Dossier spécial : Après l'adaptation, le beau temps , partie 3

La communauté anishnabe de Lac-Simon à l’heure de l’adaptation

Morilles, chanterelles, cœurs de quenouilles et épices boréales : le projet de cueillette du Département des ressources naturelles de la communauté anishnabe de Lac-Simon permet aux jeunes de gagner quelques dollars et surtout de renouer avec le territoire.
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Morilles, chanterelles, cœurs de quenouilles et épices boréales : le projet de cueillette du Département des ressources naturelles de la communauté anishnabe de Lac-Simon permet aux jeunes de gagner quelques dollars et surtout de renouer avec le territoire.

29 septembre 2023 - Émilie Parent-Bouchard, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Les aires protégées d’initiative autochtone (APIA) pourront non seulement contribuer à atteindre l’objectif de protection de 30 % du territoire d’ici 2030, mais aussi perpétuer de précieux savoirs susceptibles de faciliter l’adaptation aux changements climatiques. Unpointcinq s’est rendu dans la communauté de Lac-Simon, en Abitibi, où une aire protégée nouveau genre est en gestation.

Photos : Émilie Parent-Bouchard

Munis d’une machette et vêtus de combinaisons utilisées d’ordinaire pour la pêche à la mouche, de jeunes adultes de la communauté anishnabe de Lac-Simon arrachent des quenouilles d’un coup sec, de manière à ce que la racine bien ancrée dans le marécage puisse produire une nouvelle tige. Leur objectif? Approvisionner la distillerie Alpha Tango, qui confectionnera son gin Bravo Charlie à l’aide de cette précieuse ressource, et surtout permettre aux membres de la communauté de se familiariser avec un aliment boréal qui ne fait pas partie des aliments traditionnels des Anishnabe.

« Beaucoup de monde voulait retourner sur le territoire. La nouvelle génération surtout, elle se dit : j’ai un territoire familial millénaire, je veux réapprendre. On a été mis sur une réserve et ils ont essayé de nous assimiler. Il y a eu une rupture. On essaie de réinstaurer la chaîne, le maillon du territoire », explique Ronald Brazeau, directeur par intérim du Département des ressources naturelles de la communauté anishnabe de Lac-Simon.
« Beaucoup de monde voulait retourner sur le territoire. La nouvelle génération surtout, elle se dit : j’ai un territoire familial millénaire, je veux réapprendre. On a été mis sur une réserve et ils ont essayé de nous assimiler. Il y a eu une rupture. On essaie de réinstaurer la chaîne, le maillon du territoire », explique Ronald Brazeau, directeur par intérim du Département des ressources naturelles de la communauté anishnabe de Lac-Simon.

« C’est comme une texture de cœur de palmier et un goût de concombre, décrit Ronald Brazeau, directeur par intérim du Département des ressources naturelles de cette communauté située à proximité de Val-d’Or. Il y en a qui pensent qu’il faut attendre que les “pogos” sortent, mais non, ça devient trop coriace. Ça ne dure que quelques jours. »

Déjà, en cette fin juin, la fenêtre de cueillette se referme. Les cœurs de quenouilles encore tendres seront proposés aux membres de la communauté à l’occasion d’une dégustation. Quant aux morceaux plus fibreux, ils seront infusés pour donner un goût herbacé au gin de Daniel Corriveau, un ami avec qui Ronald Brazeau a déjà travaillé en foresterie et grâce à qui l’initiative peut générer certains revenus.

« J’essaie d’éduquer la communauté, de faire déguster. C’est un rapport à la terre, un jardin naturel. On a ciblé cinq produits qui ne sortent pas tous en même temps. Là, ce sont les quenouilles, après ce sera la comptonie voyageuse. À long terme, ce serait de faire des partenariats avec des organismes, de petites entreprises du secteur alimentaire ou des microbrasseries. C’est de voir ce que la terre peut produire avec le climat changeant », fait-il valoir, ajoutant les champignons et autres produits forestiers non ligneux (PFNL) à la liste.

