Déclarer l’urgence climatique, et après?

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© Sébastien Thibault
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Retombées positives générales

16 février 2021 - Maxime Bilodeau, En paix avec ses contradictions

La lutte contre les changements climatiques se positionne déjà comme un enjeu électoral de premier plan en prévision des élections municipales, qui auront lieu dans moins d’un an. Contre vents et marées, les municipalités du Québec se bougent de plus en plus pour le climat, une initiative à la fois.

Sur les 1108 municipalités québécoises, plus de 400 ont approuvé ou appuyé la Déclaration d’urgence climatique (DUC) depuis 2018. Dans ces communautés habite 84 % de la population québécoise, qui exhorte ses élus à freiner les émissions de gaz à effet de serre (GES). Bien qu’il frappe l’imaginaire, cet appui favorable à la DUC reste tout de même symbolique puisqu’il ne s’accompagne d’aucune obligation contraignante pour les municipalités.

Cet appui illustre néanmoins la préoccupation croissante des Québécois et des politiciens envers les soubresauts du climat. Il encourage aussi des initiatives diverses aux quatre coins de la province : création d’îlots de fraîcheur, aménagement de réseaux cyclables dignes de ce nom, remplacement des systèmes de chauffage de bâtiments publics, etc.

« Il y a eu une réelle prise de conscience dans les cinq dernières années, affirme Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en ville. Le milieu municipal, en général, est de plus en plus sincère et engagé envers le climat », observe-t-il.

« De nombreuses municipalités ont adopté des plans de lutte contre les changements climatiques complémentaires à la DUC », confirme Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et mairesse de Sainte-Julie, sur la Rive-Sud de Montréal.

C’est notamment le cas de Victoriaville, régulièrement citée à titre de chef de file en développement durable au Québec, mais qui n’a pas déclaré l’urgence climatique pour autant.

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Christian Savard est le directeur général de Vivre en ville.

Son programme Habitation durable, qui aide les citoyens à rénover ou à construire des maisons à faible empreinte carbone, inspire tout de même bien des municipalités. Candiac et son écoquartier, qui fait la part belle aux transports actifs et collectifs, en constituent un autre exemple, tout comme Carleton-sur-Mer, Saint-Fulgence et les îles de la Madeleine, où il sera bientôt possible de partager des véhicules électriques municipaux.

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Suzanne Roy est présidente de l’Union des municipalités du Québec et mairesse de Sainte-Julie.

« Ce serait faux de croire que ces enjeux climatiques ne touchent que les villes qui ont les pieds dans l’eau au printemps, poursuit Suzanne Roy. La cinquième vague de chaleur qui a touché le Grand Montréal à la mi-juillet 2020 en constitue un exemple frappant. »

Malgré tout, il reste toujours des récalcitrants dans les rangs. « Des villes vont dans la bonne direction ; d’autres font du surplace. C’est à géométrie variable », regrette Christian Savard.

Des obstacles à surmonter

L’inertie de certaines villes face au réchauffement planétaire et à ses multiples conséquences peut découler de la tendance à aborder l’action climatique avec des œillères, confirment plusieurs personnes interrogées. Cela se vérifie par exemple dans le fait que des municipalités divisent leurs inventaires d’émissions de GES en différents secteurs d’activité, un peu comme des postes budgétaires distincts les uns des autres.

Selon Isabelle Thomas, professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal, ces œillères favorisent l’adoption de solutions « faciles » et rapides, comme l’électrification des flottes de véhicules municipaux, au détriment d’initiatives plus porteuses qui exigent de collaborer avec ses voisins et vis-à-vis, comme c’est le cas pour s’adapter aux inondations. « La réflexion doit être systémique, affirme-t-elle. Il faut voir la résilience climatique à l’échelle de territoires et d’écosystèmes complets, non pas uniquement à l’échelle des localités. Un changement de paradigme est nécessaire. »

Ce serait faux de croire que ces enjeux climatiques ne touchent que les villes qui ont les pieds dans l’eau au printemps. La cinquième vague de chaleur qui a touché le Grand Montréal à la mi-juillet 2020 en constitue un exemple frappant.
Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipalités du Québec et mairesse de Sainte-Julie

Cependant, ce changement à opérer exige la mise en place de plusieurs conditions préalables, comme un diagnostic rigoureux des enjeux climatiques régionaux et une gouvernance qui engage aussi bien les élus que les citoyens.

