La Côte-Nord ne lâche pas la patate

L’ingénieure en environnement de la Ville de Sept-Îles, Mélissa Bernier, dans le dôme où sont déposées les matières putrescibles, première étape du processus de compostage.
array(26) { ["ID"]=> int(78591) ["post_author"]=> string(3) "113" ["post_date"]=> string(19) "2025-01-28 06:29:10" ["post_date_gmt"]=> string(19) "2025-01-28 11:29:10" ["post_content"]=> string(0) "" ["post_title"]=> string(37) "La Côte-Nord ne lâche pas la patate" ["post_excerpt"]=> string(335) "Depuis septembre 2024, les bacs de déchets organiques ont fait leur apparition sur le territoire des MRC de Sept-Rivières et de Uashat Mak Mani-Utenam. Une vaste campagne de communication a été déployée pour apprivoiser son utilisation « une p’tite patate à la fois ». Qui a dit que le compostage n’était pas rigolo? " ["post_status"]=> string(7) "publish" ["comment_status"]=> string(6) "closed" ["ping_status"]=> string(6) "closed" ["post_password"]=> string(0) "" ["post_name"]=> string(35) "la-cote-nord-ne-lache-pas-la-patate" ["to_ping"]=> string(0) "" ["pinged"]=> string(0) "" ["post_modified"]=> string(19) "2025-02-17 14:55:19" ["post_modified_gmt"]=> string(19) "2025-02-17 19:55:19" ["post_content_filtered"]=> string(0) "" ["post_parent"]=> int(0) ["guid"]=> string(31) "https://unpointcinq.ca/?p=78591" ["menu_order"]=> int(0) ["post_type"]=> string(4) "post" ["post_mime_type"]=> string(0) "" ["comment_count"]=> string(1) "0" ["filter"]=> string(3) "raw" ["header"]=> string(4) "blog" ["displayCategories"]=> bool(true) }
L’ingénieure en environnement de la Ville de Sept-Îles, Mélissa Bernier, dans le dôme où sont déposées les matières putrescibles, première étape du processus de compostage. ©Émélie Bernier
Created with Lunacy 4 min

28 janvier 2025 - Émélie Bernier, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Depuis septembre 2024, les bacs de déchets organiques ont fait leur apparition sur le territoire des MRC de Sept-Rivières et de Uashat Mak Mani-Utenam. Une vaste campagne de communication a été déployée pour apprivoiser son utilisation « une p’tite patate à la fois ». Qui a dit que le compostage n’était pas rigolo?

« Abacadabrun! », invoque à l’écran une gamine armée d’une baguette magique. Après une série de formules infructueuses, la magie opère enfin : dans un fracas apparaît… un bac à compost. Non, ceci n’est pas une scène de Harry Potter, mais une publicité vidéo réalisée pour les villes de Sept-Îles et de Port-Cartier, la MRC de Sept-Rivières et la communauté d’Uashat Mak Mani-Utenam (ITUM).

« L’implantation de la collecte de matières organiques dans une collectivité est le plus grand changement de comportement depuis l’avènement du recyclage, un geste qu’on demande à tout le monde, pas seulement à une clientèle déjà convaincue. L’axe de communication a donc été dès le départ la simplicité », explique Caroline Cloutier, impliquée dans le dossier depuis presque dix ans, d’abord à la MRC, puis à Environnement Côte-Nord (ECN), l’un des premiers joueurs de l’équipe « compostage ».

« Oui, c’est une nouvelle habitude à intégrer dans le quotidien, tempère Amélie Robillard, conseillère en communications à la Ville de Sept-Îles, mais quand on a toutes les bonnes informations, les bons outils – le bac de cuisine, le bac roulant –, ce n’est pas… sorcier! » Les outils promotionnels mettent à l’avant-plan des jeunes, un choix qui n’est pas anodin. « On ne cache pas que c’est une façon de passer par eux pour contaminer positivement leurs parents, reconnaît-elle. On sait que les changements de comportements des adultes passent souvent par leurs enfants qui reviennent de l’école avec de nouveaux trucs, par exemple. »

Des exemples à la tonne

 
Les municipalités et MRC québécoises ont l’obligation de faire le virage « compost » avant la fin de l’année 2025, ce qui place cette partie de la Côte-Nord en queue de peloton. Mais pour Amélie Robillard, c’est plutôt un avantage : « On a pu profiter des expériences de plein de municipalités. Il y a eu des campagnes vraiment chouettes aux quatre coins de la province. On s’est échangé nos trouvailles.

Le message a été adapté aux réalités de Port-Cartier, Sept-Îles et Uashat Mak Mani-Utenam. « Pour une meilleure appropriation de la campagne, chaque territoire y a mis sa couleur! », indique Caroline Cloutier.

La campagne de promotion du compostage met en vedette des enfants, un vecteur pour rejoindre les parents. ©Émélie Bernier
La campagne de promotion du compostage met en vedette des enfants, un vecteur pour rejoindre les parents. ©Émélie Bernier

La campagne parapluie a encore quelques tours dans son sac. « On se tient prêt à réagir en fonction de petits défis que les personnes peuvent rencontrer et pour motiver les troupes », précise Amélie Robillard.

Des poches de résistance

Aussi sympathique que soit la campagne, la résistance s’est fait sentir sur le terrain… numérique. « Je pensais que les plus grosses craintes des citoyennes et citoyens seraient les odeurs et les insectes durant l’été. Finalement, les réactions les plus vives ont été en lien avec le calendrier de collecte », ajoute-t-elle.

