Une économie sobre en carbone, c’est payant

économie du québec sobre en carbone illustration de Sébastien Thibault
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© Sébastien Thibault
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19 février 2019 - Martin Primeau, Journaliste

Limiter nos émissions de gaz à effet de serre affaiblirait-il l’économie québécoise? Pas pantoute! Au contraire, les entreprises d’ici sont parmi les mieux placées au monde pour tirer profit de la transition énergétique.

Deux récentes études québécoises apportent un nouvel éclairage sur les répercussions possibles de la transition énergétique sur notre écosystème économique et notre prospérité collective. Et les nouvelles sont plutôt bonnes!

Publiés en novembre 2018 par l’Institut du Québec (IdQ) – un organisme issu d’un partenariat entre le Conference Board du Canada et HEC Montréal ayant pour mission de guider l’élaboration de meilleures politiques publiques –, les rapports Le Québec sobre en carbone, l’avantage économique et Le Québec sobre en carbone, des débouchés pour les entreprises du Québec expliquent comment le passage à une économie moins riche en gaz à effet de serre (GES) bénéficierait au Québec à l’heure où l’équilibre économique mondial se transforme.

« Un des arguments qui a longtemps ralenti la transition énergétique est que la tarification du carbone allait freiner l’économie », dit Simon Langlois-Bertrand, coauteur des études de l’IdQ et professeur au Département de science politique de l’Université Concordia. « Ce qu’on démontre maintenant, c’est que la tarification peut, au contraire, être un avantage concurrentiel pour le Québec. »

« L’hydroélectricité nous permet d’être dans le peloton de tête des endroits dans le monde où une économie sobre en carbone est possible. »
Jean-Guy Côté, directeur associé, Institut du Québec

Selon les prévisions de la Commission mondiale sur l’économie et le climat, un regroupement international qui évalue les répercussions des changements climatiques sur les finances des États, les investissements mondiaux en technologies vertes devraient atteindre les 2000 milliards $ US par an dès 2020, un montant huit fois supérieur aux 250 milliards d’aujourd’hui.

Une longueur d’avance

Ces investissements pourraient se transformer en panacée pour le Québec. La province a déjà une longueur d’avance en matière de contrôle de ses émissions de GES grâce à son hydroélectricité, qui en produit peu, et pourrait en faire profiter des entreprises.

« Cette énergie renouvelable nous permet d’être dans le peloton de tête des endroits dans le monde où une économie sobre en carbone est possible », affirme Jean-Guy Côté, également coauteur des études et directeur associé de l’IdQ.

Jean-Guy Côté, directeur associé, institut du Québec, économie sobre en carbone
Selon Jean-Guy Côté, l'hydroélectricité donne au Québec un avantage concurrentiel dans la transition vers une économie sobre en carbone.

Ajoutez le fait que le Québec participe depuis 2008 au plus grand marché du carbone en Amérique du Nord, la Western Climate Initiative (WCI), et vous avez deux atouts susceptibles d’attirer les entreprises étrangères ici, avancent les spécialistes. « Des entreprises gourmandes en énergie telles que des producteurs d’aluminium, des centres de données et divers manufacturiers cogneront rapidement à notre porte », croit Simon Langlois-Bertrand.

Photo de Simon Langlois-Bertrand, directeur associé, institut du Québec, auteur des études sur le Québec sobre en carbone
Des industries gourmandes en énergie auraient tout intérêt à investir au Québec, croit Simon Langlois-Bertrand.

« Ce sera important non seulement d’attirer des entreprises au Québec, mais aussi d’encourager celles qui sont établies ici à intégrer les chaînes mondiales de production à la place des gros émetteurs de GES », précise-t-il. C’est le principe même du « net positif » : remplacer des productions qui émettent beaucoup de GES par d’autres qui en émettent moins.

L’économie québécoise regorge d’ailleurs déjà d’entreprises qui contribuent à améliorer le bilan global des émissions de GES de la planète en remplaçant un ou plusieurs fournisseurs de leur chaîne de production qui tirent leur énergie du charbon ou du gaz naturel, par exemple.

Certaines le font parce qu’elles profitent de l’hydroélectricité du Québec, alors que d’autres en font littéralement leur raison d’être. C’est le cas de bon nombre des 350 entreprises membres d’Écotech Québec, un organisme qui mobilise les acteurs de l’économie verte dans la province.

