« Plus chauds que le climat ! »

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© Extinction Rebellion Québec

29 octobre 2019 - Anne-Sophie Gousse-Lessard, Docteure en psychologie sociale et environnementale

27 septembre dernier. « On est plus chauds, plus chauds, plus chauds que le climat! » criait mon 6 ans avec 500 000 autres personnes lors de la grande marche pour le climat à Montréal. Une manifestation pacifique, festive et historique! Une manifestation acceptée et encouragée par la plupart, malgré l’expression de quelques rares désaccords.

C’est un tout autre sentiment qui a été partagé lorsque trois activistes appartenant au réseau Extinction Rebellion (XR) ont grimpé en haut du pont Jacques-Cartier le 8 octobre dernier.

Certains gestes militants seraient donc perçus comme plus acceptables que d’autres. Rien de bien surprenant dans ce constat. La question de l’efficacité de ce type d’actions est beaucoup plus intéressante, du moins du point de vue de la psychologie humaine.

En obligeant les services policiers à bloquer le pont, les activistes ont suscité beaucoup de mécontentement. Pire, pour certaines personnes, le fait d’être bloqué dans la circulation a eu des conséquences sérieuses, outre le retard au bureau. La colère des gens est compréhensible, valide et légitime. Mais le geste était-il contre-productif pour autant?

Si le but de l’opération de XR était de convaincre l’opinion publique, c’est raté. La situation peut s’expliquer entre autres par la théorie de l’attribution. Les gens « pris dans le trafic » ont senti que leur liberté était brimée. Ils en ont attribué la cause aux activistes et, de ce fait, leur ont aussi attribué différentes caractéristiques négatives (« Ces personnes sont imbéciles et égoïstes »). Les activistes de XR ont été perçus comme faisant partie de l’exogroupe (« Ces gens ne sont pas comme moi »). La source est donc discréditée et son message est perçu comme non valide : il y a rejet du message et possiblement de la cause elle-même. L’opinion publique n’est pas de leur bord.

Si on ne poursuit pas plus loin la réflexion on dira que l’escalade du pont Jacques-Cartier a été totalement contre-productive.

Et si la visée de ce geste n’était pas d’influencer l’opinion publique, mais bien de rappeler qu’une marche de 500 000 personnes n’est pas suffisante pour changer les choses? Un cri pour attirer l’attention afin que la lutte aux changements climatiques ne soit pas reléguée de sitôt aux oubliettes. Force est de constater que tous les médias ont discuté de l’action de XR, les parlementaires ont été forcés de la commenter toute la semaine et les activistes ont été invité-es à Tout le monde en parle. Objectif atteint.

À en croire les statistiques de GoogleTrends, le coup d’éclat a aussi attiré l’attention d’une certaine frange de la population sur le collectif lui-même (voir graphique ci-dessous). Plusieurs ne connaissaient pas Extinction Rebellion auparavant. Maintenant si. Du point de vue des théories du traitement de l’information, on pourrait dire que l’action des membres du groupe a amené une partie de la population non pas à rejeter d’emblée le message, mais bien à le traiter ou, du moins, à s’y intéresser davantage. Objectif atteint.

Des travaux comme ceux du psychologue social Serge Moscovici sur l’influence des minorités permettent de mieux saisir les effets à plus long terme de ce genre d’action. Les minorités n’ont pas le pouvoir d’influence et de persuasion que détient la majorité, mais certaines stratégies permettent de l’augmenter. Un discours cohérent et répétitif fait partie des caractéristiques d’influence. Des gestes d’éclat comme ceux des activistes d’Extinction Rebellion en font aussi partie. Ils peuvent paraître extrêmes, avec raison, tout en ayant un effet particulier sur les attitudes à long terme de la population. On dit qu’ils élargissent le continuum attitudinal. En d’autres mots, plus des gestes radicaux et extrêmes sont posés, plus d’autres gestes qui paraissaient auparavant extrêmes en viennent à être perçus comme modérés.

D’une vision dichotomique des choses, la population en vient à élargir son éventail d’attitudes et à juger plutôt acceptables certaines actions qu’elle jugeait auparavant inacceptables. Dans une perspective de diversification des tactiques, et considérant la temporalité de la lutte, ce geste pourrait en fait ouvrir la voie à d’autres initiatives. Loin de nuire à la cause, donc, il permettrait de la faire avancer. Objectif possiblement atteint.

Un regard historique sur les mouvements sociaux et la désobéissance civile nous fait d’ailleurs apprécier l’ampleur du phénomène par lequel des comportements hors normes deviennent la norme. Black Power, mouvements pour les droits des femmes, mouvements syndicalistes… Tous ont dérangé avant d’être acceptés.

Les billets de blogue que nous publions reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle d’Unpointcinq.