Dans les festivals, la vie est belle. On écoute de la bonne musique, on chill au max, mais… on génère beaucoup de gaz à effet de serre! Tadam : au Québec, des organisateurs de festivals prouvent qu’il est possible de faire la fête sans polluer. Tour de piste.
Quiconque a déjà vu le site d’un festival une fois le dernier spectacle terminé le confirmera : entre les corps morts au sol et les poubelles qui débordent, un show en plein air génère beaucoup de déchets. Très beaucoup, même.
« On crée cinq fois plus de déchets en assistant à un festival qu’en restant à la maison », dit Annick Girard, chargée de projets chez Équiterre. En se décomposant lentement dans des dépotoirs, verres de plastique et autres emballages de hot-dogs balancent des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Sans parler de ceux émis par les moyens de transport motorisés que les festivaliers utilisent pour se rendre sur le site (ahem, l’auto solo, genre). « Pour agir face aux changements climatiques dans les festivals, il faut s’attaquer en premier lieu aux déchets et aux transports », résume Annick Girard.
Bonne nouvelle : des festivals en guerre contre les GES, au Québec, il y en a ! Piknic Électronik, un festival de musique électronique qui s’installe tous les étés pendant quatre mois au parc Jean-Drapeau, à Montréal, est l’un de ceux-là. Par exemple, depuis 2008, il ne tient plus de conférence de presse. « On gaspillait trop de papier et de clés USB. En plus des émissions produites par le déplacement des journalistes ! », résume Nicolas Cournoyer, co-fondateur de Piknic Électronik. Aujourd’hui, l’organisation dévoile sa programmation par communiqué.
Depuis 2014, les verres jetables des festivals Piknic Électronik et Igloofest (la version hivernale) ont été remplacés par plus de 500 000 verres consignés et réutilisables, dont 73 % ont été retournés et nettoyés, indique Nicolas Cournoyer. Autrement dit, ce sont presque 400 000 verres qui pourront être réutilisés lors d’un prochain festival, ce qui contribue à la baisse de la demande de matière plastique et permet de diminuer les émissions de GES générées au moment de la production.
« Le premier soir où on est passé aux verres réutilisables, les équipes de nettoyage sont venues me dire à quel point le site était propre! », remarque Nicolas Cournoyer. Les pailles de plastique ont quant à elles été bannies cette année… même si, dans les premiers temps, certains festivaliers s’en sont plaints, ajoute-t-il.
Plus récemment, le festival a planté 333 arbres pour compenser les 70 tonnes de GES générées par le transport des artistes sur trois ans. Nicolas Cournoyer espère renouveler l’expérience cette année.
Rock it !
Il faut de la volonté pour mettre sur pied un festival sans GES, qui entraînera souvent des coûts plus élevés qu’un événement qui ne se préoccupe pas de son empreinte carbone, note Nicolas Girard Deltruc, directeur du Festival du nouveau cinéma, qui a lieu à Montréal à chaque mois d’octobre. « Par exemple, c’est important pour nous de faire imprimer nos programmes localement plutôt qu’au Mexique, même si c’est plus cher, transport inclus », affirme-t-il. C’est d’abord une question de valeurs, car l’action face aux changements climatiques et le souci de l’environnement « font partie de l’identité de notre festival », assure-t-il. Le festival a aussi dit adieu aux billets imprimés.
Festivals et GES
Selon la chercheuse Karina Schäfer de l’université Rutgers, dans le New Jersey, aux États-Unis, le Lincoln Park Music Festival a engendré en 2009 l’émission d’environ 200 tonnes d’équivalent CO2 sur trois jours, ce qui correspond aux émissions d’environ 50 voitures sur la route pendant un an.
En outre, des chercheurs de l’université d’Oxford ont conclu que les 500 festivals britanniques, combinés, émettent environ 84 000 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de plus de 20 000 voitures sur la route pendant une année, rapportait en 2010 le quotidien britannique The Guardian.
Le défi des prochaines années, selon Nicolas Cournoyer, c’est la collaboration. Il aimerait notamment que les festivals s’unissent afin de réduire le gaspillage fait en marge de l’organisation des événements. « Les municipalités devraient par exemple encourager la mutualisation d’équipement afin qu’on puisse réutiliser les clôtures, les poubelles, les bacs de recyclage », rêve-t-il.
C’est d’ailleurs ce qui se produit à Gatineau depuis quelques années. Sous l’impulsion du Festibière, la Ville de Gatineau a acheté l’an dernier un lot de vaisselle en plastique lavable et réutilisable qui peut être prêté à tous les festivals qui se tiennent sur son territoire. Pour pouvoir utiliser cette vaisselle, le festival de bières locales a fait construire un îlot de nettoyage qui peut être utilisé par les autres événements.
Lentement mais sûrement, les Québécois diminuent l’empreinte carbone de leurs festivités estivales. Une excellente nouvelle pour le climat !
Guide du festivalier anti-GES
- Allez-y à vélo, en autobus, en covoiturage, en navette ou en calèche. Tout sauf l’auto solo!
- Apportez votre bouteille d’eau. Plusieurs festivals offrent maintenant des fontaines d’eau pour la remplir. Profitez-en pour rester hydraté.
- Dites non aux pailles. Votre gin tonic n’en sera que meilleur.
- Triez vos déchets. Même si vous avez fait la fête tout l’après-midi pendant une fin de semaine de camping, assurez-vous de ramasser vos déchets et de bien les trier. Et s’il n’y a pas les installations nécessaires à proximité, ramenez-les chez vous pour en disposer en limitant votre empreinte carbone… et plaignez-vous aux organisateurs! Un courriel, ça ne coûte pas trop de GES, mais ça peut contribuer à en sauver beaucoup.