Acceptabilité sociale 101

Illustration de femmes manifestant
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27 février 2025 - Émélie Bernier, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Rouler électrique et diminuer notre dépendance aux énergies fossiles, bien d’accord, mais cette transition n’est pas sans conséquence sur le sous-sol québécois… ni sur les populations. Année après année, l’acceptabilité sociale figure en tête du palmarès Ernst et Young des risques encourus par le secteur minier. Mais de quoi parle-t-on exactement? Réponse en 5 points.

1. L’acceptabilité sociale, c’est quoi?

Spoiler alert! Le gouvernement a beau y consacrer toute une page, personne n’est d’accord. « Le concept de l’acceptabilité sociale circule beaucoup : entreprises, municipalités, États, milieux d’accueil… tout le monde la cherche, mais on n’a ni de définition légale ni de définition qui fassent consensus! », prévient Christophe Krolik. Christophe enseigne le droit des ressources naturelles et de l’énergie à l’Université Laval. Ses recherches portent sur les aspects juridiques de la transition énergétique et l’acceptabilité sociale des projets de ressources naturelles.

Trois points se dégagent, selon lui :

a) Un processus
« Tu peux avoir un même projet et des conditions d’acceptabilité sociale différentes. L’acceptabilité sociale est le résultat d’une opinion collective, un processus qui varie en fonction de l’histoire, du milieu d’accueil, des gens qui y vivent, des adaptations des différentes parties. Le mot résultat est important. »

b) La coconstruction
« Il y a fort probablement une entreprise et un milieu d’accueil, et l’acceptabilité sociale implique un rapprochement entre les deux pour coconstruire le projet. »

c) La durée
« La véritable acceptabilité sociale doit durer, même quand le projet est terminé. L’après-mine est tout aussi important que l’avant. »

Julie Reid Forget, l’ex-vice-présidente du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), grimace un peu lorsqu’on aborde cette question de la définition. « Bien que ce soit important de s’entendre sur une définition, ce débat n’est utile que si cela peut servir à élaborer un cadre légal, pour évaluer les impacts sociaux d’un projet, la volonté des communautés concernées et les autres solutions possibles. » Autrement dit, un outil réglementaire qui donnerait prise aux communautés pour accepter ou non un projet.

Selon celle qui a également travaillé du bord des promoteurs de grands projets, la caractérisation de l’acceptabilité sociale est plus importante que sa définition.

La caractérisation? On parle ici de décrire les différentes dimensions d’un projet et sa réception par la population. « En gros : qui est pour, qui est contre, pourquoi, qu’est-ce qu’on peut faire pour rendre le projet plus acceptable avant, pendant et après? Mais aussi est-ce que le projet est inacceptable en soi, par rapport aux autres usages du territoire? » résume l’économiste.

2. L’acceptabilité sociale se mesure-t-elle?

Il est faux, toujours selon Julie Reid Forget, de prétendre que l’acceptabilité ne se mesure pas, contrairement à ce que suggère la fameuse page du gouvernement québécois, qui dit que « l’acceptabilité sociale ne se quantifie pas, elle se décrit ».

« Il suffit de poser la question au milieu pour le savoir! Le défi, c’est que l’acceptabilité se mesure à un certain moment donné dans le temps et qu’elle peut évoluer positivement ou se détériorer! » affirme-t-elle.

« Les entreprises et les communautés ne parlent pas le même langage! rappelle pour sa part Christophe Krolik. C’est important d’avoir des outils qui soient adaptés au contexte, à la spécificité locale. » Lui-même travaille à l’élaboration d’un indice d’acceptabilité sociale des projets miniers destiné aux peuples autochtones, qui pourrait également servir à toutes les communautés touchées par de grands projets industriels. Et il n’est pas le seul à tenter le coup. « Ces outils ne sont pas le Graal. Ils sont un moyen de rapprocher et de coconstruire une vision », conclut Christophe Krolik.

3. Un projet peut-il aller de l’avant s’il ne coche pas la case de l’acceptabilité sociale?

Le cadre légal québécois est encore un peu flou sur cet aspect.

« Au Québec, on a le jugement Strateco de la Cour supérieure qui prévoit que l’acceptabilité sociale doit être considérée par le ministre dans une demande de certificat d’autorisation en matière environnementale », indique Christophe Krolik.

Malgré cette jurisprudence, difficile de réguler les conditions nécessaires à l’obtention de l’acceptabilité sociale.

« Chaque milieu d’accueil est différent. Il peut y avoir une divergence entre le fait et la perception. Quand on arrive à comprendre qui pense quoi et pourquoi, ça devient possible de faire un rapprochement et de déterminer les conditions d’acceptabilité sociale. Il y a des projets où elle est là dès le début, et certains où elle ne sera jamais là. Le facteur humain est vraiment important! » estime Krolik.

D’où la nécessité d’entendre les personnes concernées par les grands projets, qu’ils soient miniers ou autres.

4. Est-ce qu’on peut acheter l’acceptabilité sociale?

Un phénomène que des intervenants proches du secteur de l’exploitation des ressources naturelles n’hésitent plus à nommer le « marchandage de l’acceptabilité sociale » existe, et s’avère préoccupant.

« Il arrive qu’une entente financière entre les promoteurs et les communautés soit scellée avant que les résultats de l’étude d’impact ou de la commission d’enquête du BAPE soient connus. Dans ces cas-là, il peut y avoir une forme de marchandage de l’opinion », déplore Julie Reid Forget.

Pour l’éviter, il est important de « négocier tôt, de signer tard et de spécifier que l’entente n’est pas garante d’acceptabilité sociale, mais qu’elle pose seulement des termes de collaboration si le projet est autorisé ».

5. Comment les communautés peuvent-elles s’outiller?

Les municipalités jouent trop souvent un rôle secondaire. « Pour assumer du leadership, elles doivent investir de l’argent, ce qu’elles n’ont pas toujours! » ajoute Julie Reid Forget.

De meilleurs moyens permettraient aux municipalités d’organiser, par exemple, une démarche participative, un sondage ou un référendum consultatif pour tâter le pouls de la collectivité devant un grand projet, ce qui clarifierait d’un même geste le mandat des élus municipaux qui la représentent.

Julie Reid Forget a quitté le giron des promoteurs pour fonder en 2021 son entreprise, Terres publiques, « expert[e] en conciliation de territoires ». Sa mission? Offrir, justement, un véritable pouvoir de négociation aux collectivités. Avant qu’il ne soit trop tard. Elle accompagne les municipalités dans leurs interactions, bien souvent en mode David contre Goliath, avec les entreprises.

« Qu’elles soient favorables ou pas au projet, les communautés ont besoin de nommer leurs aspirations, de connaître leurs leviers et de négocier les termes de collaboration et d’acceptation, lorsque c’est le cas », insiste l’experte-conseil.

De plus en plus, on tente de définir des outils pour simplifier les processus consultatifs.

À n’en point douter, le développement minier fait partie intégrante de la vision d’avenir du gouvernement québécois. Encore faut-il que la population se range à ses côtés… Socialement acceptable ou pas? Là est la question.

Et il importe de la poser à qui de droit.

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