Dossier spécial : Après l'adaptation, le beau temps , partie 6

Le saumon, allié de L’Anse-Saint-Jean face aux changements climatiques

Johan Bérubé, du Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).
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Johan Bérubé, du Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). ©Guillaume Roy
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28 juillet 2023 - Guillaume Roy, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

En se dotant d’un plan d’adaptation aux changements climatiques, la municipalité de L’Anse-Saint-Jean a misé sur l’acceptabilité sociale pour rassembler des partenaires autour d’un projet commun. Au fil de l’eau, elle s’est même trouvé un allié de taille pour l’aider à restaurer la rivière Saint-Jean : le saumon!

La rivière Saint-Jean coule paisiblement au fond de son lit en ce mois de mai plutôt sec. Mais, le spectacle est tout autre au printemps, quand la fonte des neiges fait gonfler le niveau de ce cours d’eau.

« Des embâcles se forment fréquemment et, à quelques reprises, on a failli perdre le pont couvert, une infrastructure patrimoniale », explique Réjean Fortin, chargé de projet et consultant en développement durable et changements climatiques pour la municipalité de L’Anse-Saint-Jean.

Il ajoute que le déluge de 1996 a laissé sa marque sur le territoire : les inondations de l’époque avaient en effet dévasté une partie du village. La réponse à cet épisode avait alors consisté à enrocher les berges de la rivière Saint-Jean, c’est-à-dire à les renforcer à l’aide de grosses pierres pour éviter qu’elle ne sorte de son lit.

C’était une réponse démesurée, estime maintenant Johan Bérubé. « La rivière n’est plus en très bonne santé », souligne celui qui est professionnel de recherche au Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée (LERGA) à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et résident de L’Anse-Saint-Jean depuis quelques années.

Aujourd’hui, 71 % des berges sont enrochées sur une distance de 13 km entre un barrage vétuste, situé en amont, et le fjord du Saguenay, en aval. Résultat : le processus de sédimentation naturel de la rivière est maintenant très dégradé.

« En fait, le barrage crée une barrière dans le transit sédimentaire d’une part et, d’autre part, l’enrochement réduit l’érosion, explique le chercheur. Les sédiments qui sortent du système par l’érosion côtière ne sont donc pas renouvelés. »

En temps normal, la rivière apporte des sédiments vers les plages situées à son embouchure, sur les rives du fjord, offrant ainsi à la côte une meilleure protection contre les vagues. Avec les tempêtes plus fréquentes et le couvert de glace plus tardif, les risques augmentent, alors même que les processus de défense naturels s’amenuisent.

Enrochement des berges de la rivière Saint-Jean.
Enrochement des berges de la rivière Saint-Jean. ©Guillaume Roy

 On a commencé par faire un énorme travail de concertation, en rencontrant les groupes communautaires, la maison des jeunes, les acteurs touristiques et économiques.

Réjean Fortin, chargé de projet et consultant en développement durable et changements climatiques pour la municipalité de L’Anse-Saint-Jean

Rassembler les forces

Depuis 2018, la municipalité réfléchit aux stratégies d’adaptation qu’elle pourrait mettre en œuvre face à ces changements climatiques. À l’époque, Bernard Larouche, directeur du développement de L’Anse-Saint-Jean, avait soumis la candidature de la municipalité au Programme de la Fédération canadienne des municipalités et obtenu du financement pour engager une ressource à plein temps. « L’embauche de Réjean Fortin, explique-t-il, nous a permis de mobiliser les citoyens et de créer des effets de levier pour lancer le plan d’adaptation aux changements climatiques. »

« On a commencé par faire un énorme travail de concertation, en rencontrant les groupes communautaires, la maison des jeunes, les acteurs touristiques et économiques », décrit Réjean Fortin, lors d’une entrevue au Café du quai, juste en face de la marina de L’Anse-Saint-Jean.

Le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, le parc national du Fjord-du-Saguenay, l’Organisme de bassin versant du Saguenay, Stratégies Saint-Laurent, le Comité Zone d’intervention prioritaire (ZIP) Saguenay-Charlevoix et l’UQAC ont également été sollicités pour former un comité scientifique d’adaptation capable de chapeauter l’avancement des travaux du plan d’adaptation. « Le travail de consultation avec les élus a aussi été super important pour qu’ils embarquent dans le projet », précise Réjean Fortin.

Et c’est ainsi que le plan d’adaptation aux changements climatiques a été adopté, en décembre 2020.

