Au Lac-Saint-Jean, le Groupe Coderr récupère chaque année 700 tonnes de papier, 4000 frigos et congélos, et 5000 matelas et sommiers. Et ce, en pleine crise du recyclage! Voici les secrets de son succès et de son chiffre d’affaires annuel de 8 M$.
Dans une usine d’Alma, des élèves de l’école Camille-Lavoie vivant avec un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle trient des papiers et des livres usagés. Un peu plus loin, un homme scie les parois d’un réfrigérateur pour en extraire les tiges de cuivre, un métal qui rentabilise en partie la récupération de ces appareils électroménagers. La semaine précédente, un groupe s’affairait à extraire les gaz réfrigérants de ces mêmes appareils, explique Dave Gosselin, directeur général adjoint du Groupe Coderr, une entreprise d’économie sociale fondée en 1979 qui embauche une centaine d’employés et permet chaque année la réinsertion sociale de 40 à 65 personnes.
Dans le cadre d’un projet pilote lancé il y a trois ans en collaboration avec la Régie des matières résiduelles du Lac-Saint-Jean, le Groupe Coderr recueille chaque année 4000 frigos et congélateurs dans les écocentres de la région afin de les démanteler, précise-t-il. « On en extrait les gaz, les huiles et le mercure, on enlève les lumières et on sépare toutes les matières pour les recycler ou les réutiliser. »
En récupérant les gaz réfrigérants de ces 4000 appareils, comme les halocarbures, l’entreprise évite l’émission de près de 4700 tonnes de gaz à effet de serre (GES), soit l’équivalent des émissions annuelles d’environ 500 Québécois (d’après le dernier inventaire québécois des émissions de GES). Ces gaz sont par la suite détruits par PureSphera, à Bécancour, seule entreprise au Canada à avoir mis au point une technique pour capter les halocarbures dans la mousse isolante des unités réfrigérées.
« Pour l’instant, on récupère seulement les appareils des écocentres du Lac-Saint-Jean, explique Dave Gosselin. On veut en récupérer beaucoup plus en ajoutant ceux du Saguenay et ceux récupérés par les magasins. » Cet ajout devrait faire passer la collecte annuelle de 4000 à 50 000 appareils, et faire bondir la quantité de GES non émis dans l’atmosphère à 54 000 tonnes par an. Pour en arriver là, l’entreprise construit une usine à Alma, au coût de 6,1 M$, qui triplera ses espaces de travail.
D’après le livre Drawdown : Comment inverser le cours du réchauffement planétaire, la récupération des gaz réfrigérants est la première des 100 solutions permettant d’éliminer le plus de GES. Ces gaz, utilisés dans les réfrigérateurs, congélateurs, climatiseurs, etc., ont en effet une capacité de réchauffement planétaire nettement supérieure à celle du CO2 : certains hydrofluorocarbures (HFC) réchauffent jusqu’à 14 000 fois plus que le dioxyde de carbone!
Selon Project Drawdown, « si l’on récupère 87 % des gaz réfrigérants susceptibles d’être relâchés dans l’atmosphère pendant 30 ans (en détruisant les gaz ou en gérant les fuites), on évitera l’émission de l’équivalent de 89,7 gigatonnes de dioxyde de carbone », soit l’équivalent des émissions canadiennes de GES pendant 125 ans.
Fini, les frigos à la rue?
En 2004, le gouvernement du Québec a adopté un règlement sur les halocarbures interdisant le rejet de gaz réfrigérants, mais celui-ci n’a jamais été appliqué, faute de surveillance. La majorité des réfrigérateurs finissent donc encore au dépotoir, constate Dave Gosselin.
Le gouvernement a cependant annoncé, fin 2019, qu’il investira 90 M$ sur 11 ans pour financer le système de récupération des électroménagers qui doit être mis en place par les manufacturiers et les détaillants d’ici le 5 décembre 2020. Cette mesure permettra d’éliminer 200 000 tonnes d’émissions de GES par an.
Matelas, papier, friperies…
La Régie des matières résiduelles du Lac-Saint-Jean et le Groupe Coderr ont aussi lancé un autre projet pilote visant, celui-là, à éviter l’enfouissement des vieux matelas et sommiers. En quatre ans, 20 000 de ces objets ont été démantelés. Le bois est valorisé dans des projets d’ébénisterie alors que le métal est vendu aux recycleurs de métaux.
Des projets ponctuels ont permis de récupérer en partie la mousse contenue dans ces articles, mais on doit trouver plus de débouchés pour ces matières. De plus, comme il est interdit au Québec de réutiliser les textiles recouvrant matelas et sommiers, de nouvelles politiques devront être édictées pour qu’on puisse, par exemple, recycler ce type de tissus dans la fabrication de tapis, explique Josée Gauthier, directrice générale du Groupe Coderr.
Chaque année, Coderr récupère aussi 700 tonnes de papier grâce à 23 personnes en situation d’exclusion sociale qui travaillent sous la supervision d’intervenants sociaux et de professionnels.
Le Groupe Coderr exploite également deux friperies, à Alma et à Saguenay, qui valorisent quelque 135 000 dons de vêtements reçus chaque année. Ces commerces sont des milieux d’insertion socioprofessionnelle pour 35 stagiaires inscrits à un certificat de formation en vue de devenir concierges, étiqueteurs ou commis de magasin. À elle seule, la friperie d’Alma génère un chiffre d’affaires annuel de près de 1,8 M$!
Votre frigo en a dedans
- Un frigo sur le bord du chemin est une bombe à retardement climatique! D’après RECYC-QUÉBEC, un frigo mal recyclé produit 3,5 tonnes de CO2 par an, soit autant qu’une voiture qui parcourt 17 000 km.
- Alors, comment se débarrasser de son vieux frigo? Contacter sa municipalité. Plusieurs d’entre elles participent au programme de recyclage FrigoResponsable.
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© Toutes les photos de l’article ont été prises par Guillaume Roy.