C’est entre deux rangées de légumes dans l’une de ses serres chauffées que Mattéo Picone me présente son projet actuel : la culture de fruits tropicaux et locaux biologiques en serre au Québec. Incroyable, mais vrai…
Par Marie-Soleil Marleau, 16 ans, Jeune journaliste en environnement Sors de ta bulle – Cohorte 2024
Mandarines, limes, oranges, citrons, pêches, bleuets… Mattéo Picone cultive aujourd’hui plus de 12 sortes de fruits tropicaux et locaux biologiques dans ses serres de Saint-Cuthbert, dans Lanaudière. Aidé de son fils et d’une bénévole, il a pour objectif d’offrir des paniers de fruits et de légumes bios variés aux familles abonnées à son service.
Œuvrant depuis de nombreuses années dans le domaine de l’éducation, Mattéo était loin de se douter qu’il se retrouverait un jour à la tête d’une petite entreprise agricole. C’est en 2017, à la suite d’importants changements dans sa vie, qu’il s’est lancé en agriculture avec la construction d’une première serre sur son terrain. Aujourd’hui, le Jardin Bio Mattéo en compte six, dont deux sont actives en toutes saisons, et il vise un total de neuf serres d’ici quelques années.
Conscient des répercussions de l’agriculture sur l’environnement et sur la santé, il a tout de suite opté pour le biologique, obtenant dès la première année la certification de Québec Vrai, qu’il détient encore aujourd’hui.
« Face aux changements climatiques, c’est quoi ton pouvoir? Fermer la lumière quand tu sors d’une pièce? Peut-être. Je me sentais impuissant face à ce danger-là et je me suis demandé comment je pourrais contribuer de façon bénéfique. J’essaie donc de laisser quelque chose qui témoigne de mon engagement en environnement, en sachant que l’agriculture, c’est hyper polluant », raconte-t-il.
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Des fruits pour la suite
S’il est commun de voir des producteurs de pommes, de poires ou de bleuets au Québec, il est plutôt singulier d’en rencontrer un qui cultive des agrumes et d’autres fruits tropicaux.
C’est en 2021, après plusieurs années à se consacrer exclusivement à la culture maraîchère, que le quadragénaire se tourne vers les fruits, gardant tout de même quelques rangs de légumes pour ses paniers. Ce sont principalement des raisons de charge de travail qui l’y ont poussé, mais aussi d’autres circonstances personnelles.
« Le maraîchage, ça demande trop de travail. Ça demande des employés, de l’attention quotidienne… C’est un travail à temps plein! » explique celui qui est aussi conseiller pédagogique au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, à Montréal. « Je ne voulais pas abandonner l’agriculture, c’est dans mes saines habitudes de vie que de bien me nourrir, bien nourrir mes enfants, garder un contact avec le vivant et le service à la clientèle, mais c’était trop demandant. »
S’il avait une petite base, il a dû faire le plein de connaissance avec les arbres fruitiers, particulièrement les agrumes. Vu le manque d’expertise dans ce domaine au Québec, il s’est plutôt orienté vers l’étranger. Il a suivi des formations dans plusieurs universités en Californie, en France, en Afrique du Sud et même en Australie, où les différentes espèces sont cultivées localement. Ensuite, il a mis en œuvre ces savoirs en achetant divers types d’arbres en pots. Et c’est après plusieurs mois d’observation et de tests qu’il a commencé à réellement cultiver des fruits. Ses arbres à agrumes, qu’il a transplantés dans de plus gros récipients depuis, resteront en pots, tandis que d’autres arbres et arbustes comme les abricotiers, les poiriers et les bleuetiers sont ou seront mis en terre dans les serres déjà bâties sur son terrain, question de protéger ses précieux plants des aléas climatiques. D’ici quelques années, près d’une quinzaine d’espèces produiront des fruits au Jardin Bio Mattéo.
Malgré tout, pour lui et pour beaucoup d’autres agricultrices et agriculteurs à travers le monde, les impacts des changements climatiques se font bien sentir au quotidien. Entre pluies diluviennes, sécheresse et épisodes de grêle, personne n’est à l’abri d’une perte de récoltes. Comme nulle région de la planète n’est épargnée, Mattéo Picone milite pour une meilleure autonomie alimentaire au Québec.
« Bientôt, on ne pourra plus compter sur nos sources d’approvisionnement à l’étranger qui le sont depuis des décennies. On n’est plus sûrs de rien. On a donc tout avantage à développer notre expertise et nos productions locales, même si c’est une perte financière… parce que manger, ce n’est pas une option! » conclut-il.
L’expérience de rédaction de Marie-Soleil
J’ai vraiment aimé réaliser cet article! Il était plutôt différent des autres puisque je me suis rendue à la ferme de Saint-Cuthbert et j’ai adoré l’expérience. Je ne m’étais jamais vraiment penchée sur le monde de l’agriculture et j’en ai beaucoup appris en discutant avec Mattéo Picone.