Faire pousser des steaks
en forêt

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© Laura Martinez
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Jardiner en forêt tout en limitant leur empreinte carbone : tel est le défi que se sont lancé les propriétaires d’une ferme agroforestière du Bas-Saint-Laurent. Bienvenue au cœur d’une champignonnière rythmée par les saisons et les effluves du fleuve.

Marie-Hélène Lagueux-Tremblay et Charles Wouters m’observent discrètement pendant que je déguste des légumes et des shiitakes poêlés à l’huile de sésame. « Fondants et fermes à la fois », dis-je sans hésiter. Ils sourient. Pour les jeunes propriétaires de la ferme Aux jaseurs des cèdres, située à Saint-Valérien, près de Rimouski, goûter à des shiitakes – aussi appelés champignons noirs – fraîchement cueillis pourrait faire craquer certains amateurs de steak. « Ce qui est intéressant avec le shiitake, c’est sa texture et son goût, qui rappellent la viande », résume l’agricultrice et agronome de 27 ans. 

Depuis le début du mois d’août, Marie-Hélène et Charles récoltent, seuls ou avec leurs enfants – 4 ans et 15 mois –, leurs premiers shiitakes, mot qui signifie en japonais « champignons qui poussent sur le bois ». La famille a aménagé sa maison à quelques pas de la champignonnière, ce qui lui permet de s’y rendre à pied tous les jours. Elle évite ainsi les émissions de gaz à effet de serre qu’auraient engendrées des déplacements plus longs sur cette terre de 75 hectares.

Pour transporter les billots de bois débités sur leur terre, le couple a dû se procurer un tracteur. Bien malgré lui! « Sur une ferme actuellement au Québec, il y a plus de tracteurs que de fermiers », déplore Marie-Hélène. Ils ont décidé d’investir dans un seul engin d’occasion qu’ils peuvent aisément réparer. Le tracteur facilite aussi le transport de billots à la station de trempage en eau froide, étape indispensable au réveil par choc thermique du mycélium [des filaments blancs qui assurent la croissance, la nutrition et la défense des champignons] inoculé dans les billots de bois deux années plus tôt, précise l’agronome.

Après un trempage de 24 à 48 heures, les billots sont placés sur des supports à l’ombre des cèdres, dont les propriétés fongicides et insecticides permettent de limiter la présence sur le sol de champignons (non désirés!) ou de limaces. Les bûches sont posées directement sur l’épaisse couche de matière organique humide que forme le sol. « Ça évite que le bois se dessèche trop rapidement et que le mycélium perde de la vigueur ou meure », explique Marie-Hélène.

« Avoir des billots provenant de plusieurs essences d’arbres [comme le peuplier faux-tremble, le sorbier ou le bouleau blanc] rend notre entreprise plus résiliente. Certains billots résistent mieux à l’envahissement de champignons indésirables, d’autres à la sécheresse [durant les étapes précédant le trempage] », ajoute Marie-Hélène. Les billots proviennent d’arbres qui ont poussé en bordure des champs de la ferme, précise Charles, un Belge formé en ébénisterie et en menuiserie. Débiter les arbres à croissance rapide qui font de l’ombre à ceux à croissance plus lente, comme l’érable, permet d’augmenter la capacité de la forêt à se régénérer et, donc, à absorber du CO2, estime-t-il.

« J’aime cette job-là, mais la faire avec le bruit des moteurs, puis les odeurs de diesel et d’essence, ça gâche mon plaisir », dit Marie-Hélène. « Dans l’aménagement de la cédrière, Charles a tout prévu pour que, dans le futur, des ânes puissent faire le travail d’un quatre roues », s’enthousiasme-t-elle. Les chemins larges et sinueux de la champignonnière permettent d’accéder rapidement aux shiitakes. « C’est vraiment un labyrinthe! » ajoute-t-elle. Et un terrain de jeu idéal pour les enfants!

Trois à quinze jours après le trempage, les premiers shiitakes apparaissent. Cultiver les champignons en forêt permet d’économiser l’énergie qui serait nécessaire à la climatisation et au chauffage d’une culture en entrepôt, explique Marie-Hélène. « Et ça change le goût, les propriétés nutritives! Un champignon qui pousse en milieu naturel va se gorger de vitamine D parce qu’il va être en contact avec le soleil, ce que tu n’auras pas forcément avec un champignon à l’intérieur s’il n’est pas éclairé avec des lumières UV », ajoute-t-elle.

« Nous, on veut être capable de bien vivre d’une activité saisonnière et de ralentir pendant l’hiver, donc, finalement, de calquer notre rythme de vie et de travail sur celui des saisons », confie la jeune maman.

« Tout ce qui nous permet d’apporter de la diversité dans notre alimentation [pour diminuer notre consommation de viande] nous permet aussi de réduire notre impact face aux changements climatiques », dit Marie-Hélène, qui ne peut cacher sa joie en pesant ses champignons après cette première récolte fructueuse. Après deux ans d’activité, les shiitakes du couple ont finalement pointé leurs chapeaux en grand nombre en cette fin d’été! La meilleure récolte depuis le début de leur aventure : environ 1 kg de champignons ce week-end. Bingo : Aux jaseurs des cèdres pourra être du rendez-vous festif du village du Bic la semaine suivante!