Dossier spécial : Cargos neutres , partie 1

Comme au bon vieux temps

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© Sébastien Thibault
Created with Lunacy 4 min

06 septembre 2018 - Laura Martinez,

Le transport de marchandises à la voile entre l’Europe et le Québec renaît. En utilisant la force du vent, des marins ambitieux proposent une navigation commerciale sans gaz à effet de serre… comme au temps de Jacques Cartier!

Du café de Colombie, du rhum des Antilles ou des bières d’Angleterre : depuis 2011, l’entreprise française de transport à la voile TOWT – pour Transoceanic Wind Transport – a utilisé une quinzaine d’anciens voiliers pour transporter ces marchandises entre différents pays européens, de même qu’entre le Vieux Continent et les Amériques centrale et du Sud. Rien qu’en 2016, 400 tonnes (t) de produits ont ainsi parcouru l’équivalent de 90 000 km. TOWT estime avoir évité cette année-là l’émission d’environ 185 t de CO2, soit environ 1700 allers-retours Montréal-Québec en voiture!

Pour Guillaume Le Grand et son associée, Diana Mesa, employer la force du vent pour transporter des marchandises est une évidence, particulièrement dans un contexte de changements climatiques. « C’est certainement la façon la plus facile de transporter de grandes quantités [de marchandises] sur de grandes distances sans pétrole », affirme le cofondateur de TOWT.

Pour garantir une navigation décarbonée, l’entreprise a conçu le label ANEMOS. À partir d’un numéro de voyage unique, l’acheteur de chaque produit peut connaître l’heure de départ et d’arrivée du voilier, sa trajectoire et la quantité estimée d’émissions de CO2 que le transport à la voile a permis d’éviter.

L’Avontuur, une goélette à deux mâts construite en 1920 au Pays-Bas, est l’un des voiliers de la compagnie TOWT qui fend l’Atlantique pour rejoindre les Amériques. © Timbercoast TOWT

Aujourd’hui, l’équipe de TOWT travaille sur l’ouverture d’une route maritime vers l’Amérique du Nord. Dès 2019, elle espère livrer au Québec du vin bio français et repartir avec du sirop d’érable. « C’est tout à fait possible. Il n’y a plus qu’à appuyer sur quelques boutons, à confirmer des choses », s’exclame Guillaume, qui a rendez-vous avec la Société des alcools du Québec (SAQ) cet automne à ce sujet.

La voile, une plus-value

TOWT n’est pas le seul transporteur maritime à ouvrir des routes à la voile dans l’Atlantique Nord. En 2016, l’entreprise montréalaise de négoce transatlantique Portfranc a réalisé le premier transport à la voile du 21e siècle entre l’Europe et le Québec. Une traversée qui a été reprise en 2017.

Ces deux années-là, Simons figurait parmi les clients de Portfranc. L’opération a été un succès, selon Philippe Normand, vice-président marketing de la chaîne de magasins. « Ç’avait été absolument formidable. Les clients avaient apprécié. Donc, c’est pour ça qu’on a répété l’expérience [en 2017], explique-t-il. On a réussi à vendre [presque tout] ce qu’on avait. Ça, c’est un bon indicateur. » Selon lui, c’est autant la qualité des produits (des vêtements créés par des artisans français) que leur transport à la voile qui ont séduit les clients.

L’indice CO2 : le label ANEMOS

À chaque produit transporté à la voile est associé un numéro de transport qui permet au consommateur de connaître combien de kilogrammes de CO2 ont été économisés. Pour obtenir ce chiffre, TOWT estime les émissions approximatives de CO2 qu’émettrait un bateau à moteur de la même taille réalisant le même parcours. Le transporteur soustrait ensuite les émissions de CO2 engendrées par le voilier lorsque celui-ci utilise son moteur (comme pour les manœuvres portuaires), puis divise par le nombre d’articles de la cargaison.

Comme le coût du transport à la voile est supérieur à celui du fret maritime conventionnel, la démarche est particulièrement adaptée à l’expédition de produits de luxe, explique Emmanuel Guy, professeur au Département des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). La différence de prix n’a qu’un faible impact sur le coût final du produit, poursuit-il, alors que le mode de transport à la voile représente une plus-value, puisque le vendeur mettra de l’avant son transport décarboné.

