RSE et changements climatiques: l’étau se resserre

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©riopatuca / shutterstock
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Face à l’urgence climatique, les entreprises n’ont plus le choix de faire leur part, au risque de sacrifier leur compétitivité et leur réputation.

Une « menace existentielle à la vie humaine au Canada et dans le monde entier », rien de moins. C’est en ces termes que la Cour suprême du Canada a qualifié les changements climatiques dans sa récente décision qui a confirmé la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les émissions des gaz à effet de serre (GES), à l’origine de « la taxe fédérale sur le carbone ».

Cette affirmation sans équivoque vient cristalliser la grande évolution sociale qui s’est produite depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris en 2016, estime Me David Heurtel, ancien ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques de 2014 à 2017, maintenant avocat-conseil au cabinet Fasken. « On a fait du chemin depuis. En 2014-2015, il y avait encore un débat sur le plan de la science et des changements climatiques, se rappelle-t-il. Aujourd’hui, c’est clair et les entreprises qui ne les prennent pas en compte risquent de subir des conséquences économiques et réputationnelles importantes. »

Tous les acteurs de la société sont appelés à contribuer à l’effort de réduction des GES, y compris les entreprises, qu’elles fassent partie de la catégorie des grands émetteurs ou non.
Corinne Gendron, professeure titulaire au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQAM

« Plus personne ne peut ignorer la crise climatique », confirme Jean-Michel Champagne, responsable du développement durable à HEC Montréal, où il est aussi chargé de cours en responsabilité sociale des entreprises (RSE). « Cet enjeu, qui était émergent depuis l’Accord de Kyoto en 2005, a été consolidé par l’Accord de Paris. Il est désormais institutionnalisé par des actions gouvernementales et la tarification du carbone », explique-t-il.

Ainsi, il y a cinq ans, les entreprises qui s’engageaient dans la lutte aux changements climatiques étaient perçues comme avant-gardistes. Dans cinq ans, celles qui ne l’auront pas encore fait seront en retard, résume Jean-Michel Champagne.

Et maintenant ? C’est le moment ou jamais de passer à l’action. « Tous les acteurs de la société sont appelés à contribuer à l’effort de réduction des GES, y compris les entreprises, qu’elles fassent partie de la catégorie des grands émetteurs ou non », observe Corinne Gendron, professeure titulaire au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQAM.

Plus personne n’y échappe

Ceux qu’on appelle les « grands émetteurs », ce sont les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes d’équivalent CO2 (éq. CO2) par an (industries, alumineries, mines, etc.) et celles qui distribuent plus de 200 litres de carburants et de combustibles fossiles annuellement. Ces entreprises-là sont assujetties au système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission, aussi appelé marché du carbone, une réglementation qui les contraint à réduire leurs émissions de GES sous peine de devoir acheter des crédits carbone pour toute émission qui dépasse le plafond alloué.

De leur côté, les petits émetteurs, qui ne sont pas contraints par la Loi sur la qualité de l’environnement de faire quoi que ce soit, se voient quand même forcés de participer à l’effort collectif, ne serait-ce que pour répondre aux attentes de la société. « C’est pourquoi la plupart des entreprises rendent désormais public ce qu’elles font pour réduire leur empreinte carbone, explique Corinne Gendron. Certaines peuvent par exemple financer le transport en commun de leurs employés, promouvoir le covoiturage ou le télétravail, rationaliser les voyages d’affaires, etc. »

Les actions de ce type sont documentées et les résultats sont publiés dans un rapport annuel « au moyen d’indicateurs souvent inspirés par la norme internationale Global Reporting Initiative (GRI), qui permet une comparaison d’une entreprise à l’autre en matière de développement durable », explique la professeure.

Aujourd’hui, une entreprise qui ne parle pas de ses émissions de GES, « c’est louche », affirme sans détour Jean-Michel Champagne. C’est la raison pour laquelle les entreprises prennent les devants à l’aide de certifications, de palmarès et d’indicateurs standards, comme le GRI, dont elles se servent ensuite dans leur stratégie de communication, souligne Jean-Michel Champagne. « Ces outils impartiaux permettent notamment à l’entreprise de se positionner au sein de son industrie et de neutraliser les critiques. »

À titre d’exemple de cette tendance, cinq sociétés québécoises — le CN, Cascades, Transcontinental, la Banque de Montréal et Cogeco — se sont classées au palmarès Corporate Knights 2021 qui présente les 100 grandes entreprises qui ont les pratiques les plus durables au monde.

