Le poisson rouge qui boit son pipi

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© Sarah Howell
Created with Lunacy 3 min

08 novembre 2018 - David Beaudoin, Entrepreneur et expert en finance climatique

« David, tu as carte blanche. On veut que le grand public comprenne comment le marché du carbone a un impact sur nos vies. » C’était la commande de Martine, la rédactrice en chef d’Unpointcinq, quand elle m’a demandé de tenir ce blogue. On n’avait pas encore parlé du titre de mon premier article – alors, espérons que ce ne sera pas mon dernier…

J’aime beaucoup cette allégorie du poisson rouge dans son bocal pour illustrer la Terre et ses ressources limitées. Je m’en sers surtout avec les enfants quand j’interviens en classe (un peu moins depuis que le petit William a voulu sauver le poisson en le transférant de son bocal à la tasse de café de madame Véronique). Honnêtement, ici, c’était plus pour attirer votre attention. Je tiens pour acquis que vous connaissez la différence entre des ressources renouvelables et des ressources non renouvelables, et que vous savez que les sources de pétrole et de gaz ne sont pas infinies.

N’empêche que le poisson rouge, à force d’être nourri et de faire ses besoins dans son petit bocal, il a deux destins possibles : soit on arrive au fond de son sac à bouffe et, à bout de ressources, il meurt de faim, soit il s’empoisonne par une trop forte concentration d’urine. Vous pourriez faire le test pour voir lequel des deux arrive en premier, mais c’est pas super éthique.

En dehors de l’aquarium, on a un problème similaire : on risque de ressentir un « empoisonnement » aux gaz à effet de serre (GES) avant d’avoir épuisé les ressources fossiles. Cet « empoisonnement », ce sont les changements climatiques. Mais ces deux conséquences (épuisement des ressources et changements climatiques) proviennent du même problème au fond : on puise une ressource qui a nécessité des milliards d’années à se former et, quasi instantanément, on la transforme en gaz qu’on émet dans l’atmosphère. Ainsi, le carbone fossile, qui nous est si utile pour fabriquer des plastiques, des textiles et surtout de l’énergie, devient du carbone atmosphérique inutilisable et nuisible.

Les conséquences négatives liées à une activité économique (par exemple les changements climatiques, ou la contamination des eaux, ou les cancers pulmonaires des mineurs d’amiante), les économistes appellent ça des « externalités ». Autrement dit, ces conséquences ne sont pas reflétées dans le prix des biens et services qui les ont créées.

Faisons un bref retour dans le temps. À l’époque coloniale, un chapeau en poil de castor se vendait en France deux écus. C’était suffisant pour payer le coureur des bois au Canada, sa nourriture et ses munitions pour un hiver, le tannage de la peau de castor, le transport transatlantique, la fabrication du chapeau, la publicité sur Facebook, etc. Mais la raréfaction de l’espèce et la transmission de la syphilis aux Amérindiens, ça, ça n’était pas inclus dans le prix de deux écus : l’Histoire les aura qualifiées d’externalités. Si on avait voulu soigner les Amérindiens et mettre en place un plan de gestion de la ressource « castorienne », il aurait fallu « internaliser » ces conséquences en rehaussant le prix du chapeau à quatre ou cinq écus. On aurait alors eu les fonds pour envoyer des infirmières et des inspecteurs de la faune.

Donc, les changements climatiques, alias « le carbone fossile devenu carbone atmosphérique », sont des externalités de notre mode de vie et de production. Les industries produisent et les humains consomment, mais le prix payé pour ces biens et services n’inclut pas le coût des externalités climatiques. Cette situation est en train de changer. C’est précisément la raison d’être des mécanismes de tarification des gaz à effet de serre ou d’attribution d’un prix au carbone. On veut ainsi compenser, du moins en partie, les coûts accrus pour la société en soins de santé, en infrastructures et en approvisionnement énergétique, entre autres, qui découlent des changements climatiques et de l’épuisement des ressources.

Le marché du carbone, c’est ce mécanisme d’attribution d’un coût aux émissions de GES. Maintenant ce coût, quel est-il? Est-il le même pour tous? Est-ce suffisant pour internaliser toutes les conséquences possibles des émissions de GES? On parle souvent d’une « taxe carbone », est-ce la même chose? Le Québec est-il seul avec un tel mécanisme? Est-ce que ça marche?… J’entends souvent ces questions dans les conférences et les cours que je donne et je tenterai d’y répondre dans les articles à venir. N’hésitez donc pas à allonger la liste.

N.B. – Aucun animal n’a été maltraité pour la rédaction de cet article. Certains faits historiques peuvent avoir été volontairement modifiés pour servir d’exemples plus parlants.