Au nom du Père, du Fils et de la biomasse

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© Alexis Riopel
Created with Lunacy 5 min

En convertissant ses bâtiments au chauffage à la biomasse, la municipalité de Saint-Ubalde, dans la région de Portneuf, a réduit ses coûts d’énergie et son empreinte carbone… tout en sauvant son église! Récit.

La situation financière de l’église de Saint-Ubalde était intenable il y a de cela  cinq ans. Alors que la dîme et la collecte fondaient un peu plus chaque année, le prix du mazout, lui, ne cessait d’augmenter. Résultat : avant que la municipalité ne prenne les choses en main, l’église était au bord de l’apocalypse budgétaire, à tel point que sa démolition était sérieusement envisagée.

« L’huile à chauffage avait atteint un prix exorbitant. Et puis, on savait qu’à long terme, celui des énergies fossiles allait toujours monter », raconte Harold Tremblay, le consultant en bâtiments qui a été mandaté par l’administration municipale pour sortir de cette spirale infernale. Après des études préliminaires commencées en 2010, un système de chauffage à la biomasse forestière s’est imposé comme la meilleure option, d’autant qu’il s’agit d’un sacré outil de lutte contre les changements climatiques, selon Vision Biomasse Québec.

Complétés en 2015, les travaux de conversion ont d’abord permis d’alléger la facture d’énergie. « Pour chauffer l’église, ça coûtait auparavant 40 000 $ d’huile par année, indique Guy Germain, le maire de la municipalité. Maintenant, c’est environ 25 000 $. »

Le système ultra performant dessert non seulement l’imposante église, construite entre 1882 et 1889, mais irrigue de chaleur de nombreux autres édifices, autrefois chauffés au mazout. L’hôtel de ville, le CLSC, le bureau de poste, la salle communautaire et la bibliothèque sont aussi branchés au réseau grâce à des tuyaux souterrains dans lesquels circule un mélange d’eau et de glycol.

Concrètement, un bâtiment voisin de l’église héberge les deux chaudières (les « fournaises ») qui alimentent le réseau. Elles génèrent chacune 110 kW, une puissance équivalente à celle d’une dizaine de barbecues au propane. Elles brûlent des copeaux de bois ou des granules de bran de scie. Les appareils fonctionnent normalement en alternance, mais peuvent carburer de concert lors de grands froids.

Les deux fournaises de Saint-Ubalde. (© Alexis Riopel)
Sur l'ordinateur, on peut activer ou désactiver chaque valve du réseau de chaleur. (© Alexis Riopel)
Harold Tremblay peut contrôler précisément le flux de chaleur dans chaque bâtiment du réseau. (© Alexis Riopel)

Le remplacement du mazout par la biomasse évite l’émission de 133 tonnes de CO2 par an

Au-dessus des fournaises, des tuyaux serpentent, suspendus au plafond. Dans la boucle principale, le liquide circule à 85 °C. Des échanges thermiques avec la boucle secondaire permettent de sélectionner la température du fluide qu’on veut faire circuler dans les bâtiments voisins.

Ces dernières années, Saint-Ubalde achetait des copeaux à la scierie du village ou à celle du village voisin. La municipalité les faisait sécher elle-même dans une grange acquise à cette fin. Toutefois, le prix des granules étant à la baisse, Guy Germain indique que c’est ce qui brûlera dans les chaudières l’hiver prochain.

Le bois, source de combustible carboneutre?

La question divise les chercheurs, explique un article paru dans la revue Science en 2017. Si le reboisement permet de compenser les émissions de CO2 liées à la combustion du bois, les échelles de temps très différentes entre la combustion du bois, qui est presque instantanée, et la régénération de celui-ci, qui peut prendre des décennies, font réfléchir certains chercheurs. L’impact carbone de la combustion du bois dépend ainsi de l’échelle de temps considérée.

