En 2011, Copenhague connaît un épisode de pluie intense sans précédent, recevant 15 cm d’eau en moins de trois heures. Les dégâts causés par les inondations qui s’ensuivent sont majeurs et les coûts évalués à près d’un milliard de dollars canadiens. Cet événement a l’effet d’un électrochoc pour les décideurs. La municipalité choisit alors de se doter d’un plan de gestion des précipitations extrêmes : le Cloudburst Management Plan. Il repose sur une analyse fine du territoire et sur l’implantation progressive d’une série de mesures afin de gérer les eaux pluviales différemment.
Les solutions proposées sortent des sentiers battus : « canaux urbains », boulevards permettant la rétention de l’eau, parcs inondables… Copenhague l’a bien compris : prévoir, planifier et aménager autrement est gagnant, tant pour la qualité de vie de ses résidents (plus d’espaces verts, des espaces publics conviviaux) que pour ses finances.
Bien sûr, la mise en place d’un tel chantier nécessite du temps et de l’argent. La Ville s’est donné 20 ans pour mener son plan à bien, en étroite collaboration avec l’ensemble de la communauté (propriétaires privés, citoyens). L’objectif, à terme, est de n’avoir que 10 cm d’eau au sol lors d’une pluie centennale.
Portland, aux États-Unis, a aussi rapidement compris l’intérêt de revoir sa façon de gérer les eaux pluviales. Elle figure parmi les premières villes à avoir adopté une approche diversifiée avec l’implantation de bassins de rétention végétalisés aux endroits stratégiques afin de limiter la pression sur le réseau d’égout (Green Street Program). Elle a également mis sur pied un programme d’incitatifs financiers pour les projets d’infrastructures vertes et le développement de partenariat avec la communauté pour les entretenir.
Au Québec, on sent un vent de changement. Les villes modifient progressivement leur façon de faire. À Trois-Rivières, la réfection de la rue Saint-Maurice est un des premiers projets de grande envergure axés spécifiquement sur la gestion des eaux pluviales. Plusieurs fois récompensé, il constitue une source d’inspiration pour les autres municipalités. Le suivi de ses performances sur plusieurs années va également fournir une source d’information précieuse pour les concepteurs et les ingénieurs.
Le changement de pratiques se traduit aussi par l’adoption de nouvelles normes de conception. Ainsi, l’arrondissement du Sud-Ouest à Montréal a dévoilé ce printemps son nouveau concept de saillies drainantes végétalisées. Fini les coins de rue totalement asphaltés. Avec cette approche, l’arrondissement fait d’une pierre trois coups : gestion des eaux de ruissellement, verdissement des quartiers et sécurisation des passages piétonniers.
Bruxelles – Montréal : des ressemblances frappantes
On s’oriente aussi de plus en plus vers une gestion partagée de l’eau pluviale entre les municipalités et les propriétaires privés. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Stephan Kampelmann de l’Université libre de Bruxelles (ULB), qui était de passage à Montréal dans le cadre de l’école d’été internationale « Ville, territoire, économie circulaire ». Il m’a entre autres parlé d’Ilot d’eau, un projet conçu par les États Généraux de l’Eau de Bruxelles, le bureau Latitude et la Faculté d’architecture La Cambre-Horta de l’ULB qui repose sur une réflexion collective autour de l’eau à l’échelle d’un pâté de maisons. Enlèvement de l’asphalte, récupération et réutilisation de l’eau de pluie des toits, des actions d’envergure variable émergent de ces échanges et sont ensuite mises en pratique.
Cela m’a directement fait penser au projet de ruelles bleues-vertes qui se déploie actuellement à Montréal. Et à Bruxelles comme à Montréal, qui dit nouvelles façons de faire, dit nouveaux enjeux et changements de pratiques. Se posent alors des questions comme : qui va entretenir? Qui est responsable? Qui va payer?
On le constate : il faut agir à différentes échelles et profiter de toutes les occasions pour réaménager nos villes sans attendre d’autres catastrophes. Que ce soit avec un water square ou par une nouvelle configuration de la rue qui canalise l’eau en son centre, nous devons revoir notre relation à l’eau et ne pas chercher à l’envoyer le plus vite possible dans les égouts.
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