Économie circulaire : 4 projets inspirants au Québec

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Retombées positives générales

05 octobre 2020 - Aude Boivin Filion, Journaliste

L’économie circulaire ne cesse de faire des petits au Québec : des centaines de projets fonctionnent en boucle pour faire de nos « déchets » une véritable richesse collective. En voici quatre qu’Unpointcinq trouve particulièrement climato-sympathiques.

Le recyclage du bois à vocation sociale

L’histoire de Bois public commence en 2016, à Montréal, lorsque l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, qui cherche la meilleure solution pour recycler les arbres abattus sur son territoire, approche l’entrepreneur social Ronald Jean-Gilles. Depuis cette rencontre qui établira sa mission, l’organisme à but non lucratif (OBNL) retourne les arbres publics à la communauté tout en soutenant la formation de jeunes en réinsertion socioprofessionnelle.

bois public montréal projet
Un banc et un bac à fleurs faits à partir d'arbres publics.

Et il ne manque pas de ressources : Bois public traite aujourd’hui environ 65 % des arbres tronçonnés à Montréal. « Sur les 18 000 arbres coupés par la Ville annuellement, une dizaine de milliers peuvent être transformés en planches, le reste devient de la pâte et du papier », précise la directrice de l’OBNL, Marie-Ève Dontigny, qui explique que Bois public sert de courroie de transmission dans la chaîne de services. « La Ville nous a mandatés pour transformer les arbres en planches et concevoir les designs mobiliers, tandis que les Ateliers d’Antoine est notre sous-traitant. On leur fournit les designs d’écoconception et le bois pour qu’ils construisent les meubles commandés par les municipalités », indique-t-elle. 

C’est là qu’intervient la vocation sociale du partenariat entre les deux organismes. Il donne l’occasion à des jeunes de 18 à 35 ans aux parcours souvent atypiques (décrocheurs, anciens toxicomanes, etc.) de se former en ébénisterie dans le cadre de leur projet de réinsertion sociale. En construisant de leurs mains des bancs, des bacs à fleurs ou des tables, ils apprennent un métier qui leur permettra de devenir autonomes financièrement. 

En quatre ans, plus d’une centaine d’ébénistes ont été formés grâce à ce projet unique dont les retombées sociales et environnementales ne sont pas passées inaperçues. Bois public a raflé de nombreux prix depuis sa création et ça semble parti pour durer. L’organisme compte offrir ses services à d’autres municipalités du Québec et il s’apprête à proposer aux particuliers ses services d’écodesign et de construction de meubles. 

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Ton vieux devient mon nouveau 

La logique des trois R du développement durable semble pouvoir s’appliquer à merveille à l’industrie du textile : réduire, réutiliser, recycler les vêtements et tissus usagés pour éviter qu’ils aboutissent au dépotoir. Les experts du MUTREC en sont convaincus et multiplient les initiatives en ce sens.

« Il y a quelques années, l’entreprise de conception de vêtements Ethik BGC a approché le CIRODD, un regroupement de chercheurs en développement durable dont je fais partie, pour voir comment on pourrait ajouter de la circularité dans le textile québécois », raconte l’ingénieur Julien Beaulieu. Acteurs de l’industrie et chercheurs se sont alors alliés à des organismes autour d’un projet commun : MUTREC (Mise en valeur des textiles résiduels dans une approche d’économie circulaire). En faisant la cartographie du secteur, en 2017, ils ont constaté à quel point le recyclage y est « anecdotique ». 

« Une bonne partie de l’industrie s’oriente plus vers le réemploi des vêtements, avec les centres de tri qui alimentent les friperies. Il n’y a pas vraiment d’industrie du recyclage du textile au Québec comme on en a pour le carton, par exemple », indique le spécialiste de l’écologie industrielle et territoriale. Pour valoriser les résidus, « il faut trier les vêtements en fonction du recyclage et, donc, former les trieurs ou mécaniser le processus », explique-t-il en ajoutant que l’autre obstacle se situe au bout de la chaîne : « On a aussi besoin d’entreprises désireuses de se lancer dans la fabrication de produits à partir de textiles recyclés. »

Le fait que certaines entreprises doivent importer des fibres recyclées pour fabriquer leurs produits montre néanmoins que la filière pourrait être prometteuse au Québec. « C’est pourquoi on voulait miser sur le développement de débouchés. L’idée était de montrer aux entrepreneurs qu’avec la technologie nécessaire on peut trouver des marchés pour la fibre recyclée », signale Julien Beaulieu.

Les chercheurs se sont, par exemple, intéressés à la literie d’hôpital en fin de vie. « On a travaillé avec une entreprise de réinsertion sociale, pour le découpage et la fabrication des chiffons, et avec une boutique zéro déchet. On a démontré qu’avec un bon coût de production on est capables de transformer les tissus d’hôpitaux en chiffons utilisables par les particuliers, ainsi qu’en jetées de lit. On a aussi constaté qu’en défibrant les tissus très abîmés pour en faire du fil, il serait possible de les faire circuler de nouveau dans le secteur hospitalier en créant de nouveaux textiles », explique le chercheur, qui espère trouver des débouchés pour l’ensemble des textiles à recycler au Québec, incluant les vêtements, l’enjeu étant d’atteindre des volumes industriels.

Un produit créé par MATREC à partir de textiles recyclés.

