Dossier spécial : Premières Nations, premières solutions , partie 9

Le bâtisseur de ponts

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@Maxime Bilodeau
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27 janvier 2022 - Maxime Bilodeau, journaliste de l'Initiative de journalisme local

Samuel Rainville est représentatif de cette jeune génération d’autochtones qui contribuent à faire avancer les mentalités sur la cause des Premiers Peuples. Ces derniers sont d’ailleurs à l’avant-plan de l’action climatique, a-t-il plaidé lors de la COP26 en novembre 2021, à Glasgow.

Intermédiaire, réconciliateur, pédagogue : Samuel Rainville est un peu tout ça à la fois. Originaire de la communauté de Pessamit située dans la région de la Côte-Nord, ce jeune Innu qui habite aujourd’hui à Montréal porte avec éloquence la voix des 11 Premières Nations du Québec sur la place publique. Unpointcinq l’a rencontré en décembre 2021 dans un café du quartier Villeray pour discuter de la reconnaissance des réalités autochtones, de la réconciliation entre les peuples et de la lutte aux changements climatiques. Autant de sujets qui, à son avis, convergent dans une seule et même direction.

« Les nations autochtones sont, depuis des temps immémoriaux, des protectrices de leur territoire. Ça fait partie de leur identité même : c’est le lieu où elles habitent et existent dans le respect de leur culture traditionnelle », explique celui qui soufflera sous peu ses 28 bougies. Selon lui, la notion de territoire en contexte autochtone est synonyme de celle d’environnement chez les allochtones. « Ça parle d’une vision écosystémique des choses. La santé du territoire, c’est la santé du peuple », ajoute-t-il.

J’ai fini par me rendre compte qu’il y a beaucoup à faire au Québec, voire à une échelle plus locale encore en ce qui a trait aux questions autochtones.Samuel Rainville

 

Titulaire d’une attestation d’études de deuxième cycle en éducation relative à l’environnement de l’Université du Québec à Montréal, Samuel Rainville croit que la formation écocitoyenne joue un rôle déterminant dans la lutte aux changements climatiques. « Chez les Premiers Peuples, ça va encore plus loin : l’écocitoyenneté est une forme de réappropriation identitaire sur fond d’autodétermination. Le droit à la protection du territoire, qui figure dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, est central dans leurs revendications », souligne-t-il.

Samuel Rainville à la COP26 @courtoisie

Si l’approche autochtone en matière climatique diffère de l’approche allochtone, plus terre à terre et ancrée dans la science, leurs finalités se rejoignent néanmoins. « Prenons l’exemple de ma communauté d’origine et de son projet d’aire protégée autochtone, le Pipmuakan. Nous voulons sauvegarder la forêt boréale afin que le caribou y prospère », illustre Samuel Rainville. L’expansion des coupes forestières sur la Côte-Nord ne menace donc pas que le puits de carbone qu’est la forêt boréale; le mode de vie innu est aussi en danger, selon lui.

Il y a tant à faire

Samuel Rainville a manifestement une grande facilité à adopter une perspective interculturelle. Lui-même est d’ailleurs le fruit d’une union mixte. « Ma mère est innue et mon père, un Québécois, est un militaire de carrière. Mon enfance a été ponctuée de nombreux déménagements dans différentes bases au Québec et en Ontario », raconte-t-il. Comme plusieurs jeunes métissés, il a eu maille à partir avec son identité. « Aujourd’hui, j’aime dire que je suis 100 % l’un et 100 % l’autre. »

C’est vers l’âge de sept ans que Samuel Rainville s’éveille aux questions environnementales. « Un jour, mon oncle m’a fait écouter le documentaire Une vérité qui dérange d’Al Gore. Ça m’a marqué », se souvient-il. Plus tard, son parcours le mène à décrocher un baccalauréat intégré en études internationales et langues modernes à l’Université Laval. Son objectif est alors d’œuvrer en tant que travailleur humanitaire dans le monde entier au sein d’organisations non gouvernementales. « J’ai fini par me rendre compte qu’il y a beaucoup à faire au Québec, voire à une échelle plus locale encore en ce qui a trait aux questions autochtones. »

Depuis, le jeune homme ne chôme pas. En décembre 2021, il a été nommé conseiller principal aux relations avec les Premiers Peuples à l’Université de Montréal. Samuel Rainville est aussi ambassadeur pour l’organisme Mikana, qui sensibilise différents publics aux réalités et perspectives des peuples autochtones, et il est membre du comité autochtone de la Société du parc Jean-Drapeau. De plus, il siège aux conseils d’administration de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) et du Réseau de la communauté autochtone à Montréal.

En novembre dernier, il faisait partie de la délégation canadienne à la COP26 de Glasgow, en Écosse. Son rôle était de sensibiliser les décideurs internationaux aux droits autochtones, lesquels sont mis à mal par les bouleversements climatiques. Dans certains cercles de gauche, on parle même de « racisme environnemental » pour décrire les effets disproportionnés qu’ont les changements climatiques sur les Premiers Peuples aux quatre coins du globe.

Samuel Rainville à la COP26 @courtoisie

« Il est urgent de mettre en place des mécanismes d’évaluation de ces impacts, explique-t-il. Il faut savoir les évaluer pour ensuite pouvoir mettre la table pour des compensations financières. On ne demande pas ces sommes pour le plaisir. Il y a déjà des dégâts immenses qui sont dus aux agissements des pays les plus riches [NDLR : qui ont une contribution historique majeure aux changements climatiques depuis la révolution industrielle]. Et les Premières Nations sont parmi les principales victimes [de cette injustice]. C’est un héritage bien tangible de la colonisation. Nous sommes dans des questions de droits de la personne de base, dans des principes d’équité fondamentaux, pas dans un agenda de développement économique. »

Le poids des gestes individuels

Comment se sent-on après avoir pris part à ce que la militante suédoise Greta Thunberg a qualifié avec dérision de « bla bla »? Privilégié, soutient sans sourciller Samuel Rainville. « C’est une chance incroyable d’avoir rencontré les ministres de l’Environnement du Québec et du Canada lors de tels forums. Maintenant, il faut poursuivre les discussions entamées là-bas », fait valoir celui qui plaide pour la formation de comités consultatifs jeunesse sur le climat à tous les paliers de gouvernement, aussi bien municipal et provincial que fédéral.

En attendant, Samuel Rainville a l’intention de continuer à travailler en coulisses. Le militantisme et le pouvoir, très peu pour lui, même s’il a du respect pour ceux et celles qui s’y identifient. « Je fais déjà de la politique, mais pas dans les canaux traditionnels, estime-t-il. À titre de citoyens et citoyennes, nous avons tous et toutes un pouvoir politique, celui de nourrir l’action collective par nos gestes individuels. Pas besoin d’avoir une tribune dans les médias ou un siège à l’Assemblée nationale pour se relever les manches et passer à l’action. »

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