Les tiges de quenouilles sont coupées pour ne conserver que le cœur de la plante, qui peut être mariné ou utilisé tel quel dans des salades.
Les tiges de quenouilles sont coupées pour ne conserver que le cœur de la plante, qui peut être mariné ou utilisé tel quel dans des salades.

Une vision écosystémique du territoire

Si ces cadeaux du terroir boréal font lentement leur entrée dans l’assiette des Anishnabe, ils sont aussi la plus récente expression d’une réappropriation, d’une volonté de retour au territoire, fait valoir Danny Bisson, consultant en géomatique qui accompagne Lac-Simon par la confection de cartes répertoriant les ressources au potentiel alimentaire ou utiles à la confection d’artisanat.

En plus d’accroître la résilience aux changements climatiques grâce à la diversification des produits cueillis, ces nouveaux savoirs alimenteront un projet que la communauté caresse depuis plus de 20 ans, celui d’une zone forestière et faunique récréotouristique – c’est ainsi qu’elle désigne l’aire protégée.

« En une journée, on pourrait facilement ramasser 30 kilos de cœurs de quenouilles. Sauf que je ne suis pas là pour raser, fait valoir Ronald Brazeau, directeur par intérim du Département des ressources naturelles de Lac-Simon, insistant sur le caractère durable de la ressource. On suit le chenal depuis 4 ou 5 ans. On sait que si on l’entretient, c’est comme un jardin, on peut revenir toutes les années. »
« En une journée, on pourrait facilement ramasser 30 kilos de cœurs de quenouilles. Sauf que je ne suis pas là pour raser, fait valoir Ronald Brazeau, directeur par intérim du Département des ressources naturelles de Lac-Simon, insistant sur le caractère durable de la ressource. On suit le chenal depuis 4 ou 5 ans. On sait que si on l’entretient, c’est comme un jardin, on peut revenir toutes les années. »

Le projet est d’autant plus important que les effets des changements climatiques et l’exploitation des ressources exercent une pression accrue sur les espèces dites traditionnelles, comme l’a tristement montré la destruction de l’habitat de la harde de caribous forestiers de Val-d’Or, poursuit-il. « Le fait que les communautés n’ont eu aucun bleuet à cueillir en forêt il y a deux ans à cause du gel tardif, c’est majeur pour eux, pour leur culture, leur consommation. Pour les trappeurs, la fourrure est dégradée. Pour les chasseurs – et les Blancs ont le même problème –, il fait tellement chaud pendant les périodes de chasse que les gens perdent la viande », énumère-t-il.

Ne pas mettre le territoire sous une cloche de verre

S’il salue l’idée de désigner des aires protégées d’initiative autochtone (APIA), Danny Bisson insiste sur l’importance de ne pas voir ces territoires comme des endroits mis sous des « cloches de verre », où toute forme de prélèvements de ressources serait proscrite.

« Le but, c’est d’avoir un territoire où les communautés savent que la grande industrie, forestière ou minière, ne va pas débarquer pour le vider. Leur vision, c’est d’avoir au moins une cogestion pour être capables d’utiliser ce territoire à leur façon. Il pourrait y avoir du tourisme, des projets récréatifs et de recherche, peut-être même un type de foresterie différente », illustre-t-il.

Le chercheur et professeur à l’École d’études autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) Sébastien Brodeur-Girard abonde dans le même sens, insistant sur l’importance de prendre en considération les connaissances de ce peuple établi en Abitibi depuis plus de 8000 ans. « Je donne l’exemple de la négociation du moratoire sur la chasse à l’orignal. À l’origine, ce sont les communautés qui disaient qu’il y avait une diminution de l’orignal sur le territoire. Le ministère [à l’époque des Forêts, de la Faune et des Parcs] disait : on n’a pas de statistiques, ce sont juste vos impressions. Avec les pressions, un inventaire a été fait et les “impressions” des Autochtones ont été validées. On se serait épargné bien des tensions s’il y avait eu une écoute plus active de la part du ministère », illustre-t-il.

