Décarboner, une granule à la fois

granules de bois
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30 janvier 2019 - Guillaume Roy, En quête d'aventure

Au Québec, les 22 communautés non reliées au réseau principal d’Hydro-Québec produisent près de la moitié des gaz à effet de serre (GES) de la société d’État. Afin de réduire leur dépendance au mazout et au diésel, une entrepreneure innue s’attaque aux solutions. Portrait.

Si l’argent ne pousse pas dans les arbres, il dort parfois dans les forêts. Alors que les résidus issus de la coupe ou de la transformation du bois pourraient servir à chauffer des communautés isolées, ils sont souvent exportés au-delà de nos frontières.

C’est pour remédier à cette situation que Mélanie Paul, une entrepreneure innue de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean, a créé l’entreprise Inukshuk Synergie au printemps 2018. Son but : remplacer le mazout utilisé pour chauffer les communautés isolées – dont des communautés autochtones et des entreprises minières – par une énergie renouvelable produite en abondance par les scieries du Québec : les granules de bois.

granules poêle mélanie paul
Mélanie Paul entend jouer un rôle social important en tant qu’entrepreneure. © Guillaume Roy

« On fabrique en grande quantité un combustible renouvelable (les granules de bois) alors qu’on importe un combustible fossile, du mazout, pour chauffer des industries et plusieurs communautés nordiques. Ce n’est vraiment pas logique », constate l’entrepreneure, qui est aussi vice-présidente du Groupe ADL, une entreprise multisectorielle fondée par son père.

Économie « verte »

À l’échelle de la province, la capacité de production de granules de bois à partir des résidus des scieries avoisine les 460 000 tonnes, selon le Bureau de promotion des produits du bois du Québec (QWEB). Elle pourrait atteindre 1,115 million de tonnes au cours des prochaines années, si tous les projets en développement se concrétisent. Pourtant, la consommation québécoise ne dépasse pas les 150 000 tonnes, forçant les producteurs comme Granules LG, une filiale du Groupe ADL, à exporter une partie de leur stock, notamment en Angleterre et en Italie.

 

Un non-sens, estime Mélanie Paul, puisque les 22 réseaux autonomes de la société d’État – Iles-de-la-Madeleine, Anticosti, communautés autochtones, etc. – pourraient s’en servir pour remplacer en partie le mazout ou le diésel. Cette conversion pourrait permettre de réduire les émissions de GES produites par les réseaux autonomes, qui représentent 227 000 tonnes d’équivalent CO2, soit l’équivalent des GES émis par 67 000 voitures de taille moyenne selon le calculateur de Carbonzero.

Carte des réseaux autonomes d'Hydro Québec
Les réseaux autonomes d'Hydro-Québec à travers la province. © Hydro-Québec

« On pourrait diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 % en misant sur les granules pour le chauffage et même pour la production d’électricité », explique-t-elle en faisant référence à une étude commandée au Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) par le Bureau de promotion des produits du bois du Québec (QWEB).

Ce serait d’autant plus logique que « plus les volumes augmentent, plus la quantité de carbone émis pour le transport de chaque granule diminue », poursuit la dynamique entrepreneure innue, qui parle de possibles économies d’échelle et de réduction de l’empreinte carbone en les acheminant par bateau, voire même par camion électrique. Des discussions sont en cours avec différentes communautés afin d’établir des conditions « gagnant-gagnant », rapporte-t-elle en disant espérer qu’un premier projet se concrétisera en 2019.

« Avec Inukshuk Synergies, je veux bâtir des partenariats avec les communautés pour créer des emplois localement, tout en améliorant leur bilan carbone », poursuit-elle. Son plan : vendre de la chaleur ou de l’électricité à ses clients – dont éventuellement des entreprises minières – et non seulement des granules. Pour y arriver, elle compte coopérer avec les communautés locales, notamment pour la maintenance, dans le but d’offrir un service clé en main.