Dans le cadre de ses travaux au sein d’ARIAction, un groupe de recherche-action en résilience urbaine, Isabelle Thomas s’intéresse justement à la coconstruction de stratégies d’adaptation aux changements climatiques à l’échelle de la MRC de Memphrémagog. « Dans cette MRC, le patrimoine bâti est très important ; un des objectifs est donc de le protéger au travers des décisions des élus et des actions climatiques. » Ce projet, qui s’est terminé à l’été 2020, a permis d’attirer l’attention des décideurs sur les zones du territoire qui sont plus vulnérables aux changements climatiques, indique la chercheuse.

« Il est intéressant de voir comment des municipalités apprennent des problématiques auxquelles elles sont confrontées, puis intègrent ces connaissances à leur plan d’aménagement », ajoute la professeure. C’est notamment le cas de Saint-André-d’Argenteuil et de son projet pilote de quartiers résilients aux inondations, entre autres.

Autre exemple de collaboration : les trois municipalités les plus urbaines qui composent la MRC de Marguerite-D’Youville, dont Sainte-Julie, se sont jointes aux municipalités les plus rurales afin de faire leur inventaire de GES. Sinon, ces dernières n’auraient pas eu les moyens de procéder à l’exercice. « Nous avons ainsi gagné en efficacité, en impact, en plus de réaliser des économies d’échelle, raconte Suzanne Roy. Réaliser un inventaire de GES semble banal, mais c’est assez coûteux. »

LA DUC EN BREF

Lancée en 2018 par André Bélisle, vieux routier du mouvement écologiste québécois et président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), la Déclaration d’urgence climatique (DUC) réclame la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre et une transition vers une société carboneutre. Elle détaille notamment les conséquences de l’inaction sur la santé publique, l’économie, l’alimentation, l’environnement et la sécurité.

La communication des enjeux climatiques représente un autre défi. Sophie L. Van Neste en sait quelque chose ; professeure en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique, elle travaille depuis 2018 sur le projet Labo Climat Montréal. Ce « laboratoire vivant » vise à mieux intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans la planification de grands projets urbains, plus précisément dans le secteur en réaménagement de Lachine-Est.

Lors des ateliers d’échanges entre les divers acteurs impliqués dans ce projet (architectes, urbanistes, promoteurs, résidents…), Sophie L. Van Neste a constaté l’importance de mettre fin au travail en vase clos à l’intérieur des appareils municipaux.

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Sophie L. Van Neste travaille depuis 2018 sur le projet Labo Climat Montréal. ©Ève Claveau

Elle se réjouit néanmoins du courage dont font preuve la Ville de Montréal et ses fonctionnaires. « Nous collaborons étroitement avec eux. Il y a une réelle volonté de leur part d’impliquer la société civile dans leurs décisions », constate-t-elle.

Trois-Rivières avait également impliqué des chercheurs et citoyens dans le cadre du projet de réaménagement « vert » d’une de ses principales artères.

Un enjeu électoral

L’UMQ œuvre par ailleurs à l’élaboration d’une plateforme pour le climat destinée à ses plus de 390 membres. Celle-ci sera lancée à l’hiver 2021, en prévision des élections municipales. Le document de consultation, auquel Unpointcinq a jeté un coup d’œil, s’articule autour de dix thèmes distincts tels que la mobilité, les infrastructures et les matières résiduelles. Pour chacun d’eux, les parties prenantes sont clairement déterminées et des pistes d’action sont proposées par l’UMQ.

« Ce sont des éléments concrets pour les élus municipaux. C’est important que les candidats puissent bien communiquer les enjeux climatiques à leurs électeurs. Que vont-ils faire pour relever ces grands défis ? Comment vont-ils s’y prendre ? En fonction de quelles échéances ? » explique Suzanne Roy. Plus que jamais, le climat se positionne comme un enjeu électoral de premier plan en prévision du 7 novembre 2021.

Ce qui n’est pas pour déplaire à Christian Savard, de Vivre en ville, qui réaffirme le rôle des municipalités pour relever les défis du climat. « Elles ne peuvent plus se croiser les bras sous prétexte que les ordres gouvernementaux supérieurs ne les aident pas suffisamment. Je ne comprends pas pourquoi le Plan pour une économie verte du gouvernement n’inclut pas de mesures pour inciter les villes à se développer autrement […], mais ça ne constitue pas pour autant une excuse pour perpétuer l’étalement urbain », tranche-t-il.

La pression continuera pourtant d’être forte pour élargir les villes afin d’y construire de nouveaux projets résidentiels ; le Québec comptera 240 000 nouveaux ménages en 2030, selon les scénarios de référence de l’Institut de la statistique du Québec.

Cet article provient d’un cahier spécial « Ma ville, mon climat », publié par le quotidien Le Devoir, en partenariat avec Unpointcinq.