Plus que des statistiques

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06 août 2020 - Anne-Sophie Gousse-Lessard, Docteure en psychologie sociale et environnementale

Une question revient souvent dans le discours actuel : pourquoi avons-nous été capables de réagir promptement pour tenter d’enrayer la COVID-19 alors qu’on peine tant à agir pour le climat?

D’abord, il faut nuancer notre perception quant à notre réponse dite « rapide ». La santé publique et nos dirigeants et dirigeantes ont certes agi, mais non pas sans délais. Au début, la menace du virus n’était pas SI frappante. On se disait qu’il demeurerait en Chine, puis en Europe. « Ça ne va pas bien en Italie », disait-on alors, en mesurant difficilement le risque que nous courrions ici. Même l’Organisation mondiale de la santé a tardé avant d’annoncer l’état pandémique de l’épidémie. Aujourd’hui encore, certains mécanismes de déni et de minimisation présents au commencement sont toujours à l’œuvre, surtout chez nos voisins du Sud. Bref, il y a une question de temporalité à ne pas oublier, même s’il est vrai que la réponse planétaire face à la pandémie est sans précédent. 

Le fait est que tant et aussi longtemps que nous n’avons pas les deux pieds dedans, il est difficile d’agir adéquatement. Vous vous rappelez la grenouille dans l’eau chaude? Sur les plans collectif et politique, de nombreux facteurs peuvent expliquer cette résistance et cette fâcheuse habitude de tout miser sur la gestion de crise plutôt que sur la prévention des risques. Je vais toutefois laisser les sociologues le soin de les détailler. Sur le plan individuel, en revanche, la notion de distance psychologique peut nous éclairer sur nos difficultés d’agir à la hauteur du problème.

Le principe de base est simple : plus la distance est grande, plus notre conception ou interprétation de l’objet (ou de l’événement ou de l’individu) est abstraite.


La notion de « distance psychologique » regroupe différents types de distances, soit la distance physique (mon quartier vs un autre pays), la distance temporelle (maintenant vs les générations futures), la distance sociale (ceux et celles qui me ressemblent vs les autres) et la distance hypothétique liée à l’incertitude (certitude vs incertitude d’un événement futur). Le principe de base est simple : plus la distance est grande, plus notre conception ou interprétation de l’objet (ou de l’événement ou de l’individu) est abstraite. En anglais, on appelle cela les construal levels (les niveaux d’interprétation).

Les recherches sur ces niveaux d’interprétation montrent qu’on peine à bien imaginer, ressentir et détailler ce qui est perçu comme « lointain ». Faites-en l’expérience. Si vous deviez décrire votre maison et votre quartier, vous le feriez sans nul doute de façon beaucoup plus précise et concrète que si vous deviez décrire votre pays dans son ensemble. Discours abstraits, terminologie complexe et utilisation répétée de statistiques contribuent à créer cette distance. À l’inverse, les pensées proximales, c’est-à-dire celles associées à « ce qui est près de nous », sont davantage concrètes et tangibles. Elles engagent nos sens; on les ressent dans nos tripes. Dans ce cas, on dit que notre « système affectif de traitement de l’information » est activé. Images saisissantes et récits personnels facilitent ce rapprochement. Les émotions que suscitent ce type d’information nous permettent alors de mieux percevoir les risques et de passer à l’action plus rapidement.

Pourquoi avons-nous été capables de réagir face à la COVID-19 alors que nous peinons à y arriver face aux changements climatiques? La pandémie actuelle est non seulement plus facile à comprendre (un virus se propage et tue des gens), ce qui diminue l’incertitude, mais elle a aussi été traitée par les médias de façon très concrète à l’aide de photos et de témoignages poignants. Les changements climatiques, eux, sont perçus comme lointains, diffus, incertains ou trop compliqués et sont trop souvent traités ainsi par les médias. Le niveau d’abstraction est tel que nos sens ne sont pas ou sont peu activés, ce qui nuit à une perception adéquate du risque encouru.

La cassure dans nos quotidiens, les choix politiques au regard de la crise et de la relance, les réactions individuelles et collectives et la réorganisation actuelle de la vie sociale sont pour moi, et pour bien d’autres j’en suis certaine, des phénomènes fascinants. Une myriade de points communs peuvent se dessiner entre la crise de la COVID-19 et la lutte aux changements climatiques. Dans mes prochains billets, je tâcherai d’en relever certains.