L’église revit

Pour un si petit village, l’église de Saint-Ubalde ne donne pas sa place. « Cette énorme église a été entièrement construite grâce au travail de bénévoles. Je n’en reviens pas de la force de la religion à l’époque! » témoigne, visiblement très fier, Jocelyn Denis, un paroissien impliqué au sein de la fabrique de l’église.

 
Il nous emmène dans la cave de la sacristie, où un large espace demeure vide depuis l’enlèvement de la fournaise à l’huile. À côté, quelques tuyaux, de nombreuses valves, un petit réservoir et un échangeur thermique font le lien entre les calorifères à eau de l’église et les chaudières à biomasse.
 
« Avant, quand on chauffait à l’huile, on n’avait pas les moyens de garder l’église au chaud, explique-t-il. Les ornements en plâtre risquaient de craquer avec l’air froid et humide. Et avec le vieux système à la vapeur, on chauffait surtout l’avant de l’église. En arrière, on gelait, se souvient le bénévole. Maintenant, c’est beaucoup plus confortable. Avec les calorifères à l’eau, on chauffe partout dans le bâtiment. »
 
Ces changements sont bienvenus, car les Ubaldiens sont très attachés à leur église. Environ 75 personnes assistent aux messes le dimanche. Lors du chantier, de nombreux citoyens ont bénévolement participé aux travaux pour passer les câbles dans les tranchées entre les bâtiments. Un engagement volontaire qui rappelle la construction de l’église il y a 130 ans.

L'église de Saint-Ubalde (© Michel Vincent)

Pourquoi la biomasse?

« Le projet tel que réalisé permet d’éviter l’émission de 133 tonnes de CO2 par année », indique Harold Tremblay. Dans ce calcul, on considère que la forêt d’où proviennent les résidus forestiers repoussera et qu’elle réabsorbera le CO2 émis lors de la combustion de la biomasse (voir encadrés).

L’hydroélectricité aurait aussi pu être une bonne solution pour remplacer le mazout, mais le prix plus avantageux de la biomasse a fait pencher le village vers cette option. Le coût des installations s’est élevé à un peu plus d’un million de dollars. Des subventions du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités et du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec ont permis à Saint-Ubalde de réaliser le projet.

Grâce à la biomasse forestière, une nouvelle flamme brûle à Saint-Ubalde. « En janvier, la municipalité est devenue locataire de l’église pour un bail de cinq ans », explique Guy Germain. L’élu envisage notamment d’adapter l’église pour qu’elle puisse aussi servir de salle communautaire.

« À côté du moulin à scie, on envisage même un nouveau développement d’une trentaine de maisons, toutes chauffées à la biomasse, poursuit le maire. La population est vieillissante, il faut faire quelque chose. On cherche à attirer des jeunes familles. » Ce serait une véritable bénédiction!

Le compte est bon

Le village de Saint-Ubalde chauffe plusieurs de ses bâtiments à la biomasse forestière, réduisant ses émissions de gaz à effet de serre d’environ 133 tonnes de CO2 par année, selon Harold Tremblay. Voici les détails de son calcul, basé sur l’hypothèse voulant que la biomasse forestière soit une source d’énergie carboneutre.

Chauffage au mazout :

Avant 2014, 51 000 l de mazout étaient nécessaires pour chauffer différents bâtiments de Saint-Ubalde. Sachant qu’un litre de mazout émet environ 2,7 kg d’équivalent CO2, une année de chauffage émettait environ 140 tonnes d’équivalent CO2.

Chauffage à la biomasse forestière :

Aujourd’hui, 185 000 kg de bois sont nécessaires pour chauffer ces bâtiments. Sachant que brûler un kilogramme de bois émet (à long terme) environ 0,04 kg d’équivalent CO2, une année de chauffage émet aujourd’hui environ 7 tonnes d’équivalent CO2.

Ce sont donc 133 tonnes (140 – 7) qui ne sont plus émises dans l’atmosphère.