
Pourquoi voyager en automobile dans les Laurentides quand on peut parcourir la région en ski de fond? Lancées en 2025, les Routes blanches sont des itinéraires skiables qui font revivre le tourisme à l’ancienne, quand c’était tendance d’explorer les montagnes râpées du nord à 5 km/h.
Savez-vous que les Laurentides sont le berceau du ski de fond en Amérique du Nord? Dans la première moitié du 20e siècle, des pionniers comme les frères Gillespie et le légendaire Herman Smith-Johannsen (alias Jackrabbit) ont défriché une constellation de pistes qui attiraient Montréalaises et Montréalais en mal d’exotisme. Les gens de la ville montaient alors à bord du « train de neige » afin de s’immerger dans la poudreuse du nord.
Cet âge d’or du ski de fond a toutefois pris fin au milieu du siècle dernier, avec l’essor du ski alpin. L’arrivée de l’autoroute 15 a peu à peu asphyxié le P’tit Train du Nord qui reliait Montréal et Mont-Laurier jusqu’à 1981, tandis que l’essor du tourisme aérien a détourné les vacancières et vacanciers vers d’autres horizons. Mais aujourd’hui, le ski de fond connaît une renaissance.
Jackrabbit, décédé en 1987 à l’âge vénérable de 111 ans, en serait sans doute fou de joie : la Société de plein air des Pays-d’en-Haut (SOPAIR) a lancé, en 2025, les Routes blanches, trois parcours skiables de village en village. L’objectif? Mettre en valeur ce patrimoine unique tout en favorisant un tourisme durable axé sur la consommation locale et les déplacements à faible empreinte carbone. « Ce qui est intéressant, dans cette démarche, c’est que nous ne créons pas un nouveau produit. Nous avons pris ce qui existe déjà pour en faire une expérience écoresponsable », explique Jean-François Girard, instigateur des Routes blanches et consultant en développement pour la SOPAIR.

Trois itinéraires immersifs en pleine nature
Les Routes blanches proposent trois parcours distincts de ski nordique (ski de fond hors-piste) qui s’adressent à des skieuses et skieurs de niveau intermédiaire à confirmé. Le parcours Est (45 km) relie en trois jours Val-David à Prévost, en passant par Val-Morin, Sainte-Agathe et Piedmont, presque exclusivement sur des pistes reculées en nature. L’expérience débute à Prévost lorsqu’on monte à bord de l’Inter des Laurentides, le service local en transport en commun, afin de débarquer à Val-David, le point de départ. « Le transport collectif est très important dans ce périple. Il s’agit pour les voyageurs de se libérer de leur voiture pendant leur séjour », indique Jean-François Girard.
Le parcours Ouest (52 km) relie en boucle Morin-Heights, Saint-Adolphe-d’Howard et Sainte-Agathe-des-Monts en trois jours. Cet itinéraire plonge skieuses et skieurs dans l’arrière-pays laurentien, où l’on se sent coupé du monde, entre forêts et plans d’eau à l’état sauvage.
Finalement, le parcours Nord (30 km) grimpe sur le mont Tremblant et la montagne Grise en deux jours, promettant de superbes panoramas et de belles descentes.
C’est l’équivalent d’un voyage en Norvège, sans l’empreinte carbone du billet d’avion.
Un impact 100 % local
Les itinéraires, concoctés par Jean-François Girard et ses collègues guides d’aventure, mettent en avant les entreprises locales. Par exemple, le parcours Est propose des arrêts à des hébergements comme l’hôtel Far Hills, un témoin de l’âge d’or du ski de fond qui se situe directement sur les pistes, ou encore Au Clos Rolland, un couette et café installé dans l’ancienne demeure de la famille Rolland, propriétaire de la papeterie du même nom.
Puisque les pistes de ski des Routes blanches ne sont pas travaillées mécaniquement, les fondeuses et fondeurs doivent utiliser des skis de fond hors-piste, offerts en location chez Roc & Ride à Val-David ou chez Espresso Sports à Sainte-Adèle, deux partenaires du projet. « L’intérêt pour la location est plus élevé que jamais! Les Routes blanches contribuent à faire connaître ce sport ancestral », constate Frédéric Massé, le gérant d’Espresso Sports, qui se rend régulièrement au travail en ski de fond.
Jean-Michel Perron, consultant en tourisme et spécialiste du tourisme durable, voit également beaucoup de points positifs aux Routes blanches. « Cette initiative répartit les retombées économiques sur tout le territoire plutôt que de les concentrer dans un seul centre de villégiature. Elle met aussi en valeur des sentiers que fréquentent les gens du coin et encourage une reconnexion avec la nature, pour un mode de vie plus sain et actif. Trois jours de ski de fond en pleine nature, tout en ne s’éloignant pas très loin de Montréal, c’est vraiment dépaysant », dit-il. Pour lui, c’est l’équivalent d’un voyage en Norvège, sans l’empreinte carbone du billet d’avion.
Protéger le territoire
Au-delà de l’expérience touristique, les Routes blanches contribuent à la pérennisation de ce réseau sans pareil en Amérique du Nord. « En valorisant ces pistes, on renforce leur notoriété et, par conséquent, leur protection », affirme André Goulet, ingénieur forestier au sein de l’Institut des territoires, un organisme de conservation situé à Saint-Jérôme.
Les itinéraires traversent majoritairement des terres privées, dont les propriétaires acceptent de céder des droits de passage. « En reliant des territoires naturels entre eux, les pistes de ski de fond linéaires en nature jouent le rôle de corridors de biodiversité, offrant aux espèces un passage crucial en cette ère de bouleversements climatiques », ajoute-t-il.
Mobilité douce, transport collectif et actif, consommation et culture locales : les Routes blanches sont l’incarnation parfaite du ralentourisme (slowtravel). À découvrir… sans se presser.

Ce qu’il faut savoir avant de partir
Les Routes blanches s’adressent à des skieuses et skieurs confirmés. Pour découvrir en détail les trois itinéraires, on doit s’inscrire sur le site des Routes blanches. Il est possible de les découvrir en autonomie, tout en profitant d’un service de transport de bagages. Des visites guidées avec des guides professionnels seront offertes en 2026 (les visites guidées de 2025 affichent complet). Entraînez-vous dès maintenant!