Fini le gaspi : des rebuts à l’origine d’une fierté durable

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Rembourreur à l’œuvre au milieu des textiles. Photo de Florent Dufort.
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Un directeur de production implante l’économie circulaire dans une usine de meubles kamouraskoise. Portrait d’une transformation industrielle menée au nom du gros bon sens.

Il y a une dizaine d’années, le quotidien de Dany Saint-Pierre a pris une tournure inattendue. Ce ne sont ni les plans de production ni les bilans financiers qui ont capté l’attention de ce directeur de production fraîchement embauché chez Amisco, une entreprise manufacturière de Saint-Pascal, dans le Kamouraska, mais une image bien plus terre à terre : un immense conteneur où s’entassaient, pêle-mêle, tous les rebuts de cette usine de meubles en pleine effervescence.

« Tissu, carton, bois, métal… tout embarquait là-dedans », se remémore-t-il. Pour cet homme pragmatique, cette vision n’était pas seulement dérangeante : elle relevait de l’absurde. « Ça n’a pas pris de grosses analyses pour voir que le nombre de déchets augmentait à vitesse grand V », explique-t-il.

Une petite voix intérieure, celle du gros bon sens québécois qui murmure qu’on ne gaspille pas impunément, commençait à gronder. « Je ne peux pas concevoir qu’on laisse un héritage d’enfouissement », s’indigne Dany, soulignant une responsabilité qui transcende le cadre professionnel.

Ça a été l’étincelle.

« Je ne peux pas concevoir qu’on laisse un héritage d’enfouissement ». Dany St-Pierre aux côtés d'Alexandre Jolicoeur dans l'usine Amisco à Saint-Pascal. Photo de Florent Dufort.

Dompter les rebuts, une matière à la fois

Le premier combat de Dany fut celui du bran de scie, cette fine poussière de bois produite lors de la fabrication de meubles. La solution, un partenariat avec les Serres Bertrand à Montréal qui l’utilisait pour le chauffage de ses installations, semblait prometteuse. Mais lorsque ce partenaire a changé de système, il a fallu que l’équipe d’Amisco se retourne vite pour trouver un nouveau preneur. Loin de se décourager, Dany et ses collègues ont redoublé d’efforts, dénichant d’autres serres preneuses de valorisation énergétique.

Ce premier succès, arraché à force de débrouillardise, a marqué un tournant : chaque déchet pouvait être perçu non plus comme une fatalité, mais comme un défi à l’ingéniosité.

Le directeur de production a ensuite porté son regard sur les autres montagnes de résidus. Il y avait les retailles de bois, ces pièces jugées imparfaites après plusieurs sablages ou teintures. Qu’à cela ne tienne ! Un dialogue s’est noué avec Linéaire Design, une entreprise voisine située à L’Islet. Aujourd’hui, quelque 15 tonnes de ce bois déclassé y trouvent une seconde vie chaque année, transformées en tablettes ou autres composantes de meubles.

Puis vint le défi des textiles. Des tonnes de retailles colorées, vestiges de la confection de fauteuils et de chaises. Ici, c’est une rencontre humaine qui allait tout changer. Nathalie, l’artisane derrière Les créations de Nathalie et cie à Saint-Pascal, cherchait justement de la matière. Le courant, facilité par la SADC du Kamouraska, est passé immédiatement. « Elle a récupéré de cinq à six tonnes de résidus textiles à elle seule depuis le début de notre collaboration, soit d’une à une tonne et demie par année ! » s’enthousiasme encore Dany.

Nathalie, artisane derrière Les créations de Nathalie et cie à Saint-Pascal.

Ces montagnes de tissus, déchets coûteux qui finissaient sous terre, se métamorphosent en sacs à main et accessoires uniques, témoins d’une économie où l’industrie nourrit l’artisanat local.

