Guillaume Moreau est le coordonnateur et formateur principal du Parcours des écosoignantes et des écosoignants et Laurence Sauvé-Lévesque, conseillère cadre au financement axé sur le patient. ©Emmalie Ruest
Retombées positives générales
Provoquer des changements systémiques et pérennes dans le milieu de la santé, c’est le pari du Parcours des écosoignantes et des écosoignants. Cette formation a été offerte cette année à une première cohorte de gestionnaires du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. L’objectif? Les outiller pour réduire les conséquences de leurs pratiques sur les changements climatiques.
En 2024, Laurence Sauvé-Lévesque a fait partie de la première cohorte du Parcours des écosoignantes et des écosoignants (PEE). Pendant six mois, celle qui occupe le poste de conseillère cadre au financement axé sur le patient (FAP) pour la direction générale de santé physique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CCSMTL) a bénéficié d’une formation unique en son genre.
Destiné aux gestionnaires comme elle, ce parcours novateur a pour objectif de mieux les outiller pour les amener à implanter, dans leurs services, des façons de faire qui réduiront les effets sur le climat et l’environnement. « Nous sommes les premiers à offrir un tel programme dans le réseau de la santé », explique le coordonnateur et formateur principal du PEE, Guillaume Moreau. Face au succès de la première formation, une deuxième cohorte est en cours de constitution pour cet automne.
Une approche systémique
Porté par le Bureau de santé environnementale et développement durable du CCSMTL, le PEE est d’une durée totale de quinze heures, réparties en cinq séances mensuelles de trois heures. « Lors de la formation, nous abordons entre autres les différents niveaux de la crise socioécologique, les pénuries en ressources et leurs impacts sur la santé des personnes », détaille le formateur.
L’approche de formation s’inspire de thèmes plus larges : le design régénératif, la santé planétaire, les luttes intersectionnelles, les perspectives autochtones ainsi que les savoirs issus de la permaculture. Il n’est pas surprenant d’apprendre que M. Moreau a fait sa maîtrise en sciences de l’environnement, avec comme sujet la permaculture et la régénération des écosystèmes agricoles.
Une portion de la formation est par ailleurs assurée par Camille St-Laurent, la conseillère en équité, diversité et inclusion. « On ouvre sur plusieurs champs pour donner une vision plus systémique de la gestion et de l’environnement », indique M. Moreau. Enfin, lors de la dernière séance de trois heures, l’atelier la Fresque du climat est offert aux écosoignantes et écosoignants. Ce jeu de cartes interactif permet d’approfondir leurs connaissances sur les changements climatiques.
À lire aussi : Stephan Williams, le docteur qui veut soigner le climat
D’abord, ne fais pas de mal
« Les cliniciens sont très sensibles au fait de prendre soin de la planète, indique Laurence Sauvé-Lévesque. Car, ultimement, prendre soin de la planète, c’est prendre soin de la santé des populations. » La conseillère cadre rappelle d’ailleurs la prémisse des cliniciens : « Primum non nocere » : d’abord, ne fais pas de mal. Mme Sauvé-Lévesque constate déjà des retombées positives de la formation entre les différentes directions. « On travaille souvent sur des initiatives plus locales, l’établissement de santé est tellement grand ! » confie-t-elle.
En plus d’offrir des soins et services à la population sur un territoire d’une superficie de 46 km2, le CCSMTL a des centres de services un peu partout dans la métropole. Avec plus de 20 000 employés, 930 spécialistes et plus de 200 bâtiments, selon le dernier rapport annuel de gestion 2022-2023 de l’organisation, cela devient essentiel de mettre en commun des outils de gestion mieux adaptés, souligne Guillaume Moreau.
L’objectif est de pérenniser les changements à tous les étages du CIUSSS. Pour mieux comprendre, Laurence Sauvé-Lévesque, qui est également infirmière de formation, explique que les outils fournis dans le cadre du PEE « permettent de prendre en considération certains aspects de notre travail qui nous sortent de notre pratique quotidienne ».
Laurence Sauvé-Lévesque, qui est également infirmière de formation, estime que les outils fournis dans le cadre du PEE permettent de prendre un pas de recul et de réfléchir à certains aspects importants de l’organisation du travail. Le fait de parler à des employées sur le terrain l’a ainsi amenée à considérer l’implantation de l’hémodialyse « verte ». Cette procédure qui filtre le sang à la place des reins est plus respectueuse de l’environnement, parce qu’elle réduit notamment la consommation d’eau et la production de déchets médicaux associées au traitement. Mme Sauvé-Lévesque aimerait ainsi intégrer cette nouvelle façon de faire et la rendre systématique à travers le CCSMTL.
D’autres projets déjà en place au CCSMTL permettent de réduire les impacts de certaines procédures médicales. Les hôpitaux Notre-Dame et Verdun ont, par exemple, obtenu la certification Transfuser avec soin, d’Héma-Québec, une initiative qui vise à réduire le gaspillage lors de transfusions sanguines. L’infirmière de formation rappelle par ailleurs l’idée du « bon soin, au bon moment, pour le bon patient ». Cette vision, appuyée par des données scientifiques probantes, prend de plus en plus d’ampleur dans le milieu québécois de la santé et cadre avec les objectifs du PEE.
Former les formateurs et formatrices
En matière d’action climatique, les efforts doivent être faits « à tous les niveaux », affirment en choeur la conseillère cadre et le formateur. Même si, pour le moment, les énergies sont mises à former les gestionnaires, Laurence Sauvé-Lévesque reconnaît l’importance d’écouter les travailleuses et travailleurs sur le terrain. Les personnes employées veulent aussi contribuer, comme elles le font déjà souvent au quotidien, à la maison. « Le personnel veut pouvoir transposer cet engagement aussi dans son milieu de travail », constate Mme Sauvé-Lévesque.
À ce sujet, Guillaume Moreau affirme que des formations pour le personnel sur le terrain du CCSMTL seront prochainement données. D’autres établissements de santé au Québec ont manifesté un intérêt pour le Parcours des écosoignantes et des écosoignants. Une présentation du projet organisée par la conseillère en développement durable au ministère de la Santé et des Services sociaux, Bénédicte Leclerc-Jacques, est prévue en octobre. Il s’agit d’une formule condensée du PEE, en trois séances.
Toutes les personnes occupant un poste semblable à celui de M. Moreau qui souhaitent à leur tour offrir une formation de ce genre dans leur région sont invitées à y participer.
Ce texte a été publié dans le cahier spécial Innover pour mieux soigner du Devoir