« On n’est pas Jésus! »

Le transport à la voile n’est pas adapté à toutes les marchandises, notent cependant les spécialistes. « Évidemment, pour transporter un million de tonnes d’oxyde d’aluminium [poudre blanche nécessaire à la fabrication du métal], on est très mauvais à la voile. Cette marchandise ne doit être chargée qu’à bord de ces géants des mers hyper efficaces, hyper réguliers », réplique le marin de TOWT. La capacité de son plus grand bateau ne dépasse pas les 100 t, soit l’équivalent d’environ quatre conteneurs pleins de 20 pi (6 m).

Chargement de caisses de vin bio sur le voilier Norvégien, le Lun II, construit en 1914. © TOWT

Selon Emmanuel Guy, l’un des plus importants défis du fret à la voile est la difficulté à préciser le jour et l’heure d’arrivée des marchandises. Bien que de grandes quantités de fret aient été transportées à la voile, notamment aux 17e et 18e siècles, « il faudrait une réorganisation en profondeur de nos modes d’échanges commerciaux pour que ça puisse fonctionner de nouveau », précise-t-il.

 

80 % des 10 milliards de tonnes de marchandises transportées dans le monde voyagent par bateaux.

 

Par ailleurs, concurrencer le faible coût par produit du transport conventionnel semble difficile. « C’est ça la mondialisation, quelque part. On a réparti l’assemblage des différents produits un peu partout autour de la planète pour tirer avantage de coûts de production moindres. Et on fait circuler ça [en cargo] parce que le transport est très efficace et peu cher. Ça, ce serait très difficile avec des navires à voiles », affirme le professeur de l’UQAR.

Conscient des limites actuelles du fret à la voile, le cofondateur de TOWT lance : « Après, on n’est pas Jésus. Voilà, on fait ce qu’on peut! »

Bientôt de grands voiliers-cargos?

D’après Emmanuel Guy, « la révolution ne viendra pas de l’intérieur des entreprises qui marchent dans un contexte capitaliste », bien qu’il y ait en ce moment une forte volonté du transport maritime conventionnel d’améliorer son efficacité énergétique.

Le voilier Avontuur (ici vu du haut de son mat) a aussi été utilisé en 2016 et 2017 par l’entreprise montréalaise de négoces transatlantique Portfranc pour transporter des marchandises entre l’Europe et le Québec. © Timbercoast TOWT

Comme dans la légende du colibri, qui agit à son échelle pour éteindre un incendie une goutte à la fois, Guillaume et son équipe se sont lancés dans la construction d’un voilier-cargo qui pourrait transporter une cinquantaine de conteneurs soit plus de 1000 t de marchandises. Bien qu’on soit loin des quelque 200 000 t que peuvent transporter les plus grands porte-conteneurs, ce voilier-cargo de 60 m décuplera la capacité de stockage des voiliers actuels de TOWT.

« Ce bateau sera très puissant, avec un gréement [éléments relatifs à la voilure] surdimensionné pour aller plus vite », s’enthousiasme le marin. La force du vent dans les voiles permettra d’activer une hélice sous l’eau, qui alimentera un moteur électrique. Celui-ci est nécessaire pour les manœuvres portuaires et les besoins énergétiques du bord (ordinateurs, cafetières, etc.).

Dès cet automne, TOWT prévoit lancer une campagne de financement internationale pour ce voilier-cargo qui coûterait un peu plus de 15 millions de dollars canadiens, selon Guillaume. On lui souhaite de lever l’ancre!

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Le transport maritime dans le monde

Bien que le transport par bateau émette moins de gaz à effet de serre (GES) par kilomètre et par tonne transportée que les autres modes de transport (avion, camion, train), il demeure une importante source de GES, selon la chercheuse australienne Ellycia Harrould-Kolieb.

  • Le transport maritime représente plus de 3 % des émissions de GES dans le monde.

Si rien n’est fait, ce pourcentage pourrait doubler, voir être multiplié par quatre d’ici 2050. La récente déclaration Tony deBrum (du nom de l’ancien ministre des Affaires étrangères des Îles Marshall) vise à éviter cette augmentation.