Près de 10 000 tournesols ont été plantés en avril dernier dans la prairie Louvain, dans le District central, en plein cœur du quartier Ahuntsic à Montréal, marquant la première phase de développement du projet Métamorphose qui vise à verdir et à redynamiser ce secteur autrefois appelé « la Cité de la mode ».
« On a eu l’idée du champ de tournesols parce que c’était le geste le plus simple, le plus fort, le plus facile à faire, le plus wow, pour dire “hey écoute, c’est ici” », explique Maxime Brousseau. L’architecte, associé chez Zaraté Lavigne architectes, coordonne le plan d’intervention Métamorphose lancé par la Société de développement commercial (SDC) du District central. Fondée en 2016, celle-ci s’est donné pour objectif d’aider ce quartier industriel historique, longtemps surnommé le « bout de la guenille », à redevenir attractif.
Stimulé par son industrie textile, très ancré dans le quartier dans les années 1980, le District central est rattrapé par la concurrence étrangère dans le secteur du tissu, notamment par celle de la Chine, dans les années 1990. Après avoir vécu des années plus difficiles, le quartier renaît désormais de ses cendres, en particulier sous l’impulsion de la SDC, inspirée par l’enthousiasme des personnes qui y résident et y travaillent.
« On a notamment organisé des charrettes [des réunions collaboratives de recherche d’idées] avec les résidents commerciaux et les mots-clés qui ressortaient, c’était “vert”, “social”, “maison”. Ç’a été la base du projet », ajoute Maxime Brousseau. Des consultations publiques ont ensuite été organisées pour mieux répondre aux besoins de la population du quartier, qui compte entre autres près de 25 000 personnes actives.
Briser le béton pour reverdir
Le quartier souhaite devenir le plus vert de Montréal d’ici 2040. Ce sera un immense défi, car si Ahuntsic-Cartierville figure parmi les arrondissements montréalais qui possèdent l’indice de canopée le plus élevé dans la métropole, avec 35 000 arbres, le District central, lui, est très bétonné. La mairie a donc prévu un plan de verdissement afin de lutter contre les îlots de chaleur et améliorer la rétention des eaux de pluie, notamment.
« Sur certaines rues, on commence dès cette année à enlever plusieurs portions de béton et d’asphalte pour reverdir et, idéalement aussi, pour planter des arbres. Dans l’arrondissement, on en plante 1300 par année », explique Émilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.
On souhaite aussi rendre le quartier, qui est enclavé entre les autoroutes 15 et 40 et deux lignes de chemin de fer, plus accessible en développant principalement des pistes cyclables et des voies de transport en commun.
S’approprier les champs
Les tournesols, qui ont poussé dans les serres du Laboratoire sur l’agriculture urbaine, partenaire de la SDC, ont aussi leur rôle à jouer dans le verdissement du quartier. On a identifié des terrains du District central qui accueilleront de nouvelles plantations de tournesols et qui permettront à la Centrale agricole, une coopérative qui rassemble des entreprises agricoles urbaines, d’en récolter les graines et de produire de l’huile.
« Il y a des promoteurs qui, eux, sont emballés par ça. Ils veulent développer leurs projets et y inclure leurs propres champs de tournesol, se réjouit Maxime Brousseau. Si la population ne s’approprie pas le territoire, il devient désert parce que le monde ne reste pas là. Ça devient soit une zone-dortoir, soit une zone de travail. »
Afin de permettre aux personnes qui résident ou travaillent dans le District central de se retrouver, la SDC a mis en place, pour la troisième année consécutive, l’esplanade Louvain. Ouvert tout l’été, cet espace éphémère accueille des îlots de travail, des cours de yoga ou encore des soirées festives.
En plus de la plantation de tournesols, des « champeaux » seront également aménagés dans la prairie. On entend ici par « champeaux » des zones végétales dégagées qui vont permettre de créer des lieux de rencontre et un parcours balisé sécuritaire pour les piétons, alors que le District central est traversé par de grandes artères consacrées aux transports, tels que le boulevard Sauvé.
Du vert à l’extérieur et à l’intérieur
La coopérative de la Centrale agricole regroupe 24 organismes d’agriculture dans une ancienne usine de textile de la rue Legendre, au sud du quartier, dont elle occupe quatre étages ainsi que le toit. Le bâtiment abrite une ferme hydroponique, un producteur de vin et même un producteur de champignons destinés à la fabrication d’un matériau isolant. La Centrale agricole offre un espace abordable et accompagne ses entreprises membres en leur offrant des services mutualisés. L’économie circulaire leur permet aussi de réduire leur empreinte environnementale.
« On a commencé à compiler des données et, effectivement, la différence en termes écologiques est énorme, surtout parce qu’on a des services mutualisés. Par exemple, le compostage de matières organiques des membres de la Centrale va être utilisé pour différents projets, tels que celui du champ de tournesols », soutient Laurence Richard, conseillère en communication de la Centrale agricole.
Selon elle, le fait que ces entreprises soient à proximité de leur clientèle participe également à sensibiliser la population à l’agriculture urbaine et au lien à la nature.
Maxime Brousseau abonde dans ce sens. « On est une espèce qui n’est pas née dans le béton, mais dans la nature. On est porté à l’aimer, à vouloir ce lien-là et à y retourner d’une manière ou d’une autre. On ne parle pas juste de nourriture, on aime la nature. Les champs de tournesols, c’est le genre d’éléments qui viennent nous émerveiller. »