
Avec le retour du printemps viennent aussi des averses et des crues (allô!). Comment convertir sa propre résidence en Scott Towel pour éviter de transformer les rues en rivières et les sous-sols en piscines? Des spécialistes donnent quelques trucs.
Si une goutte d’eau fait déborder le vase, des mètres cubes font plutôt déborder les égouts. Pour contrer ce fléau, de plus en plus de municipalités aménagent des parcs éponges, qui absorbent les accumulations de pluie pour éviter leur ruissellement dans la rue ou les infrastructures d’aqueduc déjà surchargées, fait valoir Mathieu Drouin, architecte paysagiste pour la firme Provencher_Roy. Avec sa collègue Danielle El Helou, conceptrice en architecture de paysage, il est derrière la création de la toute première rue éponge de Montréal, dans le quartier Centre-Sud.
Pour aider les villes, les propriétaires peuvent aussi mettre la main à la pâte en procédant à quelques travaux – du plus simple au plus coûteux – qui rendent leur résidence plus résiliente. Comment ?
Une lutte collective
Déjà en s’informant : la Ville de Montréal a développé une carte interactive qui répertorie les cuvettes de rétention d’eau sur l’île, des creux naturels du sol où s’accumulent les précipitations. « Si l’on habite dans un de ces secteurs, on peut, en tant que résident, aménager quelque chose en conséquence », suggère Danielle El Helou.
Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation, croit pour sa part que si les populations résidant au bas des côtes sont davantage exposées aux gros débits d’eau, tout le monde peut créer une propriété éponge. « On détourne l’eau pour qu’elle s’infiltre tranquillement dans notre jardin, plutôt que de la laisser dévaler jusqu’en bas et inonder les gens », illustre-t-il.
Pour éviter que son sous-sol ou ceux du voisinage ne se remplissent d’eau, il existe plusieurs astuces, de la plus simple à la plus complexe. Les prix de ces solutions vont de quelques dizaines à plusieurs milliers de dollars, estime Emmanuel Cosgrove. En voici quelques-unes.

Du moindre effort aux grands moyens : 4 trucs concrets à mettre en place
1. La gouttière, vraiment pas chère
Pour les maisons dont les gouttières déversent l’eau du toit dans l’allée (d’où elle s’écoule par la suite jusqu’à la rue), il suffit de changer l’orientation du flux. « On peut facilement la détourner vers la cour arrière, où l’eau va s’infiltrer tranquillement [dans le sol], sans faire de gros aménagements », expose Emmanuel Cosgrove.
Cette méthode permet également d’arroser naturellement le jardin et la pelouse. Pour ce faire, il suffit d’ajouter un tuyau de quelques pieds de long, une solution qui requiert peu de temps et qui ne coûte que quelques dizaines de dollars, calcule le directeur général d’Écohabitation.
2. Éponger l’eau du stationnement
Autre façon d’empêcher l’eau de pluie de s’écouler vers la rue : ajouter un dos d’âne à son stationnement pour la rediriger vers le jardin. « Un sol étanche, c’est une surface de captation qui peut arroser nos aménagements de plantes si l’on s’y prend intelligemment », ajoute-t-il.
Les propriétaires qui disposent d’un budget plus important peuvent aussi remplacer l’asphalte de leur cour par un pavé perméable. « C’est très coûteux, parfois jusqu’à 50 000 $, mais cavec de l’espace entre chaque pierre », dit-il. Le directeur général d’Écohabitation recommande de placer environ 15 centimètres d’épaisseur de terre concassée sous les dalles pour créer un bassin d’infiltration.
3. Une cour éponge
Transformer sa cour en éponge naturelle, c’est possible… si on en a les moyens. Un tel aménagement est en effet susceptible d’engendrer des dizaines de milliers de dollars de dépenses, évalue Emmanuel Cosgrove.
Les installations peuvent par exemple comporter des puits secs pour accélérer le processus d’absorption. « C’est un énorme trou qu’on remplit avec du gravier ou de grosses roches, explique-t-il. Les pierres créent plusieurs espaces vides où l’eau peut saturer avant de s’écouler tranquillement vers le sol. »
Bien que la pelouse soit elle-même perméable, l’ajout d’autres végétaux peut aussi améliorer la capacité d’absorption du sol, notamment des plantes aptes à vivre à la fois au sec et en milieu humide, comme les graminées qu’on trouve naturellement aux abords des cours d’eau. Mathieu Drouin précise qu’il vaut mieux favoriser les espèces indigènes, déjà adaptées au climat d’ici. « Ce ne sont pas des variétés exotiques ou envahissantes, assure-t-il. Et il y a des terreaux spéciaux qui sont conçus pour ça, en étant plus drainants que de la terre à jardin ou à plantation. »

4. Désasphalter sa ruelle
Les citadines et citadins qui veulent ajouter une fonction absorbante à leur ruelle verte peuvent aussi le faire. « Mais ça nécessite la participation de la Ville ou de l’Arrondissement, prévient Mathieu Drouin. On ne peut pas, à titre de simple citoyen, prendre une scie à béton et enlever une partie de l’allée rien que pour installer une plate-bande. »
Plusieurs associations et OBNL épaulent de telles requêtes. Mathieu Drouin cite en exemple Soverdi, qui travaille de pair avec les collectivités et les instances municipales pour déminéraliser des sections de ruelle lorsque possible.
Les gens doivent toutefois éviter de créer leurs aménagements végétaux trop près des bâtiments. « Sinon, ça peut augmenter le risque d’inondation dans un condo par les fondations », met-il en garde
Changer les mentalités
Hormis les ressources financières, le principal défi reste de changer les attentes des gens par rapport aux utilités d’un jardin. « Peut-être que 12 heures après la pluie, le terrain [avec des broussailles] sera encore un peu trop spongieux pour que je puisse aller y jouer avec mes enfants, concède Mathieu Drouin. Le beau gazon, ce n’est peut-être plus ça, maintenant, qui doit être considéré comme une cour aménagée. »
Laisser la pelouse pousser comme plusieurs le font avec leurs poils favorise également la biodiversité. « De nouvelles plantes sont amenées par les papillons et les oiseaux », ajoute l’architecte paysagiste.
« Au-delà de l’esthétique, c’est la responsabilité de tous. On ne doit pas penser juste à notre cour, mais aussi à notre voisinage. On est tous en train de partager un même espace », conclut Danielle El Helou.