D’après RECYC-QUÉBEC, l’industrie textile a produit plus de 1,2 milliard de tonnes d’équivalent CO2, soit davantage que l’impact planétaire des transports aérien et maritime. De plus, l’équivalent d’un camion à ordures rempli de textiles aboutit chaque seconde dans les dépotoirs ou est incinéré, estime la Fondation Ellen MacArthur.

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La déconstruction à vocation humanitaire

Les chantiers de construction du Québec génèrent environ trois millions de tonnes de déchets par année. Une bonne proportion de ces matériaux est recyclée, mais réapparaît sous une autre forme, souvent de moindre valeur – une porte en bois transformée en granules, par exemple. La solution plus durable, la réutilisation à l’identique – une porte réinstallée telle quelle – reste cependant une exception, estimée à moins de 1 % par Architecture sans frontières Québec (ASFQ), le bras humanitaire de l’Ordre des architectes du Québec.

Dans le cadre du programme Matériaux sans frontières (MSF) qu’elle a lancé en 2016, ASFQ mise ainsi sur un gisement de ressources encore inexploité, celui de la déconstruction. Il s’agit d’une solution de rechange écologique à la démolition et au recyclage qui préserve l’état des matériaux de construction et, donc, prolonge leur cycle de vie en facilitant leur réemploi.

Certes, la déconstruction est plus coûteuse, mais MSF a un argument de taille : ASFQ est un organisme de bienfaisance qui remet des reçus fiscaux pour la valeur marchande des dons qui lui sont acheminés. Cet incitatif permet de rentabiliser les coûts, voire de générer un profit pour le donateur. 

« Grâce à sa circularité, ce programme est un levier d’impact environnemental, mais aussi social. Notre modèle d’affaires permet à MSF de s’autofinancer et de réinvestir ses profits dans les initiatives locales et internationales d’ASFQ », indique Bruno Demers, le directeur général d’Architecture sans frontières Québec. « Notre inventaire nous permet aussi d’agir plus facilement et à moindres coûts », ajoute-t-il.

Depuis quatre ans, MSF a reçu quelque 66 000 kg de matériaux usagés, mais toujours fonctionnels, dont la valeur dépasse les deux millions de dollars. Des dons qui auraient évité l’émission de 108 900 kg de gaz à effet de serre tout en permettant la réalisation de nombreux projets. Les matériaux acheminés en 2018 dans le cadre de la campagne « Un toit pour Haïti » ont ainsi servi à construire des écoles temporaires pour 400 enfants et à rénover six habitations. Plus près d’ici, dans la réserve faunique La Vérendrye, le programme a contribué à la construction et à la rénovation d’une trentaine de maisons de la communauté anicinape du village hors réserve de Kitcisakik. 

Recycler de vieux skis pour faire… du ski!

Skisrécup, c’est une entreprise-école qui récupère des skis et des planches à neige pour les transformer en bancs, tables, porte-bûches et porte-bouteilles! Une idée pour le moins originale, avancée par le prof d’éducation physique François Boucher et ses élèves de l’école secondaire Chanoine-Beaudet de Saint-Pascal, dans le comté de Kamouraska.

Un banc commémoratif (©JP Auclair)

Alors qu’il cherchait une façon de financer un programme scolaire de ski et de planche, François Boucher a eu son éclair de génie en 2014, à Stoneham, en voyant la quantité de planches à neige brisées lors du Snowboard Jamboree. Avec ses élèves – dont la plupart suivaient un parcours en adaptation scolaire et étaient bénévoles à cet événement –, il a développé cette source d’autofinancement. Après deux années de gestation, Skisrécup était né.

Depuis, « les élèves ont recyclé près de 5000 skis et snowboards et construit plus de 500 meubles, ce qui leur a permis d’engranger des profits d’environ 5000 $ », énumère François Boucher. Chaque année, ces bénéfices permettent d’organiser plusieurs sorties de ski pour la quarantaine d’élèves du programme. Le matériel récupéré provient de nombreux dons de particuliers et de partenariats avec des entreprises comme Rossignol Canada et Utopie MFG de Rimouski, qui ont cédé à Skisrécup des centaines de skis invendus, désuets ou ayant des défauts de fabrication. 

Outre l’aspect formateur, le projet offre soutien et motivation aux jeunes, et les encourage à rester à l’école. « Un de mes élèves inscrits en adaptation scolaire, Maxime, voulait décrocher et avait des idées noires. Il a fait des stages à notre atelier pendant quelques années et je l’ai guidé en tant que mentor; ça lui a permis de développer un lien d’attachement avec l’école. Après avoir réussi avec succès son stage final en entreprise, il a reçu plusieurs offres, car les employeurs savaient qu’il avait appris avec nous la rigueur, le respect et les règles de sécurité », témoigne François Boucher avec fierté. 

Parmi les projets originaux, les étudiants ont créé un banc hommage destiné à la famille de Jean-Philippe Auclair, un skieur extrême emporté par une avalanche en 2014, ainsi qu’un banc sur mesure pour souligner, en 2019, le 70e anniversaire de l’incontournable Warren Miller Entertainment, qui produit des films spécialisés dans l’univers du ski alpin et de la planche à neige. Alors qu’ils cherchaient les skis parfaits pour ce projet, la famille Auclair les a contactés pour leur donner les skis de leur fils. Une drôle de coïncidence, puisque Jean-Philippe avait participé à deux tournages pour cette maison de production.