Un véhicule électrique unique en son genre et conçu au Québec contribue à dépolluer nos parcs et forêts.
Entretenir des pistes de fatbike exige du temps, de la minutie et beaucoup de combustibles fossiles. « De décembre à avril, nous sortons 2 ou 3 fois par semaine en moyenne, pour un total d’une centaine de sorties durant la saison », estime Geoffrey Isaac, directeur général du Centre plein air Le Norvégien, à Jonquière. Jusqu’à tout récemment, son équipe d’entretien recourait à de la machinerie fonctionnant à l’essence pour ciseler le réseau de 18 km. « Nos bénévoles respiraient les gaz d’échappement de motoneiges et de Snowdog [un engin motorisé utilisé notamment pour le traçage de sentiers] », se souvient-il.
Depuis l’hiver 2022, plus une goutte de diesel est utilisée pour réaliser ces opérations. Le Norvégien fait plutôt confiance à deux chenillettes électriques MTT, du nom de l’entreprise saguenéenne qui a mis au point la technologie et la commercialise. « Grâce à ces engins, nous décarbonisons nos opérations tout en économisant sur les combustibles, précise Geoffrey Isaac. On peut même les utiliser comme des génératrices portables, pour y brancher nos outils en pleine nature par exemple. »
Grâce à ces engins, nous décarbonisons nos opérations tout en économisant sur les combustibles.
Écologiques et utiles
Difficile de décrire ces engins tant ils n’ont pas vraiment d’équivalent. Il s’agit de véhicules assez bas, étroits et relativement courts mus par une seule chenille. Massifs, ils sont conçus pour circuler tant sur la glace que dans la neige, le sable ou la boue, ce qui permet l’exploration d’endroits difficiles d’accès. Peu bruyants (la faune leur dit merci!), ils peuvent tirer une remorque ou un traîneau pesant jusqu’à 3200 livres sur un terrain plat ou jusqu’à 1000 livres en mode tout terrain, gracieuseté de leur moteur électrique alimenté par une, deux ou trois batteries au lithium-ion rechargeables.
Par contre, attention! Même si des gens peuvent s’y asseoir, ce ne sont pas des véhicules récréatifs, mais bien des outils de travail qui multiplient l’effort humain, comme en témoigne leur faible vitesse de pointe d’à peine 18 km/h. Certains modèles sont télécommandables.
« Yvon Martel, l’inventeur, a eu cette idée alors qu’il se promenait au fin fond du bois en plein hiver. Il a réalisé que de venir en aide à un individu blessé dans ces conditions serait long et pénible », raconte Pascal Girard, directeur des ventes pour MTT Technologie.
Avec l’aide de son fils Michaël, ingénieur mécanique et vice-président de la société, Yvon Martel a amorcé en 2014 la conception de sa « chenille des neiges », comme l’appelaient certains médias à l’époque. La chenillette autotractée à moteur électrique a été conçue « dès le départ » dans une optique écologique, indique Pascal Girard. Pas étonnant que cet engin fasse maintenant tourner les têtes ici comme ailleurs.
« Les ventes sont bonnes depuis le lancement il y a environ un an, révèle Pascal Girard. Ces dernières se concentrent surtout au Québec pour l’instant. » Outre des centres de plein air locaux – Le Panoramique, le Tobo-Ski, le Mont Lac-Vert et le parc de la Rivière-du-Moulin ont aussi passé des commandes pour leurs sentiers de fatbike –, les secteurs militaire et agricole ont manifesté de l’intérêt pour le véhicule. Si tout va bien, l’entreprise espère produire entre 500 et 700 unités en 2023, dont certaines pourraient trouver preneur à l’étranger.
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Fierté régionale
L’assemblage des machines et le contrôle qualité se font à l’usine de Chicoutimi. L’entreprise d’une vingtaine d’employés s’approvisionne en pièces diverses auprès de fournisseurs locaux et du Québec.
Sans surprise, le caisson étanche à l’eau, à la neige, à la boue et au sable est en aluminium, le métal gris qui fait la fierté de la région.
De plus, les batteries, dont l’autonomie annoncée est d’environ quatre heures, sont aussi fabriquées sur place par MTT Technologie avec des cellules électriques.
Pour toutes ces raisons, Therry Gingras, propriétaire de l’Érablière Paul et Alain Gingras, à Saint-Ubalde, s’est procuré une MTT. Le but est de faciliter les travaux manuels dans cette exploitation acéricole de quelque 60 000 entailles, notamment en diminuant les dommages aux milieux naturels. « Au lieu de remplacer notre vieil Argo [un véhicule tout-terrain à roues motrices] par un neuf, nous avons décidé d’explorer de nouvelles avenues. Les prix sont similaires, nous économisons sur le prix de l’essence et, en plus, nous rendons nos opérations plus vertes qu’elles ne le sont déjà », conclut celui dont l’entreprise est certifiée biologique et qui travaille à réduire son empreinte carbone.