« L’ensemble de la collectivité a participé », souligne le maire Richard Perron, qui était conseiller municipal à l’époque. Il rappelle que les rencontres citoyennes ont réussi à rejoindre 25 % de la population du village, qui compte 1285 âmes, favorisant l’acceptabilité sociale, étape essentielle pour réaliser de grands changements.

Le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent s’est embarqué dans l’aventure. « Les impacts des changements climatiques se feront aussi sentir sur nos infrastructures, remarque Chloé Bonnette, responsable au partenariat du parc et ancienne conseillère municipale à L’Anse-Saint-Jean. C’était une belle opportunité pour partager l’expertise, notamment en ce qui a trait à la modélisation de la montée des eaux. »

Le saumon à la rescousse

Pour rendre la municipalité plus résiliente face aux changements climatiques, il faut restaurer les processus de défense naturels de la rivière, précise Johan Bérubé. Pour y parvenir, L’Anse-Saint-Jean s’est trouvé un allié inespéré : la Fédération québécoise du saumon de l’Atlantique (FQSA).

« Il ne reste qu’une centaine de saumons dans la rivière Saint-Jean, explique Myriam Bergeron, la directrice générale de la FQSA. Et la mauvaise santé de la rivière affecte l’habitat et les sites de reproduction du saumon et sa résilience face aux changements climatiques. » La protection du saumon a permis de lever des fonds : « On a réussi à trouver 800 000 $ pour restaurer la rivière », se réjouit-elle.

Une partie de ce montant sera investi pour revégétaliser les berges. Une autre a servi à financer des études portant sur la caractérisation des berges et la destruction du vieux barrage. « On veut voir si on ne pourrait pas désenrocher et peut-être même enlever le barrage pour restaurer le processus de sédimentation, ce qui permettrait d’avoir une rivière en santé et d’assurer de bons habitats pour le saumon », précise la directrice. Elle ajoute que des discussions sont en cours avec le ministère des Transports du Québec, devenu propriétaire de plusieurs terrains après le déluge du Saguenay, afin d’inclure le désenrochement comme projet de compensation environnementale dans les normes du ministère.

Un autre projet pourrait être financé par la FQSA : « Pour simplifier l’écoulement de l’eau, on veut reconnecter un bras de rivière qui a été coupé à la suite du déluge de 1996 », explique Johan Bérubé. L’objectif serait de redonner de l’espace à la rivière pour qu’au printemps elle puisse déborder sans causer de dommages. Un tel projet d’aménagement résilient n’a jamais été réalisé au Québec, selon ce dernier.

Réjean Fortin, chargé de projet et consultant en développement durable et changements climatiques pour la municipalité de L’Anse-Saint-Jean et Johan Bérubé, du Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). ©Guillaume Roy
Réjean Fortin, chargé de projet et consultant en développement durable et changements climatiques pour la municipalité de L’Anse-Saint-Jean et Johan Bérubé, du Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). ©Guillaume Roy

Ressources limitées mais bien utilisées

Malgré sa petite taille et ses ressources limitées à l’interne, la municipalité de L’Anse-Saint-Jean a su s’entourer d’une bonne équipe de spécialistes des bons experts et expertes et s’appuyer sur les meilleures connaissances disponibles. Le travail a été si bien ficelé que L’Anse-Saint-Jean a remporté le prix Avenir climat de l’Union des municipalités du Québec, devant Victoriaville, Québec et Montréal. « Même si on est une petite municipalité, on peut réaliser des grandes choses », conclut fièrement Réjean Fortin.

Les solutions fondées sur la nature 

Du 2 au 6 octobre 2023 au Palais des congrès de Montréal et sous l’impulsion d’Ouranos, consortium en climatologie, plus de 1500 membres de la communauté de l’adaptation aux changements climatiques venant du monde entier se réunissent pour partager leurs connaissances sur les défis et les opportunités de l’adaptation. C’est l’événement Adaptation futures 2023.

Voici une sélection de conférences, en anglais, consacrées aux solutions fondées sur la nature. Pour la programmation complète, c’est par là

  • Making nature count for adaptation – Global, national and local action to value services provided by nature – INTACT Centre, Ouranos
    Mercredi 4 de 8h30 à 10h 
  • Accelerating and scaling nature as a solution for equitable climate adaptation – The Nature Conservancy
    Mercredi 4 de 10h30 à 12h 
  • Climate action and innovation on nature Based solutions and equity in Canadian municipalities – FCM
    Mercredi 4 de 16h à 17h30
  • Shaping the future of Nature-based Solutions for Adaptation – Parks Canada
    Jeudi 5 de 14h à 15h30

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