Dossier spécial : Fais durer le plaisir , partie 1

La fierté et le plaisir de contrer l’obsolescence des objets

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©Leïla Jolin-Dahel
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Retombées positives générales

Réparer soi-même un objet brisé ou en créer un qui durera longtemps permet non seulement de réaliser des économies, mais aussi de réduire son empreinte environnementale. C’est une tendance qui a également des bons côtés pour l’estime de soi!

 Améliorer ses compétences manuelles permet non seulement de ne plus ressentir de l’impuissance face à l’obsolescence des choses, mais aussi de développer son autonomie. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Michael Schwartz, fondateur de l’entreprise Les Affûtés, qui propose des ateliers de réparation et de confection d’objets. « Cette amélioration des compétences peut aussi consister à apprendre à choisir les bons matériaux pour créer quelque chose qui va durer 30 ans », explique-t-il.  

Avec l’acquisition d’une plus grande autonomie naît un sentiment de fierté, constate Michael. « L’objet est peut-être différent de ce que j’aurais acheté dans un commerce, mais c’est moi qui l’ai fait », observe-t-il. D’ailleurs, de nombreuses personnes viennent aux Affûtés pour suivre des cours afin de confectionner des articles à offrir à leurs proches.   

On peut ressentir de la satisfaction, mais aussi du soulagement, croit Lucie Grévin, responsable marketing et communication chez Insertech. Cette entreprise à but non lucratif qui a pignon sur rue dans le quartier Angus, à Montréal, forme de jeunes adultes sans emploi et se spécialise dans la vente et la réparation de matériel informatique reconditionné. Parmi la clientèle, il y en a qui réussissent à réaliser d’importantes économies en faisant réparer leur équipement informatique plutôt que de débourser des milliers de dollars pour en acheter un neuf. « Ils arrivent avec un ordinateur qui contient toutes leurs données et ils ont peur de tout perdre. Le fait de pouvoir leur rendre un appareil fonctionnel les rend heureux », lance-t-elle en riant.  

Concevoir un objet soi-même ou en réparer un permet d’éprouver de la fierté grâce à la créativité, estime Pierre Plante, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Celui qui est aussi psychologue et art-thérapeute enseigne justement la créativité. « Si je perçois un objet comme un tout, je suis déçu et frustré quand ça ne fonctionne plus. Mais si je suis un peu imaginatif, je peux l’identifier non pas comme un déchet, mais voir en lui tout son potentiel », explique celui qui est également président du conseil d’administration de l’Association des art-thérapeutes du Québec.  

Michael Schwartz, fondateur de l’entreprise Les Affûtés ©Leïla Jolin-Dahel

« Personne ne se moque de quelqu’un qui ne sait pas tenir une drill »

Michael Schwartz tient à nous rassurer : nul besoin d’être déjà habile de ses mains pour s’atteler à la tâche. « Le plus difficile, c’est le premier pas. Ici, on a toujours dit que personne ne va jamais se moquer de quelqu’un qui ne sait pas tenir une drill. C’est l’incarnation de ce qu’on est », résume-t-il. Il estime qu’environ 80 % de sa clientèle est composée de novices.

Dans leurs ateliers de soudure, de travail du bois et de réparation de vêtements, Les Affûtés ont utilisé un peu plus de 80 % de matières issues de l’économie circulaire en 2023, se réjouit Michael Schwartz. En novembre dernier, l’entreprise a récupéré 4,5 tonnes de matériaux originellement destinés aux dépotoirs.

Le fondateur des Affûtés, qui a 37 ans, est d’ailleurs surpris par la diversité des gens qui participent aux ateliers. « Au début, je pensais spontanément que ce serait beaucoup des gens de ma génération, très “numériques”, mais qui ne savent rien faire de leurs mains », dit-il. Mais ses ateliers intéressent également des plus jeunes et des personnes retraitées qui désirent apprendre les rudiments des travaux manuels.

Si je perçois un objet comme un tout, je suis déçu et frustré quand ça ne fonctionne plus. Mais si je suis un peu imaginatif, je peux l’identifier non pas comme un déchet, mais voir en lui tout son potentiel.
Pierre Plante, professeur au Département de psychologie de lUniversité du Québec à Montréal (UQAM)

Dans les locaux d’Insertech ©Leïla Jolin-Dahel

 

Contrôler son écoanxiété 

Chez Insertech, la clientèle afflue des quatre coins de la métropole. Certaines personnes sont en quête d’économies et veulent sauvegarder leurs données, alors que d’autres viennent par souci de protéger l’environnement. « On a beaucoup d’écoanxieux qui apprécient le fait d’éviter de générer des déchets en achetant de l’équipement reconditionné », observe Lucie Grévin.

L’organisation vend des ordinateurs qu’elle récupère de grandes entreprises. « Ce sont des appareils plus fiables qui vont être conçus pour être facilement réparables », ajoute son collègue Saad Sebti, coordinateur marketing et développement.  

Insertech lutte aussi contre l’obsolescence des logiciels. « Les éditeurs font des programmes de plus en plus gourmands, des obésiciels qui demandent beaucoup de ressources et que des configurations plus anciennes ont du mal à supporter », dit-il.  

Or, il est possible de contourner cet enjeu en installant un logiciel neutre, comme Linux, afin de conserver le même appareil plus longtemps.  

Lucie Grévin, responsable marketing et communication et Saad Sebti, coordinateur marketing et développement chez Insertech. ©Leïla Jolin-Dahel
Lucie Grévin, responsable marketing et communication, et Saad Sebti, coordinateur marketing et développement chez Insertech. ©Leïla Jolin-Dahel

Depuis son ouverture en 1998, Insertech a d’ailleurs remis en état plus de 200 000 appareils, en majorité des ordinateurs. Depuis un an, l’entreprise reconditionne aussi des tablettes et des téléphones. En 2021-2022, ce sont 151 tonnes métriques d’ordures qui ont été détournées de l’enfouissement. De quoi réduire l’empreinte totale du Québec. Dans un rapport paru cette année, RECYC-QUÉBEC évaluait à 716 kg, le nombre de déchets générés par habitant dans la province en 2021.  

Réutiliser des objets usagés afin de créer quelque chose de nouveau est une tendance marquée au sein de la relève étudiante de Pierre Plante. Ce n’était pas le cas il y a une vingtaine d’années, croit-il. « L’écoanxiété et les enjeux environnementaux sont maintenant des sujets très fréquents chez mes étudiants et les adultes en thérapie », constate-t-il. 

 Une activité contagieuse 

Si les néophytes des travaux manuels commencent à en apprendre les bases dans un atelier, plusieurs reviennent pour diversifier leurs compétences. « Des gens arrivent par exemple pour fabriquer un objet en bois. Ensuite, ils vont se dire OK, j’ai un vêtement qui déchire, je veux être capable de le raccommoder”, illustre Michael Schwartz. Ce qui est intéressant, c’est à quel point la fierté contamine d’autres domaines. »  

C’est aussi ce que constate Saad Sebti. Insertech propose de temps en temps des « réparothons » les gens peuvent faire réparer gratuitement leurs appareils. « Ils peuvent aussi venir en magasin pour obtenir des réparations plus complexes et qui demandent plus de temps que celui alloué dans les réparothons », souligne-t-il. 

Pierre Plante abonde dans le même sens. Qu’il s’agisse de concevoir un objet en utilisant des matériaux récupérés ou en retapant un article brisé, ça donne l’envie à plusieurs de répéter l’expérience. La créativité, dit-il, « crée une forme de dépendance ». 

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