Granules LG et Groupe ADL en bref

  • Granules LG : 55 employés, dont 20 autochtones
  • 120 000 tonnes de granules produites par an
  • Chiffre d’affaires : 20 millions de dollars 

Jusqu’en 2006, l’entreprise ADL Tobacco était l’entreprise phare du Groupe ADL. Après une restructuration, le Groupe ADL a décidé de miser sur des entreprises dans le domaine de l’énergie (Granules LG), des structures en bois (Lamco), des produits de santé naturels (Paul et Fliss International), ainsi que dans l’immobilier. Le Groupe ADL compte aujourd’hui près de 80 employés.

Sûre de son affaire

La piqûre des affaires a gagné Mélanie Paul lors d’une formation à l’École d’entrepreneurship de Beauce, qu’elle a fréquentée de 2013 à 2015. « Ça m’a fait prendre conscience de l’importance de développer des projets en fonction de mon identité et de mes valeurs, comme le développement durable, l’environnement et la lutte aux changements climatiques », raconte cette ancienne travailleuse sociale.

déchets de bois
Les besoins en bois d’œuvre continuant d’augmenter au Québec, la quantité de résidus forestiers inutilisés croît elle aussi. © Guillaume Roy
Ligne de production de bûches écoénergétiques chez Granules LG
Granules LG transforme les résidus forestiers en granules, en bûches écoénergétiques ou en litière pour chevaux. © Guillaume Roy

Sa culture entrepreneuriale rejoint celle de la communauté innue, qui est axée sur les ressources offertes par la Terre mère, dit-elle. « Les ressources naturelles font partie de notre héritage, car sans elles, on ne serait pas là aujourd’hui. On doit les protéger en étant de bons gardiens du territoire. » Pour cette raison, elle cherche à diminuer son empreinte carbone non seulement au plan personnel mais aussi au sein des entreprises qu’elle dirige.

La communauté innue, quant à elle, ne souhaite pas être qu’une spectatrice du développement des énergies renouvelables. Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, le conseil de bande de Mashteuiatsh, a notamment investi dans l’entreprise Granules LG (entreprise dont Mélanie Paul est la vice-présidente) ainsi que dans la construction des minicentrales hydroélectriques avec les MRC voisines.

Dans son ancienne vie de travailleuse sociale, Mélanie Paul voulait « aider la communauté en travaillant sur les causes de la toxicomanie et de la violence conjugale », raconte-t-elle. Après deux ans, elle s’est rendu compte des limites du système, les services offerts n’étant pas toujours adaptés aux réalités des Premières Nations.

Mélanie Paul et Alain Paul
Mélanie Paul et son père, Alain. © Guillaume Roy

Son père, Alain Paul, l’a alors invitée à rejoindre l’affaire familiale. Jusque-là, elle ne voyait pas de lien entre sa formation et le monde de l’entreprise, mais il l’a convaincue du contraire avec un argument qui a fait mouche : « Qu’as-tu appris à l’école ? À analyser et à régler des problèmes. C’est exactement ce que je fais ! » lui a-t-il lancé en la convainquant que la création d’emplois stables permettait à des membres de la communauté de sortir de la pauvreté et de retrouver leur fierté.

Aujourd’hui, Mélanie Paul estime qu’elle joue un rôle social important en tant qu’entrepreneure. « J’ai toujours voulu aider ma communauté et aujourd’hui, je sens que mon modèle d’affaires peut faire une différence à un autre niveau. En créant des emplois durables, ça permet de diversifier l’économie tout en aidant la planète. Ça me motive et ça rejoint mes valeurs », affirme l’entrepreneure innue qui jongle avec mille et un projets. Un parcours à suivre.

5 fois moins polluant que le mazout

 D’après l’analyse du Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), l’utilisation de granules de bois fabriqués au Québec (à partir de résidus de scierie et forestiers) pour se chauffer émet environ cinq fois moins d’équivalent CO2 qu’une chaudière au mazout.

  • Empreinte carbone de l’utilisation de granules de bois : 18 g d’éq. CO2/MJ
  • Empreinte carbone de l’utilisation d’une chaudière au mazout : 94.6 g d’éq. CO2/MJ

Les résidus forestiers sont de la biomasse, matière organique d’origine végétale ou animale – et sont réutilisables pour produire de la chaleur ou de l’électricité. Selon Hydro-Québec, la biomasse est « la deuxième source d’énergie renouvelable, après l’énergie hydraulique » au Québec.