Un peu partout au Québec, des pourvoiries investissent pour réduire leur empreinte carbone. Elles parviennent ainsi à réaliser des économies sur leur facture énergétique et à attirer une nouvelle clientèle.
Isolées en forêt, les pourvoiries du Québec n’avaient jadis pas beaucoup d’options pour fournir à faible coût l’énergie nécessaire au chauffage et à l’alimentation des chalets de leurs clients. À la Seigneurie du Triton, il fallait activer la génératrice et brûler du gaz ‒ jusqu’à 60 000 litres annuellement. « En plus de l’impact que l’on avait sur l’environnement, ces génératrices produisaient une nuisance sonore constante », remarque Annie Tremblay, vice-présidente et directrice du site prisé par les pêcheurs depuis 1870. Alors que les clients pensaient s’isoler en forêt pour pêcher en silence sur un des 12 lacs qui leur sont réservés, un léger bourdonnement brisait la quiétude ambiante. C’est maintenant chose du passé.
En troquant sa vieille génératrice pour une ligne privée connectée au réseau d’Hydro-Québec, la pourvoirie la Seigneurie du Triton, située en Mauricie, diminue son bilan annuel d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de 156 tonnes. Soit l’équivalent des émissions émises par une cinquantaine de voitures circulant pendant un an au Québec.
Depuis des années, la pourvoirie la Seigneurie du Triton cherchait la meilleure façon de remplacer les combustibles fossiles par une énergie verte. Les analyses ont cependant révélé que l’implantation de l’énergie solaire ou d’éoliennes aurait forcé l’entreprise à déboiser un secteur de la taille d’un terrain de football, ce qui allait à l’encontre de sa vision. C’est pourquoi la pourvoirie a plutôt décidé, en janvier dernier, d’investir un demi-million de dollars dans une ligne privée de 12 km pour se connecter au réseau d’Hydro-Québec.
« Ça va nous permettre de réduire notre empreinte carbone et de nous développer en allant chercher une certification en développement durable, qui est de plus en plus demandée par les agences de voyages », ajoute la directrice, qui souhaite rejoindre une nouvelle clientèle qui tient davantage compte de l’impact environnemental dans son choix de destinations touristiques.
Il faudra près de 15 ans pour rembourser cet investissement qui permettra d’améliorer le confort, jadis restreint par les coûts en énergie. Cet important changement permettra également d’ouvrir trois chalets en hiver à compter de 2019.
Au quotidien, la Seigneurie du Triton assure aussi le compostage et le recyclage de toutes les matières qui s’y prêtent, même si le matériel doit être trimbalé sur une dizaine de kilomètres, dont une partie en bateau, pour rejoindre le lac Édouard. Au cours des prochains mois, Annie Tremblay souhaite également investir dans l’électrification des véhicules sur le site.
Choisir ses priorités
La Seigneurie du Triton n’est pas la seule pourvoirie à miser sur une faible empreinte carbone. La Fédération des pourvoiries du Québec (FPQ) planche sur un projet pilote de développement durable auquel participent 18 pourvoiries désirant attirer de nouveaux clients, souligne le directeur de la vie associative, du développement durable et de la faune, Bruno Dumont.
« Les pourvoiries veulent séduire une nouvelle clientèle, dit-il. Si toute chose est égale ailleurs, elle peut prendre une décision en se basant sur le développement durable et l’empreinte carbone. »
Le projet développé par la FPQ permet ainsi d’aller chercher une subvention pour l’embauche d’un spécialiste dans le but de mettre en place une ou deux actions prioritaires ciblées dans le plan de développement durable. Sur les 18 pourvoiries, neuf ont choisi la production d’énergie.
« Il y a quelques années, les technologies ne permettaient pas de rentabiliser les investissements, mais c’est en train de changer », commente Bruno Dumont.
La pourvoirie Wapishish, située à Saint-Fulgence, au Saguenay, a d’ailleurs décidé de remplacer la majorité de ses génératrices par des panneaux solaires. « On les utilise maintenant à peine deux heures par jour, alors qu’elles roulaient 16 heures par jour avant », explique Billy Moreau, propriétaire du site.
Pour l’instant, l’investissement de près de 50 000 $ lui fait économiser 12 000 $ en énergie par année. Des sommes qui seront réinvesties dans de nouveaux panneaux. « L’an prochain, on souhaite doubler le nombre de panneaux pour être autonome à 100 % d’ici quelques années », ajoute l’homme qui offre des séjours de chasse à l’ours et à l’orignal ainsi que des séjours de pêche à la truite mouchetée.
Comme le projet pilote de la FPQ se terminait le 31 mars dernier, cette dernière a déposé un nouveau projet de financement auprès de Développement économique Canada, en collaboration avec le Réseau des Sociétés d’aide au développement des collectivités et Centres d’aide aux entreprises, afin de poursuivre la démarche et d’implanter un régime carbone dans tout le réseau, qui compte plus de 300 sites aux quatre coins du Québec.
Au cours des prochaines années, le nombre d’initiatives devrait se multiplier, car plusieurs projets sont à l’étude. Dans les monts Valin, la pourvoirie Poulin de Courval évalue d’ailleurs la possibilité d’installer une microturbine pour combler ses besoins énergétiques, qui sont trop importants pour une installation solaire.
La rentabilité économique est importante pour les promoteurs, mais ils sont aussi sensibilisés à l’aspect social et écologique de leurs investissements, car ils veulent assurer la pérennité de leurs entreprises.