L’eau au cœur des priorités dans la MRC d’Abitibi

Comment protéger efficacement la qualité de notre eau? ©Unsplash/Jessica Furtney
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Comment protéger efficacement la qualité de notre eau? ©Unsplash/Jessica Furtney
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26 novembre 2024 - Émilie Parent-Bouchard, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

La qualité de l’eau d’Amos est reconnue internationalement. Pourtant, la MRC compte la plus faible proportion de territoires protégés en Abitibi-Témiscamingue. Plusieurs organismes entendent changer la donne. Ils profitent d’un appel à projets gouvernemental pour braquer les projecteurs sur cette précieuse ressource. Parmi les personnes mobilisées, un certain Richard Desjardins.

C’est un véritable cadeau de la Terre : en se retirant il y a plusieurs milliers d’années, les glaciers ont laissé derrière eux des sillons de sable qui filtrent naturellement l’eau. Les eskers.

Dans la MRC d’Abitibi, ces sillons sablonneux ont été recouverts de couches d’argile au fil de l’assèchement du lac glaciaire Ojibway, ce qui les préserve de potentiels contaminants à la surface. Cette combinaison rare en fait des « aquifères exceptionnels », selon la Société de l’eau souterraine Abitibi-Témiscamingue (SESAT). Le joyau est tel qu’il n’a pas échappé à l’attention des multinationales : l’Américaine North Haven Expansion Capital LP puise dans l’esker Saint-Mathieu-Berry l’eau qu’elle embouteille et distribue sous la marque Eska.

L’esker procure aussi de l’eau potable à une partie importante de la population, mais il ne jouit d’aucune protection légale à ce jour, exception faite des aires municipales et industrielles de captation d’eau potable. Cet état de fait étonne l’auteur-compositeur-interprète et militant environnemental Richard Desjardins, que nous avons rencontré dans son chalet.

« C’est hallucinant de savoir qu’encore aujourd’hui, cette région-là n’est pas protégée. Il n’y a pas de plan de protection à l’heure où on se parle », plaide celui dont le documentaire, L’Erreur boréale, a mené à la fondation de l’Action boréale de l’Abitibi-Témiscamingue (ABAT). L’ABAT milite depuis le début des années 2000 non seulement pour la sauvegarde des forêts, mais aussi pour la protection des écosystèmes particuliers de la région, dont l’esker Saint-Mathieu-Berry.

Le centre d’interprétation de l’esker, à Saint-Mathieu-d’Harricana, jouxte les installations de l’usine Eska.
Le centre d’interprétation de l’esker, à Saint-Mathieu-d’Harricana, jouxte les installations de l’usine Eska. ©Émilie Parent Bouchard

Un historique de vaines tentatives

On a tout de même tenté plusieurs fois de protéger ce rare cadeau de la nature. Dès 2016, la SESAT présentait un premier projet pour la prise en compte des eskers dans le développement du réseau d’aires protégées, une suggestion que le gouvernement n’a pas retenue. Même résultat pour la deuxième mouture du projet, présentée en 2020.

La directrice générale du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT) espère que l’appel à projets du ministère de l’Environnement, qui a pris fin le 15 octobre et qui vise à atteindre la cible de conservation de 30 % du territoire du Québec d’ici 2030, changera la donne. L’idée n’est pas de préserver l’ensemble des 135 km sur lesquels file l’esker, fait valoir Bianca Bédard, mais bien une portion de 100 km2 jugée d’intérêt pour l’esker, pour ses vieilles forêts qui stockent le carbone de même que pour les espèces fauniques et floristiques qu’elle héberge.