Parmi elles figure notamment Biothermica, une PME montréalaise qui a mis au point un système d’assainissement de l’air destiné aux mines de charbon à l’étranger. Pour sa part, la compagnie montréalaise Effenco installe une technologie de moteur hybride sur des véhicules lourds tels que les camions à ordures aux États-Unis ou en Europe. Plusieurs autres entreprises sont actives dans des secteurs connexes, en chimie verte ou en agriculture, par exemple.

Les entreprises québécoises qui développent des technologies vertes doivent souvent les tester à l’étranger, « soit parce que le besoin est ailleurs, soit parce qu’elles ne trouvent pas de clients ici », indique le président d’Écotech, Denis Leclerc. C’est pourquoi il pense que le Québec gagnerait à s’inspirer de la Finlande, qui utilise ses organismes publics et parapublics comme premier client afin de mettre en vedette les innovations des entreprises locales.

Plus de revenus, plus d’emplois

En ratifiant l’Accord de Paris en 2015, les États signataires* se sont engagés à réduire leurs émissions de GES d’ici 2030 en vue de la décarbonisation quasi complète de l’économie mondiale vers 2050.

Denis Leclerc président d'Écotech
Denis Leclerc préside Écotech Québec depuis 2009. La grappe industrielle des technologies propres au Québec rassemble environ 350 entreprises innovantes et plus de 200 regroupements de recherche publique.

Pour atteindre leurs cibles, ces pays compteront, si ce n’est déjà fait, sur un système de tarification des émissions de GES. Même la Chine! Jusqu’à maintenant, environ 70 pays et territoires, selon l’IdQ, prévoient instaurer ou ont déjà mis en place un système de tarification du carbone, qui prend tantôt la forme d’une taxe, tantôt celle d’une bourse.

Au Québec, le système de plafonnement et d’échange des droits d’émission (SPEDE) force les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes de GES par an à acheter des crédits à la bourse du carbone. « À partir du moment où une contrainte financière liée à l’émission de carbone est maintenue sur les entreprises, celles-ci cherchent à réduire leurs émissions et à compenser celles qu’elles ne peuvent éliminer », explique Jean-Guy Côté. 

Infographie présentant avantages économie sobre en carbone
Infographie : Marie Leviel

Gagnant-gagnant

En décembre 2018, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a dévoilé un bilan des répercussions sur les entreprises de la bourse européenne du carbone (SCEQE), qui regroupe 14 000 entreprises énergétiques et industrielles dans 31 pays : celles qui ont échangé des crédits carbone ont engrangé, entre 2005 et 2012, des revenus de 7 % à 18 % plus élevés que des entreprises comparables ne participant pas à la Bourse. Elles ont aussi embauché de 6 % à 10 % plus de travailleurs, et ce, malgré la tarification des émissions. Ainsi, la contrainte financière imposée à ces compagnies s’est transformée en levier pour le gain de productivité. Et la cerise sur le gâteau? Ces entreprises ont aussi réduit de 10 % leurs émissions de GES!

Parallèlement, un rapport publié en mai 2018 par l’Organisation internationale du travail indique que la transition énergétique se solderait par la création de 24 millions de nouveaux emplois d’ici à 2030, et la disparition de 6 millions d’emplois. En outre, des gains économiques estimés à 34 milliards $ découleraient de la transformation du modèle économique mondial d’ici 2030, affirment l’IdQ et la Commission mondiale sur l’économie et le climat.

Plus d’argent « vert »

Autre indicateur que la transition énergétique peut être payante : de grands fonds d’investissement prennent le virage. Par exemple, la Caisse de dépôt et placement du Québec s’est engagée en 2017 à réduire son empreinte carbone de 25 % par dollar investi d’ici 2025.

Afin d’atteindre cette même cible, le Fonds de solidarité FTQ a aussi annoncé l’intégration, d’ici mai 2019, du MSCI World Low Carbon ESG Target Screened Index à la gestion d’un portefeuille de titres internationaux de 1,3 milliard $. Cet indice dont l’objectif est réduire d’au moins 70 % l’exposition au carbone, est composé d’entreprises qui adoptent des politiques climatiques, environnementales, sociales et de gouvernance avancées.

« Le plan, c’est éventuellement d’étendre cet indice à l’ensemble du portefeuille du Fonds », indique Dany Pelletier, vice-président aux investissements – Capital structurant, Énergie, Environnement et Mines, au Fonds de solidarité FTQ.

Bref, au Québec, l’action climatique engendre une foule de bénéfices économiques. À en croire les spécialistes, on serait fou de s’en passer!

* Les États-Unis ont annoncé leur retrait le 1er juin 2017.