Soutenues par plusieurs organismes environnementaux, des municipalités de cette région répondent présentes à l’appel du gouvernement à protéger 30 % du territoire.
Pour Marie-Pierre Beauvais, directrice et responsable des aires protégées du Sud du Québec à la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Québec), « c’est la seule initiative du genre au Canada, soit une juridiction qui invite la société civile à participer à l’atteinte du 30 % ».
Le 30 % dont elle parle correspond à la cible de conservation du territoire planétaire que les pays participants à la 15e conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) se sont engagés à atteindre d’ici 2030.
C’est pour participer à cet effort que le gouvernement Legault a lancé, début juin, un appel à projets d’aires protégées qui touche toute la province, à l’exception de la région du Nord-du-Québec. La cible : les territoires publics, principalement au sud du 49e parallèle, qui jouissent d’une biodiversité riche, mais menacée par les activités humaines, les espèces exotiques envahissantes et les changements climatiques. Particuliers, organisations ou municipalités peuvent déposer un projet. Cette initiative est l’une des mesures attendues du Plan Nature 2030, un document stratégique annoncé fin 2022 dans la foulée de la COP15.
Quant à la SNAP Québec, elle a reçu du gouvernement provincial le mandat de faire connaître l’initiative, de mobiliser la population et d’aider celles et ceux qui le souhaitent dans leur dépôt de projet d’aire protégée. L’action a trouvé un bel écho dans les Laurentides. « Il y a vraiment un grand mouvement d’intérêt de la part des élus d’aider à atteindre cet objectif. La majorité veut même atteindre plus que 30 % », soutient Normand St-Amour, maire de Chute-Saint-Philippe, un village au nord-est de Mont-Laurier.
Son équipe municipale – dans laquelle il est fier d’inclure la population – déposera prochainement auprès du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs un projet de protection de l’ensemble des terres publiques de la municipalité, soit environ 240 km2. « C’est un immense territoire. On parle de six fois celui du mont Kaaikop », qui a reçu une promesse de protection en mars, souligne André Goulet, ingénieur forestier et cogestionnaire à l’Institut des territoires.
Les gens veulent garder un accès au territoire, mais aussi qu’il soit résilient aux changements climatiques et que la biodiversité soit protégée.
Les citoyens et citoyennes au premier plan
L’organisme – avec l’appui de la SNAP Québec – a aidé la municipalité de Chute-Saint-Philippe à réaliser un portrait de son territoire à l’aide de données géomatiques, de visites de terrain, de rencontres avec les populations autochtones et de consultations publiques. « On y va avec la participation citoyenne. Pour nous, c’est excessivement important », indique André Goulet.
Il en ressort un fort désir de la population de garder un accès récréatif à la majorité des terres publiques, dont certaines excluraient l’exploitation des ressources naturelles. « Les gens veulent garder un accès au territoire, mais aussi qu’il soit résilient aux changements climatiques et que la biodiversité soit protégée », fait savoir Normand St-Amour, dont la municipalité comprend plus d’une dizaine de lacs et des habitats fauniques d’intérêt tels que des héronnières.
La conservation, outil d’adaptation et de lutte contre les changements climatiques
Créer des aires protégées permet de préserver la biodiversité et de minimiser les effets des changements climatiques. Quelques exemples :
- Les milieux humides retiennent l’eau et contribuent de ce fait à minimiser les répercussions des pluies diluviennes.
- Les forêts denses – où il n’y a pas de coupes à blanc – permettent de diminuer l’effet des grands vents sur les arbres qui les composent.
- Les arbres et les tourbières sont d’excellents capteurs de carbone, qui limitent la quantité de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère.
Protéger les terres… et les relier!
Un peu plus au sud, les municipalités de Barkmere et de Montcalm se sont alliées pour proposer la conservation d’une partie du bassin versant du lac des Écorces, l’un des plus importants de la région. À 40 km plus à l’est, c’est la municipalité de Val-des-Lacs qui travaille au dépôt d’un projet de protection.
Comme à Chute-Saint-Philippe, élaborer les plans de conservation de ces secteurs est un travail de longue haleine. Paul Kushner, le maire de Val-des-Lacs, témoigne d’ailleurs dans un communiqué de son « admiration sincère pour tous les participants impliqués ».
C’est grâce au soutien de l’organisme Éco-corridors laurentiens que les deux municipalités ont pu planifier des rencontres entre les parties prenantes ainsi que la réalisation d’inventaires, de caractérisations écologiques ou encore d’études de retombées socio-économiques.
Pour l’organisme, l’appel à projets offre une opportunité, non seulement d’augmenter la proportion d’aires protégées dans la région, mais aussi de relier ces aires entre elles, comme le préconise l’accord Kunming-Montréal adopté à l’issue de la COP15.
« La connectivité écologique permet aux espèces de se déplacer sur le territoire pour trouver des habitats et tout ce dont elles ont besoin pour se nourrir et se reproduire », explique Fanny Deschênes, chargée de projet au sein d’Éco-corridors laurentiens.
Or, les changements climatiques perturbent la faune, qui tend à se déplacer de plus en plus vers le nord, poursuit la responsable, qui partage avec ses collègues l’ambition de relier le parc national d’Oka à celui du Mont-Tremblant.
Une procédure simplifiée et accélérée
Si Chute-Saint-Philippe, Barkmere et Montcalm et Val-des-Lacs ont pu pousser aussi loin la préparation de leur dépôt de projet, c’est grâce au soutien financier dont ces municipalités ont bénéficié par l’entremise de l’initiative Plein aire de la SNAP Québec, récemment clôturée. Un coup de pouce en moins pour les nouvelles candidatures à l’appel à projets, mais compensé par une procédure de dépôt simplifiée.
Les parties prenantes d’un projet peuvent également solliciter le soutien d’organismes régionaux, notamment dans les Laurentides. « L’Institut des territoires, le CRE [Conseil régional de l’environnement] Laurentides, Conservation de la nature Canada, les organismes de bassins versants de la région… On s’est tous alliés pour offrir un accompagnement clé en main et gratuit, à toutes les étapes qui mènent au dépôt d’une proposition », indique Fanny Deschênes.
Au moment d’écrire ces lignes, plus d’une quinzaine de municipalités des Laurentides avaient déjà levé la main, selon la chargée de projets.
L’appel à projets se clôturera à la mi-octobre de cette année, pour une mise en réserve des territoires sélectionnés prévue à l’horizon 2027. Un record de vitesse, selon Marie-Pierre Beauvais de la SNAP Québec. « En temps normal, il faut une dizaine d’années entre le dépôt d’un projet et le moment où il reçoit une protection gouvernementale. On peut vraiment saluer la volonté du Québec d’accélérer la protection du territoire par cette initiative. »