Face à l’urgence climatique, les municipalités peuvent montrer l’exemple en réduisant leurs propres émissions de gaz à effet de serre (GES). Elles peuvent aussi offrir aux citoyens des outils concrets pour les aider à faire la même chose.
En ce beau samedi matin à Gaspé, Martin décide d’aller faire ses courses, mais au lieu de prendre le gros pick-up qu’il utilise pour le travail, il sort son cellulaire pour accéder à la plateforme d’autopartage de véhicules électriques de la Régie intermunicipale de transport Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine (RÉGIM). En quelques clics, il réserve la voiture électrique municipale pour deux heures, au tarif de 15 $ environ. Un petit effort pour Martin et un gain pour le climat.
Grâce à cette nouvelle plateforme mise en service en juin dernier, 10 véhicules électriques municipaux sont désormais accessibles aux citoyens, notamment à Gaspé, Carleton, Grande-Rivière et Maria, indique Johanne Ouellet, la vice-présidente de la division mobilité de YHC Environnement, la firme-conseil qui a développé l’outil.
YHC Environnement accompagne les villes et les MRC dans leurs projets verts. Elle a, entre autres, lancé le système d’autopartage avec véhicule électrique pour les municipalités en région (SAUVéR) et le projet de transport collectif intelligent et de transport électrifié (TCiTé), déployé notamment en Gaspésie, qui inclut l’autopartage, le covoiturage et un service de taxi électrique.
Des tonnes de CO2 en moins
Pour une municipalité qui fait l’achat d’une voiture électrique, le programme SAUVéR permet de réduire les émissions de GES de 1,1 à 3,2 tonnes d’équivalent CO2 par année, selon le véhicule qu’il remplace et le nombre de kilomètres parcourus.
L’intérêt de la plateforme d’autopartage est qu’elle permet aux municipalités de faire coup double. En faisant l’acquisition de voitures électriques, elles réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). En les louant aux citoyens en dehors des heures de bureau, elles leur proposent d’en faire autant pour leurs déplacements. « Ça permet de montrer l’exemple et d’offrir des alternatives à la population », souligne Johanne Ouellet.
Jusqu’à maintenant, une quarantaine de municipalités du Québec et quelques-unes du Nouveau-Brunswick ont implanté ce modèle d’autopartage de véhicules électriques. Selon ses besoins, chaque municipalité peut moduler les tarifs de la location. La Ville de Mercier, par exemple, a décidé d’offrir le service gratuitement jusqu’en janvier pour le faire connaître et inciter la population à l’utiliser. À Saint-Fulgence, on a récemment converti à l’électricité une camionnette qui sera proposée en autopartage, et six autres municipalités veulent en faire autant.
« Ça permet de montrer l’exemple et d’offrir des alternatives à la population.
L’importance des données
Réduire l’empreinte carbone des transports municipaux est certes une bonne idée, mais les villes devraient commencer par faire un inventaire de leurs émissions de GES, estime Luc Baillargeon-Nadeau, directeur du développement durable chez LCL Environnement, une firme d’experts-conseils en environnement. « À la base, il faut connaître les sources d’émissions pour prioriser ce qu’on va faire dans un plan d’action et pour avoir le meilleur retour sur investissement. » De telles statistiques permettent aussi de mesurer les progrès et de voir si on atteint ses objectifs, fait remarquer de son côté le coordonnateur technique du secteur Air, Changements climatiques et Énergie du Réseau Environnement, Charles Leclerc.
En gros, la majorité des GES des villes proviennent de trois secteurs : le transport, les bâtiments et la gestion des déchets.
Dans les bâtiments, la plus grande source d’émissions, c’est le chauffage aux énergies fossiles. « Le défi est de les remplacer par des énergies renouvelables, mais aussi de diminuer la consommation énergétique », signale Charles Leclerc. « Il faut notamment miser sur une meilleure isolation et sur la récupération de chaleur », ajoute Pascal Geneviève, directeur général de CCG, une firme spécialisée dans les solutions climatiques.
Une petite subvention peut avoir un impact sur les choix des citoyens.
Nos déchets peuvent également participer à alléger l’empreinte carbone de nos administrations municipales. À Beaconsfield, la Ville a décidé de facturer chaque vidage du bac à ordures à ses citoyens. Résultat : on maximise le recyclage et le compost, pour amener sa poubelle moins souvent au chemin, explique Luc Baillargeon-Nadeau. Le camion à ordures s’arrête moins fréquemment, ce qui génère aussi moins de GES, alors que les matières organiques peuvent être valorisées. Autre solution : valoriser les biogaz qui s’échappent des lieux d’enfouissement techniques – les dépotoirs en somme – en les transformant en gaz naturel renouvelable, comme c’est le cas à Varenne, à Rivière-du-Loup et à Saint-Hyacinthe.
Certaines municipalités, comme Shefford ou Saint-Henri-de-Taillon, s’assurent en outre de compenser leurs GES, en plantant des arbres notamment, afin d’atteindre la carboneutralité. « Elles jouent un gros rôle de sensibilisation en montrant l’exemple à leurs citoyens », remarque Charles Leclerc. D’autres financent aussi l’achat de véhicules électriques, de vélos et même de tondeuses électriques. « Une petite subvention peut avoir un impact sur les choix des citoyens », note le coordonnateur du Réseau Environnement.
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Impliquer les employés
Certaines villes misent sur des actions qui contribuent à réduire l’empreinte carbone de leur personnel au travail. Ainsi, Victoriaville a lancé le défi « Au boulot sans auto » à ses employés. Hampstead a pour sa part implanté le compostage dans les immeubles municipaux. Les municipalités qui ont la certification Communauté bleue, comme Saint-François-de-Sales, ont éliminé l’utilisation des bouteilles d’eau pour les employés et tous les événements municipaux. Plusieurs villes ont aussi offert de la formation en écoconduite, par exemple Lévis et Granby. D’autres villes misent pour leur part sur des incitatifs pour des lunchs zéro déchet, des douches ou des casiers pour inciter aux déplacements actifs ou encore sur des places de stationnement prioritaire pour ceux qui covoiturent.
En bref, les idées pullulent pour réduire l’empreinte carbone des villes. Il ne reste qu’à les faire connaître et à les implanter pour faire un pas de plus vers un monde plus sobre en carbone.