Dossier spécial : Après l'adaptation, le beau temps , partie 5

La biodiversité est dans ma cour!

Couple dans les tournesols
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Éric Normandeau et Bérénice Bougas ©Simon Diotte
Created with Lunacy 5 min

18 septembre 2023 - Simon Diotte, Coureur des bois dans l'âme

De plus en plus de Québécoises et de Québécois brisent la monoculture du gazon et ramènent la vie sauvage sur leur terrain en plantant des végétaux pollinisateurs, des arbres et des arbustes et en laissant des zones en friche. Une tendance qui a de gros avantages écologiques et climatiques. Unpointcinq fait le tour du jardin.

« Tondeuse, coupe-bordure et barbecue. » Voilà en quelques mots comment Éric Normandeau résume son ancien mode de vie de banlieusard.

Avec sa conjointe, Bérénice Bougas, il a acquis en 2015 un bungalow typique de banlieue dans l’arrondissement de Sainte-Foy, à Québec. Dans sa nouvelle maison, le propriétaire reproduit alors à la perfection le mode de vie de sa jeunesse lévisienne. « Le gazon occupait presque la totalité du terrain, gazon que je coupais toutes les semaines », raconte-t-il. Si Éric Normandeau consent à creuser un petit potager pour son amoureuse, c’est à condition qu’il ne s’en occupe pas. Quant à Bérénice Bougas, elle enlève les pissenlits à la tonne afin de se conformer à l’idéal nord-américain. « C’était coûteux en énergie et ça contredisait mes valeurs de biologiste », avoue-t-elle candidement.

Les Fidéens vivent alors un conflit intérieur entre leurs valeurs environnementales et leur mode de vie banlieusard. « Nous rêvions de grande nature, d’un chalet au bord d’un lac. Mais en même temps, nous étions conscients de notre impact environnemental. Nous ne voulions pas posséder un chalet et faire des kilomètres en voiture chaque semaine », témoigne Éric Normandeau, aujourd’hui dans la jeune quarantaine.

Un jour, le père de 2 enfants de 6 et 9 ans vit, selon ses mots, une épiphanie. « En me reposant dans ma cour auprès d’un arbre, je réalise que la nature peut être transplantée en banlieue sur les terrains privés, là où il y a de la place en masse », constate-t-il. Bérénice n’attendait que cela depuis longtemps, voulant aussi transformer sa cour depuis un bail.

À partir de ce moment, le couple de biologistes se retrousse les manches et s’informe sur les options de remplacement du gazon. À l’automne 2019, un bout de gazon disparaît. En 2020, ce professionnel et cette professionnelle de recherche à l’Université Laval passent à la vitesse grand V en transformant leur cour avant et arrière en oasis de biodiversité et en jardin nourricier. Bleuetiers, noisetiers, framboisiers, cognassiers, amélanchiers et bien plus occupent l’espace normalement dévolu à la pelouse.

Depuis, la biodiversité revient au galop. « Ça bourdonne comme jamais chez nous. Preuve qu’on n’a pas besoin d’en faire beaucoup pour donner un coup de pouce à la biodiversité », se réjouit Éric Normandeau. Les avantages d’une vie presque sans pelouse sont multiples pour la petite famille : terrain plus frais, évitant les besoins en climatisation; productions en abondance de fruits et légumes et aire de jeux naturelle pour les enfants. « En plus, nous faisons nos tisanes maison », dit Bérénice Bougas, l’experte en semis.

Couple dans son jardin avant
Éric Normandeau et Bérénice Bougas ©Simon Diotte

Au secours de la biodiversité

Face à la crise de la biodiversité, à l’augmentation de la température qui accentue l’effet des îlots de chaleur, aux problèmes de sécheresse et aux pluies diluviennes qui reviennent de plus en plus fréquemment, des propriétaires, toujours en plus grand nombre, veulent faire leur part. Bye-bye, gazon vert! Ils et elles ramènent la nature en milieu urbain afin de profiter de ses services écologiques. Leurs armes de prédilection : plantes pollinisatrices et indigènes, arbres fruitiers et généreux potagers. Cette petite révolution paysagère ne se passe pas uniquement dans la cour arrière, à l’abri des regards, mais aussi en façade, changeant peu à peu l’image de la banlieue.