« L’enjeu, c’est que les acteurs institutionnels sont trop figés dans leurs manières de faire et leur vision des choses. On revient à la fameuse discrimination systémique, au fait que le système est conçu de manière à ne pas tenir compte des réalités autochtones », poursuit le chercheur.

Au début du mois de juin 2023, Lac-Simon a dû être évacuée en raison des feux de forêt qui menaçaient la communauté. La situation témoigne de manière frappante de la vulnérabilité des communautés autochtones aux effets des changements climatiques. Plusieurs projets sont d'ailleurs en cours dans la communauté anishnabe pour améliorer sa résilience face aux perturbations du climat.
Au début du mois de juin 2023, Lac-Simon a dû être évacuée en raison des feux de forêt qui menaçaient la communauté. La situation témoigne de manière frappante de la vulnérabilité des communautés autochtones aux effets des changements climatiques. Plusieurs projets sont d'ailleurs en cours dans la communauté anishnabe pour améliorer sa résilience face aux perturbations du climat.

Une foresterie à petite échelle

En marge de la COP 15 sur la biodiversité, organisée à Montréal en décembre 2022, le gouvernement fédéral a annoncé l’octroi d’un million de dollars sur quatre ans à Lac-Simon pour la préparation de son projet d’aire protégée. Mais la communauté hésite encore à en dévoiler l’emplacement, par crainte de se faire damer le pion par des intérêts économiques, dans le secteur des mines notamment. « La communauté travaille activement sur le projet, mais attend désormais [un appel à projet de] Québec* », précise Danny Bisson.

Ronald Brazeau croit qu’il serait sage de prêcher par l’exemple, de démontrer qu’une « foresterie à petite échelle » pourrait cohabiter avec l’aire protégée. « C’est comme un jardin, tu enlèves les mauvaises herbes, tu récoltes ce qui est mûr. Moi, je le vois de même : tu n’es pas supposé saccager ton jardin mais l’entretenir ! » Ce que permettrait l’aire protégée.

* Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs, n’a pas répondu à notre demande relative à un éventuel appel de projets pour des aires protégées d’initiative autochtone.

Des enfants de Lac-Simon profitent de la fraîcheur du lac qui donne son nom à la communauté située à une trentaine de kilomètres de Val-d'Or.
Des enfants de Lac-Simon profitent de la fraîcheur du lac qui donne son nom à la communauté située à une trentaine de kilomètres de Val-d'Or.

Les savoirs autochtones

Du 2 au 6 octobre 2023 au Palais des congrès de Montréal et sous l’impulsion d’Ouranos, consortium en climatologie, plus de 1500 membres de la communauté de l’adaptation aux changements climatiques venant du monde entier se réunissent pour partager leurs connaissances sur les défis et les opportunités de l’adaptation. C’est l’événement Adaptation Futures 2023.

Voici une sélection de conférences, en anglais, consacrées aux savoirs autochtones. Pour la programmation complète, c’est par là.

Advancing First Nations climate leadership: Case stories from the National, Territorial, and Provincial level – Assemblée des Premières Nations
Mardi 3 de 11 h à 12 h 30 

Adaptation for a climate resilient North: Amplifying local voices in pursuit of northern-based solutions – Gouvernement du Nunavut, Territoires du Nord-Ouest, Yukon
Mercredi 4 de 8 h 30 à 10 h 

The Climate Atlas of Canada: Weaving Indigenous and Western knowledges to advance applied adaptation – Prairie Climate Centre, Pacific Institute for Climate Impacts
Mercredi 4 de 11 h à 12 h 30 

The role of local and indigenous knowledge systems in climate change adaptation: Case studies
Jeudi 5 de 14 h à 15 h 30 et de 16 h à 17 h 30 

Applying Indigenous knowledge to climate change adaptation action across sectors — Panel discussion on best practices and lessons learned – Partenaires autochtones, Gouvernement du Canada
Vendredi 6 de 8 h 30 à 10

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