Du gaz dans le fumier

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18 septembre 2020 - Amélie Cournoyer, Journaliste inspiratrice

Des agriculteurs du Centre-du-Québec ont fondé la première coopérative agricole de la province spécialisée dans la production de gaz naturel renouvelable (GNR) à partir de fumiers et de lisiers. Une idée pas bête qui permet de diversifier leurs sources de revenus tout en diminuant leur empreinte carbone.

Depuis 2015, l’organisme Coop Carbone, dans le cadre du projet Agro Carbone, brasse des idées pour aider la filière laitière québécoise à diminuer son empreinte carbone. C’est de là qu’est né le projet de transformer les lisiers et les fumiers en GNR au moyen de la biométhanisation, explique Josée Chicoine, directrice au développement agroalimentaire de Coop Carbone, un organisme qui soutient la création de projets collaboratifs visant la réduction des gaz à effet de serre (GES). L’idée s’est démarquée parce que la biométhanisation produit du gaz naturel renouvelable et carboneutre qui peut remplacer le gaz naturel d’origine fossile. De plus, ce procédé réduit les émissions de méthane (un GES 25 fois plus polluant que le CO2) découlant de l’entreposage des excréments des animaux de ferme.

Un modèle d’économie circulaire

Coop Carbone a donc réuni quelques producteurs agricoles du Centre-du-Québec, « le berceau de l’industrie laitière au Québec », pour leur proposer la création d’une coopérative qui produirait du GNR. C’est ainsi que Coop Agri-Énergie Warwick a été fondée en 2019. Son premier objectif consiste à construire et à mettre en service un complexe de biométhanisation à Warwick au coût de 12 millions de dollars. Le projet, qui a notamment obtenu l’aide financière de Transition énergétique Québec et de Développement économique Canada pour les régions du Québec, a également reçu l’appui de la Corporation de développement économique de Victoriaville et sa région (CDEVR).

Le complexe de biométhanisation doit recevoir ses premiers chargements de lisiers et de fumiers cet hiver. © Coop Carbone

La construction du complexe a été entamée en mai dernier. Si tout va bien, dès novembre 2020, les 12 producteurs agricoles membres de la coopérative y enverront annuellement quelque 25 000 tonnes de lisiers et de fumiers, auxquelles s’ajoutera environ le même volume de matières organiques (principalement des résidus de transformation agroalimentaire et des boues). Ces dernières seront fournies par le 13e membre de la coop, une fromagerie locale, de même que par la Ville de Victoriaville et d’autres entreprises des environs (fromageries, transformateur de pommes de terre, papeterie).

Toutes ces matières seront envoyées dans un biodigesteur, où des microorganismes s’occuperont de les décomposer en l’absence d’oxygène. De cette fermentation émanera du biogaz, qui sera ensuite purifié pour générer du biométhane, un GNR. De plus, la biométhanisation produira du digestat, un engrais naturel peu odorant que les producteurs agricoles membres de la coop pourront récupérer pour fertiliser leurs terres, réduisant ainsi leur facture d’engrais minéral.

Une clientèle au rendez-vous

Lorsqu’Éric Houle s’est fait approcher en 2018 par Coop Carbone pour devenir membre de la future coopérative, il a tout de suite accepté. « Il y a quelques années, j’avais évalué la faisabilité d’un projet du genre pour la production et la vente d’électricité, mais ce n’était pas rentable vu le prix de l’électricité au Québec », se rappelle ce propriétaire de deux fermes laitières à Victoriaville, qui est aussi vice-président de la coop.

Le Centre-du-Québec est « le berceau de l’industrie laitière au Québec ». © Francis Perreault

Si le prix de l’électricité était effectivement trop bas pour rentabiliser les installations nécessaires à la production de GNR, cette option est devenue intéressante l’an dernier. « Ce qui a changé la donne, c’est qu’Énergir s’est vu imposer par le gouvernement la distribution de 5 % de GNR d’ici 2025. L’entreprise, qui distribue environ 97 % du gaz consommé au Québec, est donc prête à payer plus cher pour le GNR dans le but d’en stimuler la production, ce qui permet de rentabiliser la construction et la mise en service d’un complexe de biométhanisation comme celui de Warwick », explique Josée Chicoine, qui agit aussi comme codirectrice générale de la coop.

C’est ainsi qu’Énergir s’est engagée à acheter la totalité de la production de la Coop Agri-Énergie Warwick pendant 20 ans, et ce, à prix compétitif, affirme Catherine Houde, conseillère principale aux communications et aux affaires publiques chez Énergir. Il faut dire que la clientèle à la recherche d’énergie propre est prête à débourser davantage pour le gaz naturel. « On a une liste de clients qui voudraient acheter du GNR », poursuit-elle, indiquant que la plupart des clients actuels sont des entreprises et des institutions québécoises qui nourrissent de grandes ambitions en matière de carboneutralité.

Le complexe de Warwick injectera annuellement 2,3 millions de mètres cubes de GNR dans le réseau d’Énergir (assez pour alimenter en gaz naturel 1000 résidences pendant un an), et retournera aux producteurs agricoles environ 45 000 tonnes de fertilisants. En tout et pour tout, la Coop Agri-Énergie Warwick évitera ainsi l’émission de 6500 tonnes d’équivalent CO2 par an, ce qui correspond au retrait de 1500 voitures des routes. « Mieux encore : le lisier qui est épandu sur les sols génère plus de GES que le GNR qu’il produit, ce qui en ferait même une énergie carbonégative », conclut Catherine Houde.

Ça ne fait que commencer!

Selon une étude menée en 2018 par Deloitte et WSP Canada, à la demande d’Énergir, le secteur agricole québécois a le potentiel de produire, chaque année, plus de 400 millions de mètres cubes de GNR de façon rentable dans les conditions de marché actuelles, ce qui représente près de 10 % du gaz naturel actuellement distribué par Énergir au Québec. Une cinquantaine de projets semblables à celui de la Coop Agri-Énergie Warwick seraient donc envisageables partout dans la province. D’ailleurs, Coop Carbone travaille actuellement sur deux autres projets, « et il y en aura d’autres éventuellement », indique Josée Chicoine.

Bonne nouvelle : les projets de production de GNR ont désormais accès à de nouvelles sources de financement. En effet, le 1er juin 2020, Xebec, un fournisseur mondial de solutions en énergie propre, et le Fonds de solidarité FTQ ont lancé le premier fonds d’investissement consacré à la production de GNR, avec une capitalisation initiale de 20 millions de dollars. Le gouvernement du Québec a pour sa part annoncé le 7 juillet une aide financière de 70 millions de dollars pour soutenir la production et la distribution de GNR.