Les 4 vertus insoupçonnées d’un bon coup de filet

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La pomiculture biologique est très complexe à mettre en place en raison du nombre d’insectes et de maladies qui s’attaquent aux pommes. Les filets testés par l’IRDA, Polytechnique et le CETAB pourraient régler ces problèmes sans pesticides © Mirella Aoun
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22 octobre 2024 - Leïla Jolin-Dahel, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Peut-on imaginer une culture maraîchère sans pesticides ? Pour le savoir, Unpointcinq a suivi la piste de la R et D québécoise. Exit, le « pouche-pouche en cacane » (ou en bidon 😉), place aux filets colorés ! Suivez le Romano Fafard guide !

Dans un verger près de chez vous, une p’tite révolution bat son plein.

Elle est suivie de près par trois scientifiques : l’agronome Mirella Aoun, l’ingénieur chimiste Jason Tavares et l’entomologiste Gérald Chouinard, désormais à la retraite. Les trois spécialistes sont issus d’institutions et de régions différentes, mais ils ont au moins un intérêt de recherche en commun : les propriétés insoupçonnées des barrières phytosanitaires. Des quoi ? Vous savez, ces filets que l’on voit parfois disposés sur les vergers ou les rangées de petits fruits.

L’utilisation de ces toiles fait l’objet de travaux au Québec depuis plusieurs années, notamment à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), où a longtemps travaillé Gérald Chouinard, à Polytechnique Montréal, où enseigne Jason Tavares, ainsi qu’au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB) et à l’Université Bishop’s, où évoluent Mirella Aoun et son équipe multidisciplinaire. Mais récemment, les recherches ont atteint un nouveau tournant et des prototypes seront testés dès l’été prochain, grâce à un financement du Fonds de recherche du Québec — Nature et technologies (FRQNT) et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).

Vous pensiez comme nous que ces filets servaient simplement à protéger les fruits et légumes des intempéries ou des oiseaux ? Détrompez-vous !

Les 4 avantages non négligeables des filets

1) En finir avec les pesticides

Vade retro, les bestioles qui viennent miner les fruits bien mûrs ! À l’IRDA, on a conçu des filets en polyéthylène dans le but d’empêcher les pucerons, tordeuses à bande oblique et autres bestioles de s’attaquer aux pommiers. « On calcule la taille du torse de l’insecte et on essaie de faire une maille qui est plus petite afin qu’il ne puisse pas passer », illustre Jason Tavares, qui a travaillé avec Gérald Chouinard à la réalisation de filets imperméables adaptés à la pomiculture.

À Polytechnique Montréal, l’ingénieur et son équipe, qui collaborent étroitement avec des chercheurs et chercheuses de l’IRDA et de l’Université Laval, s’affairent à rendre les mailles des filets répulsives pour les insectes grâce à des molécules bioactives. « On cherche la phéromone d’alarme du puceron pour faire en sorte que ça lui envoie le message “il y a des prédateurs”. Naturellement, l’insecte ne voudra pas venir vers le pommier ni traverser le filet », illustre Jason Tavares. Son équipe et lui étudient aussi des molécules pouvant susciter de la confusion sexuelle chez les espèces ravageuses afin d’en diminuer les populations.

L’ajout de phéromones permettrait en outre de travailler avec des mailles moins serrées, donc « moins de matériel, moins d’emprise au vent, des structures moins lourdes à installer », fait valoir le chercheur. Ce procédé servirait notamment à limiter le coût global d’un système de filets pour un producteur ou une productrice.

2) Obtenir de meilleures récoltes

En plus de tenir les insectes à l’écart, les barrières phytosanitaires permettent d’agir sur la qualité des récoltes en laissant pénétrer un spectre lumineux dont les propriétés varient selon la nuance. « Si j’ai recours à la couleur rouge, le spectre lumineux sera enrichi par le rouge et l’infrarouge. Ça va provoquer un impact sur la pigmentation des fruits, la précocité de la production ou l’allongement de la durée de la production, le développement du fruit et sa qualité », fait valoir Mirella Aoun, qui précise que c’est la première fois que l’on teste ces mailles teintées au Québec.

3) Corriger l’exposition aux rayons solaires

Si dans les régions méditerranéennes, les filets noirs permettent, jusqu’à un certain degré, de contrer les sécheresses et l’évaporation de l’eau en créant des ombrages artificiels, au Québec, il a fallu adapter la couleur de ces filets au climat nordique, où l’exposition au soleil est moindre, explique Jason Tavares. Dans les régions qui manquent de soleil, les filets de couleur blanc perle aident au contraire à diffuser le spectre lumineux et à augmenter la perception de la lumière par les plantes, même là où celle-ci ne pénètre pas.

4) Réduire le risque de développer des champignons

D’autres recherches visent à rendre ces filets imperméables afin de protéger les cultures des champignons. « Si l’eau arrive sur les fruits et les feuilles, elle crée des foyers pour des infections fongiques », explique Jason Tavares. Les filets sont donc conçus pour permettre à l’eau de s’écouler et, ainsi, limiter l’utilisation de fongicides qui ont des incidences sur la santé. Du même coup, ils réduisent l’exposition de la main-d’œuvre, de la faune, de la flore et des consommateurs et consommatrices à ces substances.

Le cash, le nerf de la guerre

Sachant tout cela, comment expliquer que ces filets ne soient pas encore adoptés un peu partout, des champs de camerises aux jardins communautaires ? L’un des défis majeurs de la démocratisation des filets protecteurs en culture maraîchère reste les faibles marges bénéficiaires du milieu de la production. « Ils ont de la difficulté à vivre de leur travail. Et même si on leur [garantit] que ça va fonctionner, il faut que ces gens aient la liquidité pour pouvoir faire un investissement de départ », observe Jason Tavares.

Les travaux actuels visent donc aussi à mieux comprendre les réticences des producteurs et productrices afin de les soutenir dans la mise en œuvre de ces technologies. « Comment peut-on faire en sorte que les filets soient plus performants pour que le rapport qualité-prix soit encore meilleur ? » demande l’ingénieur.

Au-delà des coûts, les questions techniques peuvent également s’avérer un obstacle : « Si on ne sait pas comment utiliser un tel système, on ne peut pas l’implanter sur le terrain. On veut que ce soit facile pour un producteur ou une productrice de l’adopter », avance de son côté Mirella Aoun.

Serre
©Mikaël Larose, IRDA

Vers la plus faible empreinte environnementale possible

Les équipes de recherche tentent aussi de trouver la solution la plus pérenne et la plus durable possible en tenant compte du cycle de vie des filets. Ceux qui ont des propriétés hydrophobes ou qui contiennent des molécules bioactives sont conçus en acide polylactique, un polymère issu de ressources renouvelables qu’on emploie également dans les imprimantes 3D. « Dans certaines conditions, c’est compatible avec la biodégradation, donc il a un cycle de vie plus intéressant, plaide Jason Tavares. On veut démontrer que c’est une meilleure solution que l’utilisation des pesticides et leurs impacts potentiels sur les humains, la faune, la flore et les systèmes marins. »

Quand vous prendrez la route, l’été prochain, il se pourrait que vous aperceviez ces longs filets blancs ou colorés dans des vergers ou des champs. Vous saurez alors ce que ça signale : ici, on innove pour dire adieu aux pesticides. Pas mal plus efficace que « de déménager six milliards de tatas […] là, où la main de l’Homme n’a jamais mis le pied* », non ?

*Dans une galaxie près de chez vous !

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