Il n’existe pas de statistiques sur ce phénomène, lequel prend tout de même certainement de l’ampleur, encouragé par des villes comme Montréal qui adoptent la tendance du urban rewilding. « On voit que de plus en plus de propriétaires participent au mouvement Mai sans tondeuse, qui vise à ne pas couper la pelouse pendant cette période critique pour les pollinisateurs. Les gens sont de plus en plus ouverts à ce nouveau discours », constate Émilie Lapointe, biologiste et coordonnatrice de Canopée et biodiversité Saguenay.

Les études démontrent que les aménagements écologiques apportent un réel bienfait pour la biodiversité. Par exemple, une méta-analyse menée par un professeur de l’Université du Québec à Trois-Rivières prouve que le simple fait de laisser le gazon plus long favorise la diversité des invertébrés et des plantes en milieu urbain.Pascal Côté, biologiste à Conservation de la nature Canada

La fin d’un règne

Les gens souhaitant mettre fin au règne du gazon, fruit d’une culture dépassée, sont en nombre grandissant. Aux États-Unis, le professeur d’entomologie Doug Tallamy pilote le projet Homegrown National Park, qui vise à transformer les terrains privés en supports à la biodiversité et puits de carbone. Au Canada, on associe la fin du gazon à la décolonisation du pays, le couvre-sol étant le produit de la culture anglo-saxonne dominante.

La tendance à la renaturalisation arrive à point nommé pour la biodiversité, qui subit un déclin sans précédent à travers le monde. « Les études démontrent que les aménagements écologiques apportent un réel bienfait pour la biodiversité. Par exemple, une méta-analyse menée par un professeur de l’Université du Québec à Trois-Rivières prouve que le simple fait de laisser le gazon plus long favorise la diversité des invertébrés et des plantes en milieu urbain », soutient Pascal Côté, biologiste à Conservation de la nature Canada. Même son de cloche en Allemagne, où on remarque une augmentation rapide des insectes avec la plantation de fleurs sauvages sur les saillies de trottoir. « Les insectes peuvent recoloniser de très petits espaces », avance Pascal Côté.

Selon un rapport du C40, un regroupement de villes – incluant Montréal – qui s’engage à lutter contre le dérèglement climatique, le reverdissement urbain augmente le captage de carbone, accentue la résilience des villes face aux changements climatiques, filtre les polluants, apporte des bienfaits sur la santé mentale, freine la propagation des espèces envahissantes et encourage le retour de la faune en milieu urbain. Rien que ça!

Alain Paquette, professeur de sciences biologiques à l’UQAM et titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine, pense que l’aménagement écologique en milieu urbain est l’action environnementale ayant le plus fort impact écologique que peut produire individuellement un citoyen ou une citoyenne. « À l’inverse, il ne faut pas sous-estimer le coût environnemental de la pelouse parfaite, qui nécessite du carburant pour la tonte, des engrais chimiques et beaucoup d’eau », fait-il remarquer.

Lire aussi : Bye bye tondeuse!

Moins de gazon, plus d’interactions sociales

Propriétaire d’une unifamiliale depuis deux ans dans le quartier Pont-Viau, à Laval, Francis C. Cardinal mène aussi sa petite guerre à la pelouse. Petit à petit, le gazon disparaît, les plantes et les arbres prennent le relais. Le potager produit en abondance. Le tout devient un terrain de jeu pour sa fille. « On fait la chasse aux insectes. On apprend beaucoup! » lance-t-il. L’un des avantages d’un aménagement plus écologique, ce sont les rencontres. « Le jardinage crée beaucoup d’occasions de socialiser. Je partage des trucs avec des voisins. Je fais aussi des échanges des surplus de légumes et de semis », dit-il.