« C’est sûr que nos yeux sont rivés sur la MRC d’Abitibi parce que non seulement elle accuse un déficit en termes de superficie d’aires protégées, mais on y trouve aussi beaucoup d’écosystèmes exceptionnels comme les eskers aquifères, la moraine d’Harricana, énumère-t-elle. Et dans le contexte des changements climatiques et de l’appréhension d’une possible pénurie d’eau potable, ce sont des écosystèmes qu’il faut protéger. »

Elle croit que les régions dites « ressources » devraient recevoir la part du lion pour les territoires que protégera Québec, car même si leur économie est souvent basée sur l’exploitation des ressources naturelles, ce sont aussi celles qui comptent le plus grand nombre de terres publiques disponibles. « Dans le Sud de la province, des terres publiques, il n’y en a plus beaucoup. Pour atteindre le 30 % d’ici 2030, ça va reposer majoritairement sur des régions comme l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, possiblement un peu aussi la Gaspésie », anticipe-t-elle.

Chercher l’équilibre

S’il se dit conscient du retard qu’accuse sa MRC quant à la protection du territoire et soucieux de protéger l’eau potable, le préfet d’Abitibi estime que c’est justement la recherche de l’équilibre entre conservation et possibilités de développement qui complique la mise en réserve de territoires. Sébastien D’Astous rappelle d’ailleurs que sa MRC a été l’une des premières de la province à obtenir de Québec l’autorisation de désigner des territoires incompatibles avec l’activité minière, un outil qu’il voit comme une mesure de protection transitoire et qui, contrairement aux aires protégées, autorise d’autres activités industrielles, par exemple forestières.

« Il faut comprendre que 52 % de notre territoire est en zone humide. Et en même temps [qu’on le protège], on veut pouvoir continuer à se développer. Alors plutôt que ça fuse de partout, on a pris la décision de rassembler un peu tout le monde pour faire quelque chose qui va être cohérent », soutient-il, précisant avoir créé à cette fin un comité consultatif en environnement et tenu des rencontres de travail tant avec l’ABAT, le CREAT et la SESAT qu’avec les Premières Nations.

Car, inévitablement, il faudra trouver un certain consensus : les organismes ou les personnes qui ont présenté des projets devront obtenir de leur MRC, d’ici le 29 novembre, une « résolution d’appui à l’analyse ». En 2025, il est prévu que des tables de concertation régionales soient mises sur pied pour établir un ordre de priorité. Et c’est seulement en 2026 – quand bien de l’eau aura coulé sous les ponts – que le gouvernement fera sa propre analyse, en vue d’une mise en réserve légale en 2027.

La rivière Harricana, au centre-ville d’Amos, coule vers le nord jusqu’à la baie James. C’est cette rivière que l’avocat et militant environnementaliste Rodrigue Turgeon souhaite protéger. La rivière Harricana, au centre-ville d’Amos, coule vers le nord jusqu’à la baie James. C’est cette rivière que l’avocat et militant environnementaliste Rodrigue Turgeon souhaite protéger. 
La rivière Harricana, au centre-ville d’Amos, coule vers le nord jusqu’à la baie James. C’est cette rivière que l’avocat et militant environnementaliste Rodrigue Turgeon souhaite protéger.  ©Émilie Parent Bouchard

Le combat de Rodrigue Turgeon pour protéger l’Harricana

À l’été 2021, l’avocat et militant écologiste Rodrigue Turgeon descendait la rivière Harricana – nommée Nanikana par les Autochtones – en canot afin de rallier la baie James. Ce périple a été pour lui l’occasion de faire le plein de beauté sauvage. Mais il lui aussi permis de prendre conscience de l’ampleur des menaces qui pèsent sur ce cours d’eau qui a été au cœur du développement de l’Abitibi-Témiscamingue minière et forestière, et de réfléchir à son importance pour les Premières Nations qui l’empruntent depuis des millénaires. Après avoir publié cet été le livre Nanikana, voilà que Rodrigue Turgeon dépose le « projet d’aire protégée Nanikana ». Selon l’environnementaliste, l’acceptation de ce projet de 614,6 km2 – qui prévoit la protection de 2 km de part et d’autre de l’Harricana en plus des lacs ralliés par son bassin versant – « viendrait rétablir un équilibre historiquement rompu avec la nature » et jeter les bases d’une réconciliation avec les Premières Nations.

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