’île Herschel – Qikiqtaruk

Écouter la terre

Les chercheuses ont créé leur contenu pédagogique en collaboration avec la communauté grâce à des visites sur le terrain ainsi que des entrevues menées par Cassandra Paul-Greenland, membre de la communauté d’Aklavik. Richard Gordon, Inuk et garde forestier principal du parc territorial de l’île Herschel – Qikiqtaruk, au nord du Yukon, a également participé au projet. Ses connaissances précises du territoire, qu’il a parcouru dans ses jeunes années avec ses parents pour la récolte de subsistance et la pêche, ont magnifié la bande dessinée.

« J’ai beaucoup observé le territoire, comme l’ont fait nos ancêtres et gardiens de la terre, dans le passé », lance Richard Gordon. Son rôle est de s’assurer que le parc est protégé pour que les futures générations puissent en bénéficier. En 20 ans, le garde forestier a remarqué l’augmentation de la température de l’air et des eaux, l’altération des vents ainsi que l’absence de glace. « Ces changements affectent la migration des animaux, la croissance des plantes et les infrastructures historiques comme les glacières [NDRL : cavités souterraines creusées dans le pergélisol pour préserver la nourriture] », déplore-t-il.

Selon lui, les projets scientifiques menés sur l’île, en particulier la bande dessinée du Geotop, sont de très bons moyens de mieux comprendre ces transformations. « La combinaison des récits et des connaissances scientifiques permet de prendre de meilleures décisions pour protéger nos ressources et nous adapter, croit-il. C’est aussi une opportunité de reconnecter la jeune génération à son environnement. »

Dans le parc, un programme estival d’échange entre les personnes aînées et la jeunesse permet de transmettre ces histoires orales. Richard Gordon fait partager celles qu’il a entendues, ainsi que ses propres anecdotes. « Je leur raconte avec tout mon cœur, car c’est mon devoir d’expliquer comment écouter la terre qui nous parle, comment prendre soin du territoire », témoigne-t-il.

Le chapitre consacré aux savoirs locaux n’était pas prévu dans la version initiale du projet. Il a été suggéré lors d’un souper communautaire à Aklavik par Cassandra Elliott, alors coordinatrice des connaissances traditionnelles et locales pour le Joint Secretariat, organisation de soutien aux Inuvialuit (les Inuit vivant dans la région arctique de l’Ouest canadien). « Cette rencontre nous a vraiment permis d’améliorer notre trousse, poursuit Jade Falardeau. On met en valeur ces précieux savoirs de façon égale à la science. »

Ouvrir des portes

Un exercice inclus dans le coffret des chercheuses propose d’ailleurs aux enfants – autochtones ou non – de poser des questions à leurs parents ainsi qu’à leurs grands-parents, afin de préserver le savoir oral qui les entoure. « Quand on fait des ateliers dans le Sud, on parle des gens du Nord, et inversement, explique Marie-Michèle. On veut donner un espace pour parler du climat, mais aussi pour échanger, pour collaborer et ouvrir des portes. »

Le duo tient à ne pas tomber dans le catastrophisme. « On essaie de rester dans les apprentissages, les connaissances, la documentation, souligne Jade Falardeau. Ça peut apaiser un peu, car lorsqu’on sait comment les choses fonctionnent, on se sent souvent mieux. »

Jade Falardeau et Marie-Michèle Ouellet-Bernier ont conçu leur projet pour que d’autres personnes se l’approprient facilement. Elles incitent quiconque possède des bases en paléoclimat – soit le climat d’une ancienne époque géologique – à s’emparer du contenu, accessible en ligne, pour animer des ateliers dans sa communauté.

Marie-Michèle Ouellet-Bernier et Jade Falardeau, du Centre de recherche sur la dynamique du système Terre (Geotop) ©Courtoisie

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