Le rassembleur tranquille de Matimekush-Lac John

Participants et organisateurs de la première semaine de l’environnement à Matimekush-Lac John
array(26) { ["ID"]=> int(60946) ["post_author"]=> string(2) "99" ["post_date"]=> string(19) "2023-03-06 06:36:27" ["post_date_gmt"]=> string(19) "2023-03-06 11:36:27" ["post_content"]=> string(0) "" ["post_title"]=> string(48) "Le rassembleur tranquille de Matimekush-Lac John" ["post_excerpt"]=> string(204) "Conrad André Kapesh fédère les membres de la communauté innue de Matimekush-Lac John autour de la protection de l’environnement, une question on ne peut plus tangible dans ce coin isolé du Québec." ["post_status"]=> string(7) "publish" ["comment_status"]=> string(6) "closed" ["ping_status"]=> string(6) "closed" ["post_password"]=> string(0) "" ["post_name"]=> string(57) "conrad-andre-kapesh-le-rassembleur-de-matimekush-lac-john" ["to_ping"]=> string(0) "" ["pinged"]=> string(0) "" ["post_modified"]=> string(19) "2023-03-07 16:18:11" ["post_modified_gmt"]=> string(19) "2023-03-07 21:18:11" ["post_content_filtered"]=> string(0) "" ["post_parent"]=> int(0) ["guid"]=> string(30) "https://unpointcinq.ca/?p=60946" ["menu_order"]=> int(0) ["post_type"]=> string(4) "post" ["post_mime_type"]=> string(0) "" ["comment_count"]=> string(1) "0" ["filter"]=> string(3) "raw" ["header"]=> string(4) "blog" ["displayCategories"]=> bool(true) }
Participants et organisateurs de la première semaine de l’environnement à Matimekush-Lac John ©Kellyane Levac
Created with Lunacy 3 min

06 mars 2023 - Maxime Bilodeau, journaliste de l'Initiative de journalisme local

Conrad André Kapesh fédère les membres de la communauté innue de Matimekush-Lac John autour de la protection de l’environnement, une question on ne peut plus tangible dans ce coin isolé du Québec.

 
Conrad André Kapesh est considéré par de nombreuses personnes de sa communauté comme un gardien du territoire. Et pour cause : ce membre de la Première Nation innue de Matimekush-Lac John, enclavée dans Schefferville, sur la Côte-Nord, sillonne l’extrême nord du Nitassinan (« notre terre », en innu-aimun) depuis sa naissance, il y a 53 ans. Au fil des décennies, il a vu son environnement immédiat évoluer sous ses yeux, rarement pour le mieux. « Si les animaux pouvaient parler, ils en diraient beaucoup plus que moi », affirme humblement celui qui, le jour, travaille comme agent culturel à l’école maternelle, primaire et secondaire Kanatamat Tshitipenitamunu.

Conrad André Kapesh
Conrad André Kapesh ©Sylvain Lamothe

Les transformations auxquelles Conrad fait écho sont de plusieurs ordres. Il y a d’abord eu celles causées par la ruée vers le fer, dans cette région frontalière du Labrador, au cours des années 1950. Matimekush-Lac John a d’ailleurs vu le jour dans la foulée de cet afflux d’entreprises minières. « Les mines à ciel ouvert sont encore aujourd’hui à la source d’émanations de poussières rouges qui se retrouvent partout sur le territoire, dans l’air et l’eau, à même les poissons », confirme Claudel Babineau-Boulé, coordonnatrice en environnement à l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador (IDDPNQL) et proche collaboratrice de Conrad.

Paysage de Nitassinan-Matimekush
Paysage de Nitassinan-Matimekush ©Kellyane Levac

 
Puis, il y a les changements moins brutaux mais tout de même perceptibles de la crise climatique, qui se font tout particulièrement ressentir en ces latitudes – la communauté de Matimekush-Lac John est située au nord du 54e parallèle. « Jadis, nous pouvions franchir nos lacs dès la mi-novembre puisqu’ils étaient recouverts de glace. Ils gèlent désormais un mois plus tard », témoigne Conrad. Cela n’est pas sans bouleverser la faune et la flore boréales. « Une température de -3 °C en janvier, je n’ai jamais vu ça. Des chasseurs ont vu des ours se promener, des bourgeons sont sortis à Natashquan, énumère-t-il, inquiet. Il va se passer de quoi l’été prochain, c’est sûr. Des inondations? Je l’ignore. »

Lire aussi : Le bâtisseur de ponts

Dans l’action

Face à ces constats alarmants, Conrad n’est toutefois pas du genre à se croiser les bras. Au contraire : il porte avec joie la parole des 1000 membres de sa communauté sur les questions relatives à l’environnement. Ce rôle officieux l’a, entre autres, mené à organiser la première semaine de l’environnement à Matimekush-Lac John à la mi-octobre. À cette occasion, plus d’une soixantaine de personnes se sont rassemblées pour échanger sur les enjeux touchant le Nitassinan. Parmi les gens qui y ont participé : des Innus et Innues, bien sûr, mais aussi des représentants et représentantes des gouvernements et des minières, dont Tata Steel, pointée du doigt dans le dossier des poussières rouges.

Cercle de discussion lors de la première semaine de l’environnement à Matimekush-Lac John
Cercle de discussion lors de la première semaine de l’environnement à Matimekush-Lac John ©Kellyane Levac

Le succès a été tel qu’une deuxième semaine de l’environnement a eu lieu au début de février, soit à peine trois mois plus tard. Un empressement pas du tout fortuit, raconte le principal intéressé. « Nous essayons d’obtenir l’ouverture d’un bureau de l’environnement régional afin de défendre nos intérêts territoriaux. » D’autres Premières Nations du Québec, comme les Abénakis d’Odanak et de Wôlinak et les Algonquins de Pikogan (Abitibiwinnik), se sont d’ailleurs déjà dotées de cette structure. « La semaine de l’environnement a entre autres servi à questionner la communauté quant à ses attentes vis-à-vis d’une telle entité », indique Claudel Babineau-Boulé, qui a assisté à cette deuxième semaine.

Bien qu’aucune annonce ne soit imminente dans ce dossier, Conrad se dit optimiste pour la suite. « Dans le futur, autochtones et allochtones travailleront tous ensemble, dans le respect des uns des autres et pour l’intérêt de notre jeunesse, qui mérite ce qu’il y a de mieux, pense-t-il. Si nous ne nous mobilisons pas, qui le fera? Les gens du sud ignorent nos réalités. » Un constat que partage Claudel Babineau-Boulé. « Du fait de la multitude de sphères d’influence dans la région, les dynamiques y sont complexes, souligne-t-elle. Travailler avec un rassembleur tranquille comme Conrad constitue en ce sens une chance; sans être le plus audible, il est de loin le plus généreux. »

Suivez-nous sur Facebook, Twitter, LinkedIn et Instagram. Abonnez-vous à notre infolettre