Traiter l’eau sous terre pour pomper moins d’énergie

Mudwizard Patrick Martel à la mine Laronde d’Agnico Eagle
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Nettoyer de l’eau boueuse sous terre pour la réutiliser… sous terre. C’est le tour de « magie » réussi par une entreprise abitibienne pour contribuer à réduire l’empreinte carbone de l’industrie minière.

C’est bien connu, le sous-sol de l’Abitibi est rempli d’or. Pour extraire le précieux métal, on emploie dans les galeries des millions de litres d’eau qui aident à faire fonctionner les équipements. « L’eau sert de lubrifiant durant le forage de la roche », précise Philippe Trudel, ingénieur mécanique chez Agnico Eagle, qui exploite la mine Laronde. Située entre Val-d’Or et Rouyn-Noranda, à plus de 3 km sous terre, c’est la mine la plus profonde au pays.

Une fois utilisée, toute cette eau se charge de roches finement broyées et devient boueuse. Elle doit donc être nettoyée avant de pouvoir être réemployée dans la mine. La méthode traditionnelle consiste à pomper la boue produite jusqu’à la surface afin de la traiter, un processus énergivore en électricité.

pastille mudwizard traitement eau
« C’est une pastille qu’on met dans un panier et ça vient clarifier les eaux en liant les matières en suspension », explique Patrick Martel.

Dorénavant, grâce au Mudwizard® – le magicien de la boue –, une technologie mise au point par l’entreprise abitibienne Technosub, la mine Laronde évite jusqu’à 11 heures de pompage par jour, ce qui a permis de réduire la consommation d’électricité de 3000 mégawattheures en un an. « En moyenne, avec le Mudwizard®, la mine traite 500 gallons de boue par minute, de 15 à 16 heures par jour », explique Philippe Trudel. Soit près de 1,8 million de litres d’eau boueuse par jour.

Tout le processus se passe désormais sous terre. Dans un grand réservoir de décantation, les déchets présents dans les eaux usées s’agglomèrent au fond et à la surface, comme par enchantement. Ainsi nettoyée, l’eau peut alors être remise en circulation dans les galeries.

C’est magique, pas toxique

Le Mudwizard® doit son nom magique à sa simplicité et à son efficacité déconcertantes. « C’est une pastille qu’on met dans un panier et ça vient clarifier les eaux en liant les matières en suspension », explique Patrick Martel, vice-président aux innovations et solutions intégrées chez Technosub. La composition des pastilles varie selon le type d’eau à traiter. Ainsi, celles qui sont conçues à base de pomme de terre et de maïs permettent de traiter des boues organiques. Technosub utilise également des extraits de racine d’arbre dans certaines pastilles destinées à une mine en Équateur qui doit épurer des boues contenant de la latérite, une roche rouge riche en fer et en alumine.

Un panier de pastilles Mudwizard®

Chez Agnico Eagle, les pastilles sont plutôt fabriquées à partir d’un mélange chimique, « mais non toxique », insiste Patrick Martel. « Pour nous, c’était un des critères les plus importants. Dans une mine, on ne contrôle pas l’utilisation. N’importe qui peut faire à peu près n’importe quoi avec notre produit. Si un mineur décide de mettre 10 fois plus de pastilles le matin pour sauver quelques minutes en ne revenant pas en remettre dans la journée, on vient de surdoser et on ne veut surtout pas rendre l’eau toxique. »

 Encore moins d’énergie

À la mine Laronde, la première station Mudwizard® a été installée en 2015, à 2150 m sous terre. Devant les résultats convaincants, une deuxième a été aménagée en 2017, à 2840 m, et une troisième le sera en 2020. En plus des économies d’énergie, la technologie prolonge la durée de vie et l’efficacité des pompes. « Une pompe conçue pour écluser de la boue est généralement très peu efficace et consomme beaucoup d’énergie », précise Patrick Martel.

À l’échelle de la mine Laronde, la réduction énergétique reste somme toute marginale : elle représente environ 1 % de toute l’énergie consommée sur place. Par contre, le potentiel de réduction des gaz à effet de serre (GES) sera notable pour des mines exploitées dans le Grand Nord et partout dans le monde où l’électricité est produite à partir d’énergies fossiles. Le Mudwizard® est par exemple utilisé par la mine de diamants d’Ekati, située à Lac de Gras, dans les Territoires du Nord-Ouest. « C’est probablement une génératrice diesel à temps plein qui va être à l’arrêt, illustre Patrick Martel. Ce ne sont pas juste les GES de la génératrice qu’on va éviter, mais aussi ceux produits pour emmener le carburant là-bas. »

Un échantillon d'eau clarifiée.
Le système sous-terrain.

Eurêka dans le spa!

Le Mudwizard® n’a pas fini de faire des tours… de magie. Initialement conçu pour les mines, le concept est maintenant exporté pour traiter toutes sortes de boues en France, en Australie, en Finlande, au Mexique, en Équateur, aux États-Unis et ailleurs au Canada. Sur un chantier d’Oakville, en banlieue de Toronto, une dizaine de voyages quotidiens en camion ont ainsi été éliminés grâce au traitement des boues directement sous terre. « Une fois l’eau retirée, la boue est beaucoup plus dense, donc plus facile à gérer », explique Patrick Martel, qui a vécu son moment eurêka en trempant dans un spa.

« J’étais avec mon fils et je lui ai demandé d’aller chercher des pastilles de chlore. Il a apporté le pot, a mis deux pastilles dans l’eau et m’a dit : “C’est un jeu d’enfants, papa !” C’est là qu’a commencé le développement de la technologie. Si mes fils peuvent le faire, des mineurs peuvent faire ça sous terre. » Un filon qu’il a bien fait de creuser.

En novembre 2019, Mudwizard® a été retenu par la fondation Solar Impulse comme une solution qui participe à la protection de l’environnement tout en contribuant à l’économie. Cette fondation, mise sur pied par le Suisse Bertrand Piccard (le premier homme à faire le tour du monde en ballon), cherche à octroyer un label à 1000 solutions dans le monde et le Mudwizard® fait partie des 300 premières déjà accréditées.

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Toutes les photos ont été gracieusement fournies par Technosub.