C’est l’histoire d’un panier au Québec. Dedans, « il y a les produits frais et les fleurs achetés au marché public de la place Jacques-Cartier à Montréal, les boîtes de conserve vendues par l’épicier du coin de ma rue, les pommes cueillies en famille dans les vergers d’Oka ainsi que les champignons ramassés au début de l’automne dans les bois environnants », vous dit la Montréalaise du 19e ou du 20e siècle, si l’on en croit les photographies d’époque.
L’enfant, lui, y dépose ses trésors : un œuf de Pâques, une friandise de l’Halloween (coutume en vigueur au Québec depuis les années 1920-1930) ou encore le sucre d’érable qu’on lui a offert à la cabane au printemps. Le pêcheur dominical y met ses poissons. Le marchand ambulant emporte un modèle à clapet quand il toque aux portes pour présenter ses articles. Quant aux ouvriers agricoles, c’est aussi dans des paniers qu’ils entreposent les fruits de leur récolte pour les livrer et les vendre au marché Bonsecours. Et ainsi de suite!
C’est l’histoire d’un panier pour toutes les occasions, un panier solide, tiré de la vannerie que les premiers peuples d’Amérique du Nord fabriquaient il y a fort longtemps avec des fibres végétales variées telles que l’osier, l’écorce de bouleau, la racine du cèdre, le bois du frêne noir… Au Québec, le savoir-faire lié au panier est inspiré de la fabrication des raquettes à neige par les Amérindiens. La technique sera largement récupérée au 19e siècle, à des fins pratiques par les populations rurales et à des fins décoratives par les artisans. On note même la présence, au 17e siècle, d’immenses paniers pouvant contenir jusqu’à 145 L de maïs séché chez les autochtones!
C’est l’histoire d’un panier qu’on croyait disparu, relégué au placard parmi les reliques de nos ancêtres et qui, ironie du destin, revient aujourd’hui par la force des choses.
Que s’est-il passé entre-temps? Une bien étrange parenthèse faite de pétrole. Le sac en plastique, produit en quantité infinie et en dépit des conséquences pour notre planète, s’est imposé comme une réponse idéale à la consommation de masse, symbolisée par l’apparition des supermarchés au 20e siècle. L’omniprésence de cette matière « jetable » dans notre quotidien a progressivement mis le solide panier au rancard. Cependant, avec la prise de conscience des changements climatiques, le règne de ce « panier de plastique » dont la fabrication a généré tant de gaz à effet de serre et transformé nos océans en poubelle, touche à sa fin.
Ainsi, conformément à la nouvelle réglementation 2018, les sacs de plastique sont bannis des commerces de Montréal (première grande ville du Canada à donner l’exemple) au profit du cabas en plastique, plus épais et plus solide, et donc plus durable. Certes, le plastique est encore là. Mais le bon sens des anciens nous apparaît désormais comme une incontournable porte de sortie : l’ère du plastique jetable marque le pas, et le panier tressé ressort du placard. Mieux, on se réapproprie sa fabrication : des ateliers naissent ici et là, comme dans la communauté de Gesgapegiag, où la technique ancestrale, dite « micmaque », est enseignée pour être transmise aux générations futures.
D’autre part, le principe du contenant solide et réutilisable reprend vie : pensons par exemple à la popularité des ventes de nourriture en vrac, à l’image de NousRire, un groupe d’achat d’aliments biologiques présent dans quinze villes au Québec et qui connait un succès croissant.
C’est donc l’histoire d’un panier polyvalent et 100 % végétal, oublié un temps, mais promis à un bel avenir, sûrement!