Francis C. Cardinal pousse le concept à son maximum en compostant la majorité des déchets issus du jardinage et des repas dans ses compostières. « Le compost me sert ensuite d’engrais, ce qui évite l’achat de fumier de mouton dans des sacs de plastique. Finalement, je vise à réduire mon impact environnemental au maximum », affirme cet employé d’Espace pour la vie.

Ce dernier voit que le monopole du gazon s’effrite dans son voisinage. Même constat à Sainte-Foy. « Peu à peu, les voisins plantent des arbres et recommencent à faire des potagers », constatent Éric Normandeau et Bérénice Bougas, qui partagent le fruit de leur expérience sur leur site Internet. Peut-être sont-ils et elles inspirés par ces acteurs et actrices de changement?

Francis Cardinal et Léon dans la cour avant
Francis C. Cardinal et Léon dans la cour avant ©Simon Diotte

Se lancer dans un aménagement plus écolo

Nos jardiniers Éric, Bérénice et Francis suggèrent d’y aller progressivement. D’expérimenter. De lire et de s’informer. Alain Paquette, professeur de sciences biologiques à l’UQAM, suggère de commencer en participant au Défi pissenlits en mai. « Les gens réalisent qu’en ne coupant pas leur gazon, ce n’est pas pire que cela. C’est une façon d’apprivoiser le changement », pense ce Lavallois.

Si on n’a pas les connaissances ou le désir de tout faire de façon indépendante, il est possible de faire appel à des gens ayant l’expertise nécessaire, comme des architectes-paysagistes. Par exemple, Nouveaux Voisins ou Friche Atelier, une firme de Montréal, accompagnent les propriétaires qui veulent des cours plus écologiques. « On les amène à conserver le gazon seulement là où il est utile, comme les aires de jeu. Pour nous, le gazon n’a aucune valeur ornementale. On n’en dispose jamais en façade », explique Jean-Jacques Yervant, architecte et associé de Friche Atelier.

Experts et expertes de cette firme suggèrent de créer des zones d’ambiance. « La beauté des aménagements écologiques, c’est que leur apparence change au gré de la saison, en fonction des périodes de floraison. C’est comme un tableau vivant », évoque Jean-Jacques Yervant. « On privilégie les vivaces plutôt que les annuelles, qui génèrent beaucoup de déchets chaque année, comme les pots de plastique et les contenants en styromousse », affirme Frédérique Allard, fondatrice de Friche Atelier.

Au bout du compte, vous risquez de profiter de votre cour tout autrement. « Je ne ressens même plus le besoin d’avoir un chalet », révèle Éric Normandeau. La nature en ville, ce n’est pas une chimère, seulement la fin du culte du parfait gazon vert.

Friche Atelier
Réalisation de Friche Atelier pour une maison sur le Plateau Mont-Royal.©Maxime Brouillet

Aménagements écologiques : est-ce permis?

Auparavant, la réglementation municipale était souvent très stricte sur les aménagements paysagers en cour avant. Le gazon court était de mise, et plusieurs municipalités interdisaient les potagers en façade et les herbes trop hautes. Cependant, les choses changent. Par exemple, la Ville de Québec permet des potagers en cour avant et préconise les solutions de rechange écologiques au gazon. La Ville de Laval promeut entre autres les jardins fleuris afin de remplacer la pelouse.

Toutefois, d’autres municipalités possèdent encore des règlements progazon court. C’est le cas à Alma, dont l’article 9 de son règlement 1001-21 sur les nuisances spécifie : « Le fait de laisser pousser des broussailles ou de l’herbe jusqu’à une hauteur de deux pieds ou plus, constitue une nuisance et est prohibé. »

Avant de virer de bord le gazon, informez-vous avant auprès de votre Municipalité.

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