Dossier spécial : Repenser nos transports , partie 8

Comment faire décélérer l’auto solo?

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Selon les experts, il faut déconstruire les barrières émotives de certains automobilistes pour changer leurs habitudes de mobilité. ©Sébastien Thibault
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Retombées positives générales

27 décembre 2021 - Diane Bérard, Journaliste de solutions

Quelles émotions et quels sentiments nous font préférer l’automobile, même lorsque cette solution n’est pas la plus pertinente ? Et comment les court-circuiter en faveur de modes de transport plus respectueux de notre atmosphère ?

« J’aime conduire. Je ne me départirais pas de mon véhicule même si un autobus passait devant chez moi toutes les deux minutes. »

« Si je me départais de mon véhicule, mon entourage me jugerait. »

Ce sont deux des dizaines de témoignages de conducteurs « auto-dépendants » recueillis en 2019 lors de l’enquête « Perceptions et mobilité durable » réalisée par Anne-Sophie Gousse-Lessard, professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, et Jérôme Laviolette, doctorant à la Chaire mobilité de Polytechnique Montréal. Tous deux membres actifs du Chantier Auto-Solo — une création de l’OBNL Jalon Montréal pour favoriser l’innovation en mobilité durable —, ils ont étudié les déterminants psychosociaux de l’attachement des Montréalais et des Montréalaises à la voiture.

Plaisir de conduire, statut social et sentiment de liberté

« Contrairement à ce que l’on croit, nos choix de modes de transport ne sont pas simplement motivés par les aspects instrumentaux ou utilitaires de ceux-ci », résume la professeure Gousse-Lessard. Le plaisir de conduire, le statut social et le sentiment de liberté dictent aussi nos choix. Il sera donc impossible de réduire l’« autosolisme » si les politiques publiques ne tiennent pas compte de ces facteurs affectifs et sociaux, concluent les auteurs de cette étude, commandée par la Commission sur le transport et les travaux publics de la Ville de Montréal.

Car remplacer tous les véhicules à essence par des automobiles électriques ne résoudra pas tous les problèmes associés au transport routier, tels la congestion ou le financement et l’entretien des infrastructures routières. Il faut aussi réduire le nombre de véhicules sur les routes. Or, la tendance ne va pas dans ce sens. Ainsi, entre 2000 et 2018, 144 250 nouveaux véhicules de promenade ont été immatriculés à Montréal, une hausse de 23 %. Durant la même période, la population adulte n’a augmenté que de 11,5 %.

Comment s’y prendre pour réduire l’utilisation de l’auto solo, qu’elle soit électrique ou à essence ? Une partie de la réponse repose sur la « segmentation psychographique ». En résumé, on regroupe les conducteurs en fonction de leurs croyances (par rapport à leur influence et à leur responsabilité), de leurs attitudes (au sujet de l’environnement) et de leurs perceptions (quant à leur capacité de changement ou au regard des autres), plutôt qu’en fonction de leur âge, de leur genre, de leur revenu ou de leur région. On peut ainsi cibler les interventions pour chacun des segments, plutôt qu’élaborer un message unique qui finalement n’atteindra qu’une minorité.

Nous ne sommes pas dépendants de la voiture de la même manière, ni avec la même intensité ou pour les mêmes raisons, rappelle Anne-Sophie Gousse-Lessard. Nous ne croyons pas tous avec la même ferveur que notre geste individuel de réduire l’auto solo a une incidence sur la crise climatique. Et ce qu’une partie de la population perçoit comme une dépendance est vu par l’autre comme un besoin. « Nos choix de style de vie définissent notre choix de mode de transport, renchérit Jérôme Laviolette. Habiter un quartier peu desservi par les transports collectifs conditionne notre recours à l’automobile. En nous y installant, nous faisons le choix d’avoir besoin d’un véhicule. »

Tirer profit des changements d’habitude

Emménager dans sa première résidence ou déménager font partie des moments de la vie où il y a des changements de nos habitudes. On perd nos repères. « On peut profiter de ces moments pour induire aussi des changements de comportement », signale la professeure Gousse-Lessard. Les villes d’Utrecht, en Allemagne, et d’Almada, au Portugal, par exemple, présentent à leurs nouveaux citoyens des solutions de mobilité autres que la voiture (marche, vélo, transports en commun) et leur offrent des titres de transport. Almada effectue la même démarche d’information auprès des parents lorsque leur enfant entre à l’école. Idem à Munich lorsque l’enfant entre au secondaire et auprès des étudiants quand ils commencent l’université.

Pour changer une habitude, il faut interpeller le citoyen au bon moment et l’accompagner de la transition à l’adoption du nouveau comportement. Le psychologue et chercheur allemand Sebastian Bamberg a mené de nombreuses études liées à la mobilité. Sa plus célèbre porte sur l’abandon de l’auto solo à Berlin. Des citoyens ont d’abord reçu de l’information par la poste. Puis ils ont fait l’objet de deux appels personnalisés, où leur interlocuteur devait cerner leurs résistances à un changement de leurs habitudes de mobilité dans le but de déconstruire leurs barrières. Cette expérience a montré que l’accompagnement individuel mène à une réduction significative de l’usage de l’automobile en faveur du transport collectif. Alors que s’en tenir à la distribution d’informations générales sur les solutions de mobilité durable suscite un taux de migration marginal. Deux des préconisations du rapport « Réussir la transition vers une mobilité durable », déposé en novembre 2020, s’inspirent d’ailleurs d’expériences comme celle de Berlin.

La Commission sur le transport et les travaux publics recommande ainsi à la Ville de Montréal de « concevoir des messages ciblés selon les divers profils validés d’habitudes de mobilité de la population montréalaise ». Et « d’accompagner de façon proactive la population montréalaise et les employeurs dans le processus de changement vers une mobilité durable, en anticipant les besoins de soutien, en développant les outils adaptés et en encourageant le télétravail ».

On choisit son mode de transport par habitude, mais aussi en se fiant à nos perceptions. « Il faut travailler sur deux fronts : rendre l’auto solo moins attractive et les autres modes de transports plus attractifs », affirme Jérôme Laviolette. Les deux chercheurs préconisent ainsi de déconstruire les perceptions erronées, en amenant les individus à lister les inconvénients de l’automobile, puis en notant dans un journal de bord le temps réel des trajets. « L’automobiliste qui arrive en retard à un rendez-vous incrimine le trafic, note Jérôme Laviolette. Il faut lui faire prendre conscience que, dans ce cas, son retard relève plutôt d’un mauvais choix de moyen de transport. »

Cet article provient d’un cahier spécial « Repenser nos transports », publié par le quotidien Le Devoir, en partenariat avec Unpointcinq.

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