
S’écoulant sur la Côte-Nord du Québec, la rivière Magpie est l’objet d’une forte mobilisation visant à la protéger d’une exploitation hydroélectrique. Shanice Mollen-Picard, artiste innue et réalisatrice de la communauté d’Ekuanitshit, nous a dévoilé quelques secrets de la rivière.
Par Mina Saloin et Sarah Duchesneau, journalistes du Laboratoire des jeunes journalistes en environnement (LJJE)
Dans la nation innue, la rivière Magpie occupe une place toute particulière. Et précieuse. Pour Shanice Mollen-Picard, artiste innue de la communauté d’Ekuanitshit et engagée dans sa protection, Magpie est bien plus qu’un cours d’eau : « La rivière, je la considère comme une personne vivante, parce que j’ai pu la pagayer, j’ai pu boire son eau […]. En la voyant s’écouler, en voyant les montagnes et les falaises qui l’entourent, je repense au passé, à mes aînés qui ont pagayé là », explique Shanice. En plus d’être un formidable réseau de déplacements, la biodiversité que la rivière abrite représente un apport important dans l’alimentation des nations autochtones qui la côtoient.
Le dérèglement climatique : une cascade de conséquences
Toutefois, les changements climatiques et la crise de la biodiversité entraînent des conséquences importantes non seulement sur la rivière et son environnement immédiat mais également sur le mode de vie, la culture et les traditions autochtones.
La pêche et la cueillette, par exemple, sont des activités rendues beaucoup plus difficiles. Les distances à parcourir pour trouver des petits fruits sont de plus en plus longues et attraper du poisson demande davantage d’efforts. « À Noël, illustre Shanice, on ne pouvait même pas utiliser les motoneiges, comme on avait l’habitude de le faire pour se déplacer sur le territoire et aller pêcher sur la rivière. »
Reconnue comme l’une des dix meilleures rivières du monde pour les activités en eau vive, la rivière Magpie est un immense trésor dans la région. Malgré cette excellente réputation, les activités récréotouristiques sont presque inexistantes. L’une des raisons pour expliquer cette situation est l’absence de protection de la rivière, toujours exposée à la menace de nouveaux barrages hydroélectriques, indique Shanice Mollen-Picard.
C’est donc avec l’objectif d’obtenir cette protection que, depuis des années, les populations environnantes manifestent, luttent et défendent la rivière. En 2021, elle a été désignée « personnalité juridique » par l’Alliance Muteshekau-shipu, un regroupement d’organismes environnementaux innus, de municipalités et de populations locales. Cette déclaration de protection a représenté un immense pas en avant en faveur de la rivière. Grâce à ce statut juridique, la rivière Magpie possède désormais des droits qui peuvent être défendus devant les tribunaux.
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Sensibiliser pour mobiliser
Une avancée qui a été enregistrée grâce à la collaboration et l’entraide de toutes et tous, affirme Shanice Mollen-Picard : « Elles nous rendent réellement plus forts. » Même si parvenir à un consensus et une vision partagée peut parfois s’avérer corsée, l’engagement collectif est incontournable aux yeux de Shanice. Elle encourage d’ailleurs les jeunes à croire en leurs projets et en leurs capacités.
Comme l’exemple de la rivière Magpie l’a bien démontré dans les premiers temps, la sensibilisation et le bouche-à-oreille sont d’excellentes manières de lancer une mobilisation. Le projet de protection a pris une envergure que personne n’aurait imaginée à ses débuts, en 2019. « Des petits gestes peuvent mener à des grandes actions, très concrètes », estime encore l’artiste.
Prochaine étape? Shanice souhaite faire connaître la situation de la rivière à l’échelle canadienne, voire internationale. « Dans notre région, tout le monde en parle, tout le monde est en faveur de la protection, c’est du jamais vu quasiment. » Elle souhaite désormais que le rayonnement de la tumultueuse rivière Magpie déborde bien au-delà de la Côte-Nord.
L’expérience de rédaction
Mina : Pour la rédaction de cet article, il a été complexe de jumeler habilement le contenu des recherches personnelles et celui de l’entrevue réalisé avec Shanice. J’ai par ailleurs adoré ce moment de partage entre elle, Sarah et moi. J’ai compris à quel point l’attachement à un environnement à risque peut faire toute une différence pour s’engager à le protéger!
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