86 % des Québécois se disent plus enclins à choisir les produits et services d’une entreprise qui s’engage pour le climat.

Source: Baromètre de l’action climatique au Québec, 2020

Calculer les risques

À court et à moyen terme, les compagnies qui font preuve d’inertie dans la lutte au réchauffement de la planète risquent gros sur les plans de l’attractivité et de la compétitivité. En effet, 86 % des Québécois se disent plus enclins à choisir les produits et services d’une entreprise qui s’engage pour le climat, celle-ci ayant une image plus positive à leurs yeux. C’est un des constats du Baromètre de l’action climatique au Québec en 2020, une étude menée en collaboration par Unpointcinq et une équipe de chercheuses de l’Université Laval qui s’appuie sur un sondage réalisé par la firme Léger à l’automne 2020.

Si vous n’êtes pas à la table de l’action climatique, vous serez au menu : vous serez mangé tout cru par la compétition, vous serez abandonné par vos clients et, pire, vous serez abandonné par votre main-d’œuvre !
Jean-Michel Champagne, responsable du développement durable à HEC Montréal

Selon ce baromètre, une majorité de travailleurs québécois se disent aussi plus motivés à choisir une entreprise responsable comme employeur. Étant donné le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre dans la province, c’est un facteur crucial à prendre en compte, souligne Jean-Michel Champagne, qui lance un avertissement aux dirigeants d’entreprises encore récalcitrants à la réduction des GES à leurs stratégies d’affaires : « Si vous n’êtes pas à la table de l’action climatique, vous serez au menu : vous serez mangé tout cru par la compétition, vous serez abandonné par vos clients et, pire, vous serez abandonné par votre main-d’œuvre! »

À son avis, les nombreuses PME québécoises exportatrices doivent se montrer particulièrement prudentes. « Alors que les grandes entreprises prennent le virage de la décarbonation, ce n’est pas le cas des PME. Or, si les produits fabriqués ici ont une plus grande empreinte carbone, ils ne seront pas compétitifs sur le marché international parce que les partenaires internationaux veulent décarboner leurs opérations aussi. Donc, même si un produit est concurrentiel sur le plan économique, il pourrait bientôt ne plus l’être sur le plan du carbone. Cette nouvelle donne menace les exportations. »

Le chargé de cours en RSE cite l’exemple de la pétrolière Shell qui se désengage des sables bitumineux dans le but de réduire l’effet sur le climat de ses produits pétroliers. « Elle veut désormais mettre ses œufs là où le pétrole a l’empreinte carbone la plus faible, et non là où le pétrole est le moins cher. Même chose pour la pétrolière BP, qui vise la carboneutralité en 2050. »

Une décennie décisive

Les prochaines années ne seront pas de tout repos pour enrayer la crise climatique qui, pour le moment, est éclipsée par la crise sanitaire. « La pandémie nous bloque peu la vue sur cette question environnementale qui est pourtant numéro un dans l’agenda mondial. La relance doit absolument être verte », souligne Corinne Gendron.

L’année 2022 sera charnière dans la lutte aux changements climatiques, fait remarquer Me David Heurtel, notamment avec la divulgation, cinq ans plus tard, des « bulletins » des États signataires de l’Accord de Paris. Ces documents, appelés « contributions nationales déterminées », détailleront les efforts d’atténuation auxquels les pays s’engagent pour contribuer aux objectifs du traité.

Parallèlement, la divulgation croissante des risques climatiques et leur prise en compte dans les décisions d’affaires, de même que l’envol de la finance durable qui soutient la transition énergétique, forcent les bonnes pratiques en matière de lutte aux changements climatiques. De l’avis de Me David Heurtel, les critères d’investissement ESG [pour environnement, société et de gouvernance, NDLR] sont d’ailleurs « la concrétisation de la responsabilité sociale des entreprises ».

Reste qu’une épée de Damoclès plane au-dessus des grands émetteurs de GES : l’augmentation du prix à payer pour émettre une tonne d’éq. CO2, qui passera de 20 $ actuellement à 170 $ d’ici à 2030 au Canada, et possiblement aussi au Québec si la province n’atteint pas ses objectifs de réduction de GES. « Certaines entreprises pourraient alors subir une augmentation monstrueuse de leurs frais d’exploitation », signale Jean-Michel Champagne. Une facture salée qui, par ricochet, pourrait bien être refilée à l’ensemble des consommateurs.

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