On entend de plus en plus parler de gaspillage alimentaire, mais avez-vous déjà entendu le terme « gaspillage vestimentaire »? Avec des vêtements toujours plus fragiles qui font le tour du monde plusieurs fois avant d’arriver dans notre magasin à rabais, l’impact sur l’environnement ne peut être que négatif. Pourtant, les solutions pour rendre la mode moins polluante existent!
Par Marie-Soleil Marleau, 15 ans
Jeune journaliste en environnement Sors de ta bulle – Cohorte 2023
L’industrie de la mode a de gros impacts sur le climat et l’environnement. Les vêtements, souvent faits de fibres synthétiques, sont fabriqués à l’autre bout de la Terre et ne sont portés que quelques fois avant d’être jetés. De plus, la mode rapide (communément appelée fast fashion) incite les gens à se procurer sans cesse de nouveaux vêtements, à suivre les nouvelles collections, etc., ce qui entraîne souvent la mise au rebut de vêtements encore utilisables.
« On produit beaucoup trop [par rapport à la demande], on surproduit, ce qui fait qu’on surconsomme », résume Janie-Claude Viens, agente de développement en transition écologique chez Concertation Montréal.
Le surcyclage ou suprarecyclage (upcycling en anglais) est une tendance de plus en plus à la mode dans l’industrie textile et une belle alternative pour les personnes qui veulent réduire leur empreinte environnementale tout en restant très créatives.
« Il s’agit de réutiliser un morceau de tissu qui est considéré comme étant un “déchet” », explique Janie-Claude Viens, soit parce qu’il a déjà eu une vie (par exemple un vêtement porté) ou parce qu’il s’agit d’un résidu de l’industrie textile (par exemple la fin d’un rouleau de tissu ou des chutes de coupes). L’objectif, poursuit-elle, est « de lui donner une deuxième vie où il aura une plus grande valeur ».
Toute réutilisation de tissu n’est cependant pas du surcyclage. « Dans le surcyclage, il y a une valeur ajoutée, précise encore Janie-Claude. Donc, c’est sûr que si je prends mon t-shirt et que j’en fais des chiffons, il y a une revalorisation, mais ce n’est pas vraiment du surcyclage. Par contre, si j’en fais un abat-jour pour ma lampe, dans ce cas, il s’agit de surcyclage, car on a créé un produit de plus grande valeur », précise-t-elle.
Dans le cadre de la Semaine Mode de Montréal (SMM), qui s’est tenue du 18 au 24 septembre 2023, ceux et celles qui ont magasiné au centre commercial Alexis Nihon ont pu découvrir huit marques québécoises de surcyclage toutes très différentes les unes des autres et en apprendre davantage sur cette pratique alternative.
Anaelle Nedelec, créatrice de la marque Unel, confectionne par exemple des petits sacs, des bouillottes, des chapeaux et même des tuques à partir de vêtements « inutilisables ». Elle coupe et recoud certains éléments de différents tissus et les agence pour créer quelque chose de nouveau.
Et les motivations derrière tout ça?
Si pour plusieurs créateurs et créatrices, la conception de produits de seconde main est une réponse à des enjeux écologiques, pour Chloé Landreville, créatrice de la compagnie Une Raton, ce sont plutôt des enjeux économiques qui l’ont poussée à broder sur de vieux vêtements.
Celle qui a débuté comme créatrice alors qu’elle était dans une situation financière plutôt difficile utilisait du tissu de seconde main, car c’est ce qu’elle avait sous la main. « Quand j’ai commencé à faire Une Raton, je ne pouvais pas aller imprimer, je n’avais pas d’argent, j’étais mère monoparentale. Il fallait que je fasse avec ce que j’avais », raconte-t-elle. Elle s’identifie comme à mi-chemin entre une artiste visuelle et une artisane qui vend aujourd’hui ses broderies à saveur engagée sur du tissu de seconde main.
De son côté, Anaelle Nedelec a plutôt été motivée par l’aspect environnemental de la chose. Pour cette ancienne ingénieure biomédicale, sauver les gens et leur santé a toujours été une priorité. La pollution, générée par l’industrie textile notamment, a de graves répercussions sur la santé de nombreuses personnes. Son projet Unel, qui contribue à les réduire, est donc une façon pour elle de poursuivre son engagement.
« Dans le monde dans lequel on vit, on peut avoir un cœur qui fonctionne bien, mais si notre air n’est plus respirable, on ne va pas aller loin », raconte celle qui a fait le saut dans la création de produits surcyclés il y a déjà quelques années.
Des sous-vêtements colorés
Une table couverte de sous-vêtements colorés attire les regards des passants et des passantes au Marché En mode responsable, une autre activité à saveur environnementale organisée dans le cadre de la Semaine Mode de Montréal. Il s’agit des créations d’Isabelle Charlebois, qui utilise les chutes de coupe de designers de la région montréalaise pour confectionner des culottes et des soutiens-gorges de toutes les couleurs.
« Tout, dans l’industrie de la mode, me jetait à terre », affirme la fondatrice de Les belles bobettes. « La production outre-mer, des fournisseurs sous-traitants qui sont en Chine pour qui on a peu d’estime, tous les enjeux environnementaux du transport, de la fabrication textile. Tout ça pour un t-shirt qui a fait le tour de la Terre deux fois et qui, finalement, coûte deux piasses. Moi, à la base, je ne voulais pas contribuer à ça », résume-t-elle.
C’est ce qui l’a d’ailleurs motivée à faire elle-même ses produits à partir de résidus de tissu qu’elle a « sauvé des poubelles ».
Les initiatives pour rendre la mode moins polluante sont nombreuses. On peut choisir de louer ses robes de soirée ou ses smokings au lieu de les acheter, ou de teindre soi-même ses vêtements à partir de pin et de chou rouge. Dans le milieu québécois du design ou de la création de mode, de plus en plus de gens récupèrent leurs résidus jusqu’au plus petit bout de tissu. Tout cela fait souffler un vent d’innovation dans cette industrie qui ne demande qu’à changer.
D’autres solutions existent aussi, comme aller magasiner dans les friperies ou échanger avec son entourage. Malgré tout, la solution à préconiser reste celle de réduire sa consommation de vêtements, parce que le déchet qui pollue le moins restera toujours celui qu’on ne produit pas.
L’expérience de rédaction de Marie-Soleil
J’ai beaucoup apprécié la rédaction de cet article, bien différente de mon premier. Rencontrer de nombreuses personnes et comprendre leurs motivations à travailler pour la planète étaient très enrichissant. Par contre, trier la grande quantité d’informations recueillies a été un certain défi! Me rendre sur place, interroger les créatrices et créateurs, et baigner dans ce monde qu’est celui de la mode m’ont beaucoup plu et m’ont conscientisé davantage aux enjeux environnementaux de l’industrie textile.