La mousse de polyuréthane, autre casse-tête, a trouvé sa solution dans un cercle vertueux quasi parfait : le fournisseur livre la mousse neuve et repart avec les chutes pour les transformer en tapis anti-fatigue. Résultat : 12 000 $ d’économies annuelles pour Amisco et 80 tonnes de CO2 épargnées de l’atmosphère.

 

 

Chiffres donnés par Émilie ou Dany. L’article a été relu par Émilie et 2-3 ajustements y ont été faits, mais pas sur ce chiffre-là.

de l’atmosphère.

Unions dynamiques

Ces partenariats-solutions illustrent une économie circulaire vivante et pragmatique, où les résidus des uns deviennent de précieuses ressources pour les autres, stimulant au passage le développement économique et la résilience du territoire. Au total, ce sont près de 1 000 tonnes de matières diverses qui, chaque année, échappent à l’enfouissement grâce à ces initiatives.

Derrière ces succès, il y a évidemment des personnes essentielles, véritables maillons. Alexandre Jolicoeur et Émilie Dupont, conseillers à la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) du Kamouraska, ont été de ceux-là. « Leur apport a été majeur, insiste Dany. Leur expertise s’est avérée précieuse pour le maillage avec les bons partenaires locaux et pour l’accompagnement technique. » La SADC a par exemple réalisé des analyses de flux de matières pour identifier des pistes d’amélioration continue et activé son réseau pour créer des connexions improbables, mais fructueuses.

« Les lieux d’enfouissement technique se remplissent beaucoup trop vite, et ça coûte extrêmement cher, créer de nouvelles cellules, explique Alexandre. Dévier des tonnes de déchets de l’enfouissement est un enjeu qui dépasse largement les portes de l’usine ; c’est une responsabilité qui se doit d’être collective. » Depuis plusieurs années, la SADC du Kamouraska défend l’économie circulaire comme modèle de développement territorial.

Symbiose et fierté

L’usine d’Amisco à Saint-Pascal est également le lieu où s’effectue la recherche et le développement pour les nouveaux produits du groupe, qui comporte trois autres usines au Québec et vend ses produits à des centaines de détaillants en Amérique du Nord et au Mexique. Elle est devenue un véritable terreau d’innovation et d’engagement.

Les employés, dont les suggestions ont toujours importé à Dany Saint-Pierre, ont été des acteurs clés de ces changements. Leur adhésion, leur participation active au tri et à la préparation des matières ont été fondamentales. Voir concrètement les résultats de leurs efforts — moins de gaspillage, des partenariats locaux valorisants — a engendré un sentiment de fierté et renforcé la cohésion d’équipe. Cet engagement collectif a pavé la voie à l’intégration formelle des critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) au sein du comité de planification stratégique d’Amisco.

Un legs humain

Malgré ces succès indéniables et l’enthousiasme généré, Dany l’exprime sans détour : « Le principal défi, ça reste quand même le financement de tout ça, la réflexion, la mise en place, le maillage avec des entreprises… ». Il est fermement convaincu que pour systématiser et amplifier ces démarches, les entreprises (ou du moins les structures qui les accompagnent), devraient pouvoir compter sur des ressources dédiées à la recherche de financement pour les projets environnementaux.

Car si plusieurs de ces initiatives deviennent rentables à terme, l’investissement initial en temps, en recherche et en adaptation de processus peut constituer un frein important.

La transformation opérée chez Amisco Saint-Pascal, bien au-delà des chiffres impressionnants de détournement de l’enfouissement, est une inspirante aventure humaine. Elle est portée par la persévérance de Dany Saint-Pierre, concrétisée par l’engagement de son équipe, catalysée par l’expertise et le réseau de la SADC et enrichie par l’ingéniosité d’artisans comme Nathalie.

Elle démontre qu’une vision pragmatique peut réduire l’empreinte environnementale d’une industrie tout en stimulant l’économie locale. Sans parler, évidemment, de la fierté durable et contagieuse née de ces collaborations.

 

Patrons de coupe en carton dans l'atelier de Saint-Pascal d'Amisco. Photo de Florent Dufort.

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