D’octobre à mai, la Ville de Sept-Îles a choisi de réduire la fréquence de la collecte du bac à ordures à une fois par mois. « Il y a eu de petites vagues, mais c’est important de rappeler aux gens que la moitié de tous les déchets qu’on génère à la maison peut se retrouver dans le bac brun! Ça réduit d’autant le contenu de la poubelle », lance Amélie. Mais au final, seule une vingtaine de contestataires ont appelé la Ville à ce sujet depuis septembre.

La Corporation de protection de l’environnement de Sept-Îles (CPESI), un organisme paramunicipal, a sans doute contribué à adoucir les coins en allant à la rencontre des contribuables. « Dans une campagne de sensibilisation, on donne de l’information, mais ça ne va pas dans les deux sens. On voyait des réactions disproportionnées sur les réseaux sociaux, alors que dans les rencontres citoyennes, on pouvait répondre directement aux interrogations », indique Maxime Maheu-Moisan, coordonnateur en sensibilisation à la CPESI.

La carotte au bout de la baguette magique

Les coûts associés à l’implantation du compostage ne sont pas négligeables, mais les contreparties les justifient amplement. « C’est une solution qui nous fait collectivement sauver de l’argent. Il faut considérer que grâce au bac brun, le site d’enfouissement, qui coûte extrêmement cher et qu’on doit bientôt agrandir, va durer plus longtemps. C’est un retour sur l’investissement très concret et motivant, sans oublier la très importante plus-value environnementale », rappelle Caroline Cloutier, titulaire d’un baccalauréat en biologie et d’une maîtrise en développement régional.

Autre motivation : le versement de la troisième tranche de l’aide financière de 1,47 M$ du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs est conditionnel à l’atteinte des objectifs après cinq ans : une quantité annuelle de matière traitée égale ou supérieure à 85 % de l’objectif total de 6181 t/année, y compris pour les institutions, les commerces et les industries ainsi que pour la déshydratation des boues des étangs d’épuration et de fosses septiques.

« Si on veut obtenir tous les sous promis, il faut atteindre cette cible, explique Caroline Cloutier. Ultimement, le souhait est que le coût de récupération soit inférieur au coût d’élimination. »

Après avoir passé 4 à 6 semaines sous le dôme, le compost en devenir sera étendu au grand air sur cette immense dalle de béton où se poursuivra le processus. Six à huit semaines plus tard, le substrat sera tamisé jusqu’à l’obtention d’un compost prêt à utiliser par les citoyennes et citoyens, si la qualité le permet. La construction des installations a coûté 4,6 M$. Un autre 700 000 $ s’ajoute, si on considère les études préalables et la préparation du terrain.
Après avoir passé 4 à 6 semaines sous le dôme, le compost en devenir sera étendu au grand air sur cette immense dalle de béton où se poursuivra le processus. Six à huit semaines plus tard, le substrat sera tamisé jusqu’à l’obtention d’un compost prêt à utiliser par les citoyennes et citoyens, si la qualité le permet. La construction des installations a coûté 4,6 M$. Un autre 700 000 $ s’ajoute, si on considère les études préalables et la préparation du terrain. ©Émélie Bernier

Et ça marche?

La collecte des matières putrescibles a connu un bon départ, avec la participation d’un peu plus de 50 % des foyers du territoire de Sept-Îles. Depuis, la participation fluctue autour de 40 %. Grâce à la mise en place de la collecte des bacs bruns dans les secteurs résidentiels le 16 septembre 2024, un peu plus de 314 tonnes de matière organique ont été collectées à Sept-Îles et sur le territoire de Uashat Mak Mani-Utenam. Les chiffres pour Port-Cartier n’étaient pas connus au moment où ces lignes ont été écrites, puisque la collecte y a débuté le 6 janvier. Selon les calculs, la plateforme de compostage de la MRC de Sept-Rivières, où sont également acheminées les matières putrescibles des communautés de Uashat et Maliotenam, devrait générer un total de 2815 tonnes de compost par année.

De quoi faire fleurir bien des parterres et pousser beaucoup de pommes de terre, comme par magie!

Pouvez-vous répéter?

L’adoption durable d’un comportement n’est pas chose facile et le compostage domestique ne fait pas exception. D’où l’importance de répéter le message. Encore et encore.

« Nous avons l’illusion qu’un message clair et logique sera nécessairement compris par tous, ce qui n’est pas le cas. Pour qu’une communication soit efficace, on doit répéter le message, mais surtout utiliser différents canaux. Les messages de masse, tels qu’infolettres, courriels, mémos, etc., doivent être accompagnés d’outils à valeur plus élevée, comme des démonstrations, des échanges en petits groupes, des discussions sur le terrain ou des campagnes participatives avec les citoyennes et citoyens », estime Virginie Francoeur, professeure agrégée de changement organisationnel à Polytechnique Montréal.

L’humour est un bon vecteur, estime l’universitaire. « Une communication classique aura moins d’impact qu’une communication qui parle aux gens, en utilisant des outils engageants comme l’humour, l’art ou des récits inspirants qui permettent de faire vivre différentes émotions, d’éveiller différents sens, de cibler diverses populations et d’avoir des messages qui marquent les esprits! »

Abonnez-vous à notre infolettre!