Pour limiter son impact sur le climat, un jeune couple troque son appartement de Québec pour un immense terrain à Saint-Valérien, dans le Bas-Saint-Laurent. Bienvenue chez les Wouters-Lagueux-Tremblay.
Charles Wouters rêvait de construire sa propre maison. Sa compagne, Marie-Hélène Lagueux-Tremblay, voulait vivre à la campagne. En couple depuis 2013, les amoureux – elle est agronome, il travaille alors comme menuisier et ébéniste – commencent à réfléchir à un mode de vie qui réduirait leur impact sur la planète, notamment leur empreinte carbone.
« Quand je suis tombée enceinte de Tom, en 2014, ç’a un peu précipité les choses », raconte Marie-Hélène. Au lieu de partir en voyage comme prévu, le couple commence à chercher un terrain. Après deux hivers à récupérer (et entasser dans leur appartement de Québec) des portes, des fenêtres et du bois pour le plancher de leur futur logis, ils s’installent sur une terre de 75 hectares – ou plus de 100 terrains de soccer – à Saint-Valérien, près de Rimouski.
40 m2 d’intérieur, 75 hectares d’extérieur
Aujourd’hui, leur chalet temporaire de 40 m2, composé de deux pièces et d’une toilette sèche, loge cinq habitants : Charles et Marie-Hélène, âgés respectivement de 34 et 27 ans, Tom et Anne, 4 ans et 15 mois… et la chienne Ali, 9 ans. « On est arrivés en mai et, en juillet, on emménageait », raconte fièrement Charles. « Quand t’arrives, t’as pas le choix. C’est comme un colon à l’époque. Il se construisait d’abord une petite cabane, puis sa belle maison en rondins deux ans plus tard », ajoute ce grand barbu.
En quasi-autonomie
Équipée d’une petite éolienne, d’un panneau et d’un chauffe-eau solaires ainsi que d’un système de récupération des eaux de pluie, la maisonnette est presque autonome. « Et puis c’est chouette! Le soir, il y a une tempête et paf, l’éolienne se met en route », s’enthousiasme Charles, qui apprécie de vivre au rythme des saisons.
Orientée sud
L’habitation, faite de bois récupéré, est orientée plein sud pour profiter de la chaleur du soleil pendant les saisons froides, et s’en protéger par temps chaud grâce à sa « casquette » (un débord de toit plus large sur une partie de la façade). Pour Charles, on ne peut pas parler de maison bioclimatique (adaptée à son environnement), car il lui reste un défaut : son manque d’aération. « Ça reste un camp de base, mais c’est une bonne école pour notre future maison », dit-il.
Cultiver sa nourriture (et celle des autres)
De mars à décembre, toute la famille participe aux activités de la ferme agroforestière Aux jaseurs des cèdres – que le couple a fondée en 2016 –, dont la récolte de champignons shiitake. Pour augmenter leur résilience face aux changements climatiques, les jeunes agriculteurs diversifient leurs cultures. Par exemple, plus de 300 arbres fruitiers de six espèces différentes seront plantés avant la fin de l’automne. Et à compter de l’été 2019, du pois à soupe et de la gourgane seront cultivés en rotation avec du sarrasin et du quinoa, confie Charles.
De la viande de temps en temps
Bien que la ferme Aux jaseurs des cèdres vise à offrir des produits locaux aux végétariens de la région, la famille elle-même n’est pas encore « 100 % végétarienne », confie Marie-Hélène en préparant les sandwiches aux légumes et au thon des enfants. « Il ne faut pas espérer tout changer d’un coup », ajoute-t-elle.
Un potager et une petite serre fournissent à la famille une partie des légumes. Le reste est acheté dans le commerce ou directement chez le producteur. « Le gros du budget, c’est la nourriture [de préférence locale et bio]. C’est la seule chose sur laquelle on ne fait pas de compromis », raconte la copropriétaire de la ferme en ramassant les tomates vertes qui mûriront plus tard dans la serre.
Rouler en voiture à essence… mais le moins possible
À bord de leur voiture de « troisième main », la tribu Wouters-Lagueux-Tremblay va une fois par semaine à Rimouski pour faire l’épicerie et le lavage des couches lavables d’Anne. Pour les parents, la voiture électrique n’était pas une option. « La technologie n’est pas là pour que ça ait un réel impact [notamment parce que les batteries au lithium ne se recyclent pas] » dit Marie-Hélène, qui ajoute que Charles peut réparer une voiture à essence, « mais une voiture électrique, bonne chance ! ».
Faire du plein air dans sa cour
La journée se termine par une sortie en famille au bord de « leur » rivière. « On a décidé de faire moins d’argent, mais d’avoir plus de temps. On veut avoir le temps de faire les choses qu’on aime, d’être des parents comme on le souhaite », confie Marie-Hélène qui travaille 17 heures par semaine comme agente communautaire à Saint-Valérien.
« Ici on a 75 hectares, ce qui est énorme pour un Belge. En Belgique il faut être aristocrate pour pouvoir se payer 30 hectares », s’exclame Charles, qui est arrivé au Québec en 2013. Du haut de ses quatre ans, Tom n’a pas peur de s’éloigner de la maison, tant qu’il est accompagné d’Ali. « Quand nos amis viennent ici, ils disent : « Tom, c’est fou comme il se débrouille. Il est autonome et il touche à tout » », dit fièrement le jeune papa.
Pour Marie-Hélène, faire moins d’enfants n’est pas une véritable solution aux changements climatiques. « C’est tellement subjectif, ça dépend entre autres de la façon dont tu élèves tes enfants. Nous, ici on n’a pratiquement jamais acheté de jouets, même chose pour les vêtements », explique-t-elle. « Mais c’est vrai qu’on est trop nombreux sur la planète », nuance Charles.
Écouter les coyotes et compter les étoiles
Les soirées sont des moments privilégiés en famille. Alors qu’Anne s’amuse à se jeter dans les bras de sa mère, Tom écoute les coyotes avec son père. « Il connaît tous les animaux. On lui explique les étoiles, la Lune. Quand tu vis près de la nature, il y a un éveil qui se fait chez ton enfant », témoignent les parents.
« Marie et moi, on s’est fait confiance l’un l’autre. On a fait des sauts dans le vide en ayant très peur. Mais on est là aujourd’hui, même si ç’a été très difficile », avoue Charles, qui rêve déjà de la prochaine étape : sa maison de 150 m2 en rondins de bois… prévue pour 2021!
Et ça marche!
En modifiant leur mode et leur rythme de vie, la famille Wouters-Lagueux-Tremblay a diminué de presque 50 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES), selon le calculateur Global Footprint Network. Et leur objectif est d’atteindre les 60 % de réduction d’ici 2021.
Québec (2015, en appartement)
> 6 tonnes d’équivalent CO2 (moyenne émise par chaque membre de la famille pour l’année)
> 1,9 planète (nombre de planètes nécessaires si tous les humains vivaient comme eux)
Saint-Valérien (2018, en chalet)
> 3,2 tonnes d’équivalent CO2
> 1,1 planète
Saint-Valérien (2021, dans la future maison)
> 2,3 tonnes d’équivalent CO2
> 0,8 planète
Au Québec, la moyenne annuelle par habitant est de 9,9 tonnes d’équivalent CO2.