Alors que la concurrence étrangère est féroce sur les étagères des commerces d’alimentation, la Gaspésie fait le pari de convaincre les consommateurs d’acheter local en affichant clairement son identité. Bien plus qu’une appellation, Gaspésie Gourmande souhaite s’imposer comme un mode de vie.
Les petits fruits d’Élise, les patates de Sophie, les chocolats de Carl, l’huile de chanvre de France, les fruits et légumes frais d’Alcide ; la liste pourrait continuer longtemps ainsi. La Gaspésie déborde de producteurs et de transformateurs bioalimentaires. Ça tombe bien, car elle déborde aussi de consommateurs qui ne demandent qu’à s’approvisionner localement.
Ne reste qu’à les mettre en contact pour qu’ils fassent de bonnes affaires et, ensemble, contribuent à réduire leur impact sur le climat. C’est du moins ce que croit l’organisme Gaspésie Gourmande (GG) qui œuvre à la concertation, à la promotion et à la commercialisation de près de 160 entreprises bioalimentaires de la Gaspésie.
Mais comment des aliments locaux se retrouveraient-ils préférentiellement dans les assiettes des Gaspésiens alors que ces denrées sont en concurrence avec tant de produits d’ailleurs et qu’ils sont appelés à être exportés? Maryève Charland-Lallier, responsable de la promotion de l’organisme, ne cache pas l’ampleur du défi. Confiante, elle explique toutefois que plusieurs stratégies sont déployées chaque année pour que cela se produise.
Selon l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société, « il est établi que chaque aliment parcourt une distance moyenne de 2 500 km » avant d’arriver dans nos assiettes. Une telle distance, parcourue en camion lourd, équivaut à plus de deux tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère. Beaucoup de produits maritimes du Québec sortent du pays avant d’y revenir pour être commercialisés alors que « le saumon fumé du fumoir Monsieur Émile, lui, est pêché, transformé et vendu sur place », souligne Maryève Charland-Lallier.
Plusieurs complices
Puisqu’il est compliqué de sélectionner des produits locaux lorsqu’on fait l’épicerie, GG s’affiche clairement afin de guider les consommateurs dans leur choix. Les producteurs peuvent ainsi choisir d’apposer, sur leurs produits, une étiquette arborant le logo de GG afin de se distinguer sur les tablettes. À cela s’ajoutent des languettes pour les prix, des enceintes de bois, des sections consacrées aux produits locaux, des vinyles sur le plancher, de l’affichage dans les paniers d’épicerie et même des dégustations!
Mais nous savons que les aliments qui se rendent à notre bouche n’ont pas tous été achetés à l’épicerie et cuisinés à la maison. C’est pourquoi GG tente de s’infiltrer partout où c’est possible. Ses principaux complices sont les restaurants, les hôtels et les commerces associés à l’industrie du tourisme en général, qui transforment et vendent une importante quantité d’aliments. Il est d’ailleurs possible de voyager en Gaspésie et de n’y manger que des produits locaux en suivant le Tour gourmand.
Les institutions pourraient également se joindre au mouvement, mais elles tardent à se convertir. « Trouver comment introduire des produits régionaux dans les menus des hôpitaux, des CLSC, des centres carcéraux, c’est la prochaine étape », indique Maryève Charland-Lallier. Car ce ne sont pas tous les produits qui sont « achetables » par le marché institutionnel. Il y a des critères de moindre coût à prendre en considération vu les grands volumes qui sont achetés.
Qu’est-ce que signifie le fait de mettre des produits locaux dans notre assiette?
Nature-Action dénombre des avantages pour le consommateur, pour l’environnement et pour le développement de la région :
- C’est un plaisir gustatif, car les produits sont plus frais et donc, plus savoureux.
- C’est bon pour la santé, car les produits sont plus frais et donc, plus nutritifs.
- Ça contribue à l’essor économique de la région.
- Ça permet de réduire la consommation d’énergie associée au transport et à l’entreposage.
- Ça maintient la biodiversité agricole grâce à la culture d’une grande variété de plantes comestibles.
- Ça crée un lien de confiance entre le producteur et le consommateur.
L’humain derrière la carotte
Même quand on a le pouce vert, ce n’est pas d’emblée qu’on se demande qui a cultivé nos carottes. L’avantage de la consommation locale, c’est aussi d’avoir physiquement accès aux producteurs.
Par le biais de portraits (photos et descriptions) diffusés dans les médias et présentés dans son guide-magazine annuel, GG tente de renforcer, voire de consolider ce lien entre producteurs et consommateurs qui s’est grandement effrité avec la mondialisation. Cette campagne vise aussi à faire valoir le savoir-faire artisanal qui subsiste dans la région de la Gaspésie.
Mettre un visage sur un produit, c’est un peu comme montrer à un enfant que son lait provient d’une vache et non d’une pinte.
Cela reste un défi pour l’organisation que de démocratiser l’accès aux produits locaux. L’image de marque que s’est forgée GG il y a une dizaine d’années était plutôt associée à la gastronomie, même s’il y a toujours eu des produits d’usage courant. Maryève affirme qu’« il est vrai que, dans les produits de nos membres, il y a des confits d’oignons ou des petits produits considérés comme fins, qu’on offre en cadeau par exemple, mais il y a aussi des patates et des carottes! »