L’action climatique en petites coupures

Les monnaies locales complémentaires au Québec
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© Sébastien Thibault
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Depuis son lancement en juin dernier à Québec, le BLÉ a multiplié par sept le nombre de commerces acceptant cette monnaie complémentaire au dollar afin de favoriser la production et l’achat de produits locaux. Un succès qui pourrait bénéficier à l’action face aux changements climatiques.

« Je vais vous prendre deux brownies s’il vous plaît », demande Pierre-Alexandre Caron au comptoir de La Boîte à pain dans le quartier Saint-Roch, à Québec. À la vue du billet de 10 BLÉ, dont la vignette qui représente un homme sous un ciel étoilé semble tout droit sortie d’une bédé, l’employée sourit et l’encaisse sans hésiter. Cette boulangerie de la vieille capitale est l’un des 32 premiers commerces à accepter le BLÉ, une monnaie locale complémentaire (MLC).

Contrairement au dollar canadien, créé et géré par la Banque centrale du Canada, une MLC est administrée par un groupe de citoyens qui définit sa valeur au moyen d’une charte d’utilisation. Celle du BLÉ, par exemple, stipule que sa valeur est égale à celle du dollar canadien. De plus, en signant cette charte, l’utilisateur s’engage entre autres à consommer de manière « écoresponsable en favorisant l’achat de biens et de services locaux ».

Le blé monnaie locale complémentaire de Québec
Électricien, massothérapeute, architecte, épicier, etc : une trentaine de professionnels acceptent d'être payés en BLÉ. © Laura Martinez

Une MLC « est restreinte à une zone géographique comme un quartier, une ville ou une région », explique – entre deux bouchées de brownies – Pierre-Alexandre Caron, l’un des membres fondateurs de Monnaie locale complémentaire Québec. Fondé en 2016, cet organisme à but non lucratif (OBNL) a lancé le BLÉ en juin dernier dans les quartiers centraux de Québec. Depuis, le nombre de commerçants qui ont adhéré au mouvement a été multiplié par sept.

Trois billets de BLÉ, la monnaie locale complémentaire de Québec
Pour le taux de change, c'est simple : 1 BLÉ = 1 dollar canadien. © Laura Martinez

Réduire l’impact carbone

Le BLÉ est la quatrième MLC à voir le jour au Québec, et il y en aurait plus de 2500 en circulation dans le monde, dont une quarantaine en France. La première MLC québécoise – le dollar johannois, accepté dans plus de 70 entreprises de Saint-Jean-de-Dieu, dans le Bas-Saint-Laurent – a été lancée en… 2004! Onze ans plus tard, elle était suivie du demi gaspésien, accepté dans 25 entreprises de la région. Puis, en mars 2018 est née l’îlot, une monnaie locale électronique acceptée pour l’instant dans 12 commerces des arrondissements de Rosemont–La Petite-Patrie et de Verdun, à Montréal. Enfin, le laurentien pourrait voir le jour dès ce printemps dans les Laurentides, selon Philippe Derudder, un consultant français spécialisé en MLC, qui participe au projet.

Et c’est tant mieux, car l’essor des MLC québécoises pourrait bénéficier à l’action face aux changements climatiques, selon Pierre-Alexandre Caron, qui est aussi le porte-parole du BLÉ. Comme elles encouragent le commerce de produits locaux en circuit court – c’est-à-dire qu’aucun ou un seul intermédiaire intervient entre le vendeur et le consommateur –, elles évitent du même coup les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au transport de marchandises. Moins de déplacements, moins de CO2!

Schéma de fonctionnement d'une monnaie locale complémentaire
Infographie : Marie Leviel

À condition, toutefois, que les consommateurs « fassent attention à ce qu’ils achètent » avec ces monnaies parallèles, nuance Philippe Derudder. En effet, tous les marchands n’offrent pas que des produits locaux. Mais pour l’instant, par exemple, « le BLÉ attire plusieurs commerces spécialisés dans les produits biologiques locaux ou le zéro déchet », précise Pierre-Alexandre Caron.

Du côté de Montréal, lorsqu’un professionnel proposant des biens ou des services adhère à l’îlot, il « s’engage à faire affaire avec des producteurs québécois ou à économiser de l’énergie », explique Kevin Guezennec, vice-président d’Une monnaie pour Montréal, l’organisme derrière la création de l’îlot. Une MLC ne peut être utilisée que localement, rappelle-t-il. « On ne peut pas vraiment tricher par rapport à ça. »

Or, en raison de leur nouveauté, il est difficile de mesurer l’impact des MLC sur le bilan carbone des utilisateurs, conclut un rapport publié en 2016 par l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

 

Ce sera un roi et trois dames!

Les monnaies locales, ça ne date pas d’hier. Entre 1685 et 1760, pour faire face au manque de monnaie en Nouvelle-France, les colons utilisaient des cartes à jouer au verso desquelles on écrivait un montant.

Au Québec, de nouvelles monnaies locales complémentaires pourraient voir le jour ces prochaines années. Des projets sont en branle notamment dans les Laurentides, à Sherbrooke, et dans les régions de Portneuf et de Rimouski.

Doubler sa mise

Un autre avantage de certaines MLC comme le BLÉ ou l’îlot est que chaque dollar échangé est épargné dans un compte à la Caisse d’économie solidaire Desjardins, explique Pierre-Alexandre Caron. « C’est une excellente façon de garantir aux commerçants qu’ils pourront récupérer leur argent en cas de souci (comme une dissolution de l’OBNL), et d’investir dans des projets sociaux respectueux de l’environnement. »

À Québec, en attendant le développement du réseau, La Boîte à pain utilise le BLÉ pour rendre la monnaie aux clients, raconte la gérante Pascale Rheault. « Je trouve ça l’fun que ces monnaies locales ouvrent une porte vers une autre manière de penser, de fonctionner. C’est pour ça qu’on s’est dit, on va essayer le BLÉ! » s’enthousiasme-t-elle.

En sortant de la boulangerie son deuxième brownie à la main, Pierre-Alexandre Caron rêve déjà d’atteindre l’objectif que l’OBNL s’est donné, soit la circulation de 10 000 BLÉ dans une cinquantaine d’entreprises de la capitale, ce qui marquera la fin du projet pilote. Sortez vos BLÉ, ça ne mange pas de pain!