« Faire un enfant de moins » serait l’action climatique la plus efficace selon une étude parue en 2017*. Et pourtant, mon chum et moi, on a décidé d’en avoir un… tout en se promettant qu’il aurait une empreinte carbone plus faible que la nôtre. Notre premier défi : créer une chambre de bébé (presque) carboneutre.
Photos : Laura et son complice, Sam
« Sam, je viens de faire un test de grossesse, et ça a l’air positif », dis-je au téléphone sans prendre le temps de respirer. Après quelques secondes d’attente, j’entends mon chum me dire : « C’est merveilleux! » Cette sacrée surprise venait chambouler notre rythme effréné de sorties en plein air et remettait en question notre géniale colocation avec trois amis trentenaires.
Déjà conscientisé par l’environnement et l’urgence climatique – achats en vrac, panier bio, produits ménagers et cosmétiques maison –, Sam a tout de suite embarqué quand je lui ai proposé d’essayer de limiter l’empreinte carbone de notre futur bébé. Après un déménagement de dernière minute, l’aventure commençait.
Besoin versus envie
Submergée de bonheur à l’idée de devenir maman, j’étais, un peu naïvement, certes, loin de me douter de l’immense business lié aux bébés.
« Ça ne sert à rien de se stocker, d’acheter tout plein de choses à l’avance », me conseille la cofondatrice de l’Association québécoise Zéro Déchet et maman d’un garçon de deux ans, Élodie Morandini. « Il faut penser besoin [de l’enfant] versus envie [des parents] », ajoute la trentenaire, qui n’achète rien avant d’en avoir réellement besoin.
Après avoir éliminé les bébelles inutiles – chaise berçante à six vitesses, chauffe-lingette avec système de brumisation, nettoyeur électrique de morve de nez –, notre liste, juste pour la chambre, se résumait à un lit de cododo, à une table à langer, à une baignoire, à un transat et à un lit à barreaux pour plus tard. Sauf que, du neuf, non seulement ça coûte cher, mais ça a aussi un sacré coût carbone!
« Réutiliser est généralement toujours mieux [en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES)] que d’acheter neuf », me confirme l’analyste du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), Jean-François Ménard. « Mais se déplacer en voiture [à essence] peut annuler le fait d’acheter de l’usager », me prévient celui-ci. On a donc essayé de rentabiliser nos déplacements, comme par exemple aller chercher plusieurs achats ou dons dans le même trajet.
Devenir des as de la récup
Le frère de Sam a eu un petit garçon qui bientôt n’aura plus besoin de certains de ses meubles. On récupère donc un lit de cododo fait maison, un transat, une baignoire et, en prime, un moïse et un tapis d’éveil. Au lieu d’investir dans une table à langer, on a installé un matelas à langer, offert gratuitement sur Marketplace (Facebook), sur un ancien bureau en bois. « Même si changer son bébé sur le lit est tout à fait possible », précise Élodie Morandini.
L’art de chiner : quelques pistes
La décoration : à vos ciseaux!
Une chambre de bébé comme dans les magazines, ce n’est pas vraiment notre genre. Investir dans de la déco – et ce n’est pas l’offre qui manque! – encore moins. Ça tombe bien : moins d’achats, moins de GES!
On s’est donc lancés dans plusieurs petits projets déco. J’ai profité de ma journée d’anniversaire pour mettre à contribution mes colocs de l’époque pour la fabrication d’un mobile en origami, l’art japonais du papier plié.
J’ai aussi suggéré aux membres de notre entourage, tous en confinement aux quatre coins de la planète, de nous envoyer des dessins de pieuvre – je suis biologiste marine – pour créer une œuvre d’art collective. Comme les pieuvres continuaient d’arriver après la naissance de bébé, ce projet a mis du temps à se finaliser. Mais quel régal de recevoir tous ces dessins accompagnés de mots gentils!
Finalement, pour limiter l’empreinte carbone de nos coups de pinceau, et par la même occasion limiter leurs émanations toxiques, on a choisi une peinture écologique à faible teneur en composés organiques volatiles (COV). En plus d’être moins nocive pour le nouveau-né, sa fabrication est moins féconde en GES, selon une analyse de cycle de vie menée par les laboratoires Natura, en partenariat avec l’agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. J’ai appris plus tard qu’on aurait pu utiliser de la peinture recyclée. Mais notre déménagement express, environ un mois avant l’arrivée de bébé, nous a malheureusement fait passer vite sur certains détails.
Les jouets : simplicité et partage
« De tous les jouets, c’est celui-ci que Florence préfère ! » nous lance Ben, le papa de Florence et l’ami de Sam, en nous montrant un petit coussin décoré de dessins d’oiseaux. Il ajoute que ça ne sert à rien de dépenser pour des jouets au début. Pour l’arrivée de notre nourrisson, qui dormira entre 14 et 17 heures par jour en moyenne durant ses 3 premiers mois de vie, on décide donc de ne faire aucun achat de jouets.
Il a fallu négocier durement avec la grand-mère franco-espagnole pour qu’elle ne fasse pas de folies pour son premier petit-enfant. Et comme on n’a pas toujours eu l’occasion d’expliquer notre démarche à notre entourage, on a quand même reçu quelques habits et jouets neufs. Et ça nous a fait vraiment plaisir!
À ces cadeaux s’ajoutent les multiples dons de jouets usagers, dont ceux en bois offerts par ma collègue de travail, Dominique, sans oublier le don généreux de la petite Florence : son hochet préféré! Pour les toutous, ceux retrouvés au fond du placard du futur papa feront l’affaire après un petit passage dans la machine à laver. Et si on n’en a pas assez, il y aura les joujouthèques, ces fameuses bibliothèques de jouets.
À chaque jouet son coût carbone
D’après une analyse de cycle de vie réalisée en 2019, une peluche électrique à piles émet 1,7 fois plus de GES qu’une peluche sans piles. Sans parler du 0,048 kg équivalent CO2 additionnel à chaque changement de piles! Mais les jouets qui ont la plus grosse empreinte carbone sont de loin ceux en plastique, selon cette étude américaine.
Voilà la chambre de notre poupon à naître est prête! Coût total : moins de 200 $. Mais le plus chouette, c’est que chaque objet a une histoire. Et quel plaisir ce sera de voir les yeux écarquillés de notre enfant en écoutant toutes ces histoires!
* «The climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions», Seth Wynes and Kimberly A Nicholas 2017 Environ. Res. Lett. 12 074024.