Réduction des déchets, valorisation des matières résiduelles, achats groupés, partage de locaux et de main-d’œuvre, écoconstruction… De la Côte-de-Beaupré à Blanc-Sablon, le développement d’une économie circulaire fait du bien au climat.
Fabriquer des biscuits pour chiens en revalorisant les « déchets » d’une microbrasserie locale : une initiative qui fait saliver tant les pitous que les promoteurs de l’économie circulaire au Québec. Ce projet inusité, concrétisé en 2019, permet à des personnes handicapées d’acquérir de nouvelles compétences et pourrait servir de source de financement au projet MAVIE (Mouvement pour l’accomplissement, la valorisation, l’intégration sociale et l’émancipation des personnes handicapées), explique sa coordonnatrice, Annie Boisseau.
Le principe est simple : recueillir gratuitement la drêche de brassage (orge, blé, avoine) générée par la microbrasserie St-Pancrace, aussi établie à Baie-Comeau, et l’utiliser comme ingrédient de base dans une recette de biscuits pour chiens. Mais encore fallait-il y penser. Gagnant-gagnant, ce partenariat évite qu’une partie des résidus produits par la microbrasserie ne soit envoyée à l’enfouissement.
« Des biscuits seront donnés au refuge animal Chapitou à Baie-Comeau, et une partie de la production sera vendue dans les animaleries locales »
Décarbonisation en cours sur la 138
Cette idée n’aurait pu se concrétiser sans la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) de Manicouagan, un organisme régional qui aide à rentabiliser les activités des entreprises et des organismes locaux ainsi qu’à augmenter leur productivité. « On est là pour donner un coup de pouce à l’économie régionale », explique Suzie-Michelle Perron, directrice générale de la SADC de Manicouagan. Depuis avril 2019, de concert avec les trois autres SADC qui desservent l’est du Québec, cet organisme pilote Synergie 138, une initiative qui vise à développer une économie circulaire de la Côte-de-Beaupré jusqu’à Blanc-Sablon, le long de la route 138.
Sur une base volontaire, les intéressés sont d’abord rencontrés par l’équipe de la SADC dans le but de déterminer ce qu’ils pourraient offrir comme ressources, matières résiduelles, produits ou services, et ce qu’ils pourraient revaloriser dans le cadre de leurs activités. Ils sont ensuite jumelés à d’autres acteurs pour créer une synergie d’économie circulaire, explique Édith Corbeil, chargée de projet pour Synergie 138. « Ils peuvent ensuite se concerter et faire naître un projet rentable. »
C’est quoi, une SADC?
Une société d’aide au développement de la collectivité (SADC) a pour mission d’aider une collectivité à prendre en charge son avenir socioéconomique. Elle développe et stimule l’entrepreneuriat au moyen de ressources financières et techniques. Au Québec, le réseau des 57 SADC et des 10 centres d’aide aux entreprises (CAE) aide et finance chaque année plus de 10 000 entreprises et plus de 1000 projets locaux, surtout en région. Ce réseau découle du Programme de développement des collectivités du gouvernement fédéral.
Des projets, y’en a!
Même si la SADC de Manicouagan en est à ses tout premiers maillages entre entreprises, les prévisions des prochaines années sont positives sur le plan de l’action climatique. Par exemple, toujours dans la région de Baie-Comeau, l’entreprise GPU.One a annoncé sa volonté de récupérer et d’acheminer la chaleur générée par son centre de données à la ferme Manicouagan afin de chauffer ses serres, installées tout près. Une firme évalue présentement la meilleure manière de procéder.
En plus de permettre à la communauté d’avoir des produits frais à l’année, ce projet pourrait créer une vingtaine d’emplois annuels plutôt que saisonniers. De plus, si le chauffage au mazout, l’énergie habituellement utilisée dans les serres, est privilégié dans le cadre de ce projet, l’émission de près de 1000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par an sera évitée, selon les calculs d’Édith Corbeil. C’est l’équivalent des émissions de GES annuelles de 100 Québécois.
Un autre projet de Synergie 138 est en voie de se concrétiser au CPE Les P’tits Bécots, qui travaille sur un projet pilote d’utilisation de couches lavables en collaboration avec le nettoyeur Propet de Baie-Comeau. Ce partenariat permettrait de consolider des emplois et d’éviter l’enfouissement de centaines de couches jetables chaque année.
Ce ne sont là que quelques exemples de la trentaine de projets déjà en cours et de ceux en éclosion!
Ça roule, mais il reste des défis
Bien implantées sur le territoire, les SADC de la Côte-Nord sont tout de même confrontées à un défi constant : mieux faire connaître l’économie circulaire et ses bienfaits pour la communauté. Cependant, la SADC de Manicouagan veut en faire plus, notamment avec la création du colloque Azimut, qui s’est tenu pour la première fois en mars 2018 à Baie-Comeau. L’année suivante, en novembre 2019 plus précisément, huit projets concrets ont été mis sur la table lors du colloque, indique Édith Corbeil. Elle précise que cet événement annuel, qui sera de retour en 2020, cette fois-ci à Sept-Îles, pourrait devenir la plaque tournante de l’économie circulaire pour toute la Côte-Nord.
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L’économie circulaire est avantageuse pour l’environnement et le climat :
- Revalorisation des déchets = utilisation des matières premières à leur plein potentiel.
- Achats groupés = moins de livraisons de marchandises, donc moins de GES émis.
- Entreposage = utilisation plus efficace de l’espace et de l’énergie.
- Moins de déchets = moins de déchets enfouis = moins de méthane émis par les dépotoirs (selon le type de déchets) et moins de risque de contamination des sols.
- Plus de bienfaits économiques et sociaux!