Ce n’est pas pour les bonnes raisons que les influenceuses* font jaser cet hiver. Pourtant, qu’on les dénigre ou qu’on les adule, elles sont maintenant d’incontournables sources d’information et d’inspiration. Les entreprises l’ont compris : face à la perte de confiance envers les marques et l’utilisation de bloqueurs de publicité en ligne, elles misent sur les créatrices de contenu pour rejoindre leur clientèle.
Et si le climat usait de la même stratégie? Les comptes Instagram sont-ils efficaces pour nous faire changer nos comportements ou ne sont-ils qu’une autre avenue pour les campagnes d’écoblanchiment?
Environ 75 % des personnes qui suivent une influenceuse ont déjà acheté un produit qu’elle a recommandé.
Pour en avoir le cœur net, j’ai questionné ma collègue Sandrine Cabana-Boucher, qui a consacré sa recherche de maîtrise aux influenceuses écolos. Sa première réaction : attention au marketing d’influence vert! « Une influenceuse est souvent rémunérée pour promouvoir des produits ou des services. Et ce n’est pas pour rien! Environ 75 % des personnes qui suivent une influenceuse ont déjà acheté un produit qu’elle a recommandé. C’est très payant pour les marques, qui prévoient dépenser plus de 15 milliards de dollars américains en marketing d’influence en 2022**. Il faut donc être critique face à quelqu’un qui est rémunéré pour promouvoir un produit écolo. »
Elle a raison, je le reconnais, j’ai déjà eu envie d’acheter de belles bobettes de menstruation en faisant défiler mon fil Instagram, alors que ma coupe menstruelle me satisfait depuis une dizaine d’années…
Bon, cela dit, toute personne qui crée du contenu sur les médias sociaux et qui est suivie par une communauté n’essaie pas nécessairement de nous vendre quelque chose. Il y a des gens qui n’ont, à ma connaissance, que l’envie de contribuer à lutter contre la crise climatique, une story à la fois.
Sandrine Cabana-Boucher le confirme : « Si certaines influenceuses ont un impact sur nos habitudes de consommation, d’autres ont assurément un impact sur nos autres habitudes, en usant des mêmes stratégies. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le gouvernement du Québec a fait appel aux influenceurs dans le cadre de sa campagne de communication sur les mesures sanitaires. »
Elle apporte toutefois un bémol quand il est question de sujets plus complexes. « Par définition, une influenceuse n’est pas reconnue dans un domaine précis avant de devenir populaire sur les médias sociaux. Elle est donc rarement une experte de l’environnement et, malheureusement, on constate qu’elle accompagne très rarement, voire jamais, son contenu de sources scientifiques. »
On est tout de même loin de crier au charlatanisme. Vous conviendrez qu’une statistique mal interprétée pour nous parler de vermicompost ou de mode écoresponsable n’est pas dramatique. N’empêche, un sens critique est toujours de mise au pays des mots-clics. Promettez-moi de faire un peu de recherche sérieuse avant de succomber au véhicule électrique de l’année ou de faire installer des panneaux solaires sur le toit de votre cabanon.
Encore mieux! Vous voyez une fausseté circuler? La beauté des réseaux sociaux est qu’ils permettent un dialogue. Vous pourriez donc respectueusement rectifier les faits ou apporter une information complémentaire à ce qui est maladroitement véhiculé.
Parce qu’elles se situent entre la publicité et le bouche-à-oreille, les influenceuses exercent une importante… influence! Les scientifiques et les organismes climatiques ont tout à gagner à s’associer avec elles pour vulgariser du contenu parfois aride auprès de leurs auditoires. Un partenariat gagnant qui donnerait plus de crédibilité aux influenceuses bien intentionnées.
Voici 10 influenceuses à suivre pour s’inspirer :
L’essai de Sandrine Cabana-Boucher est accessible en ligne : Analyse du discours environnemental véhiculé par les influenceurs québécois.
*Le féminin est utilisé dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture.
** Selon le magazine américain Bloomberg Businessweek