Dossier spécial : Premières Nations, premières solutions , partie 2

Transition énergétique par et pour les Inuits

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Quaqtaq © Hydro-Québec

07 mars 2022 - Maxime Bilodeau, journaliste de l'Initiative de journalisme local

Les Inuits du Nunavik ont beau subir de plein fouet la crise climatique, ils ne peuvent se passer des énergies fossiles. Pour remédier à ce paradoxe, Les Énergies Tarquti prennent le contrôle du développement à long terme des énergies renouvelables au nord du 55e parallèle.

Les températures moyennes au Nunavik pourraient grimper de plus de 4 °C par endroit d’ici la fin du siècle selon Ouranos, un consortium d’innovation sur la climatologie régionale. Nulle part ailleurs au Québec le réchauffement du climat ne sera aussi marqué. Pourtant, les 14 communautés inuites sont approvisionnées en électricité par de petites centrales thermiques au diesel qui constituent l’un des réseaux dits « autonomes » d’Hydro-Québec, parce qu’ils ne sont pas reliés au réseau principal de la société d’État.

« Les Inuits sont aux premières loges des changements climatiques. Les automnes sont plus longs que jamais dans l’Arctique québécois, les glaces tardent à s’y installer, les accumulations de neige y sont beaucoup plus importantes en hiver, ce qui a un impact sur les activités traditionnelles comme la chasse », explique Joë Lance, directeur des stratégies organisationnelles des Énergies Tarquti (prononcer « tar-kou-ti »).

Nous avons démontré que le stockage thermique souterrain peut être implanté dans le Grand Nord du Québec. Nous en sommes maintenant à l’étape des projets de démonstration.Jasmin Raymond, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et titulaire de la Chaire de recherche sur le potentiel géothermique du Nord

Fondée en 2017, cette entreprise 100 % inuite – ses deux seuls actionnaires sont la Société Makivik et la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec – a pour mission de piloter la transition énergétique du Nunavik, un projet axé sur les énergies renouvelables.

Ce vaste chantier s’inscrit dans une quête d’autonomie de la part des quelque 12 000 Inuits. Au terme de cette nouvelle étape de décolonisation, ils auront brisé les chaînes de leur dépendance à des énergies provenant du Sud et des préoccupations qui leur sont associées, comme les déversements de produits pétroliers.

« Les Inuits souhaitent être des acteurs plutôt que des victimes dans cette histoire », fait valoir Joë Lance, qui travaille depuis 25 ans avec ces communautés – ses trois enfants sont nés au Nunavik. « Leur responsabilité dans la crise climatique est quasi inexistante; les émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) du Nunavik équivalent à celles d’une semaine de transport sur l’île de Montréal! », estime-t-il en se basant sur plusieurs études.

Une question de vie ou de mort

Mettre en branle des projets énergétiques novateurs au nord du 55e parallèle n’est pas une mince tâche. Les Inuits du Nunavik vivent dans 14 villages côtiers bordant la baie d’Hudson, le détroit d’Hudson et la baie d’Ungava. Séparés les uns des autres par des centaines de kilomètres, ces hameaux sont isolés du reste du monde; seuls les avions de la compagnie aérienne Air Inuit les relient. Lors des longs hivers arctiques, pendant lesquels la température ressentie peut atteindre -50 °C, il est impossible pour ces communautés de se passer de chauffage. C’est une question de vie ou de mort.

 

Les petites centrales thermiques qui fournissent de l’électricité à Kuujjuaq brûlent quelque 54 000 litres de diesel chaque année, indique une étude de Jasmin Raymond, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et titulaire de la Chaire de recherche sur le potentiel géothermique du Nord. « Ce n’est pas pour rien qu’on utilise le diesel pour produire de l’énergie au Nunavik. Fiable, le carburant répond bien aux besoins de ces communautés reculées », explique-t-il.

Jasmin Raymond
Jasmin Raymond ©INRS

Depuis 2016, ce chercheur étudie la possibilité de stocker de l’énergie solaire dans le sol en été, puis de l’employer pour chauffer des bâtiments en hiver. « Nous avons démontré que le stockage thermique souterrain peut être implanté dans le Grand Nord du Québec. Nous en sommes maintenant à l’étape des projets de démonstration », résume-t-il à propos de cette technologie qui pourrait faire partie de celles retenues par Les Énergies Tarquti.

Actuellement, la compagnie travaille à déterminer quelles technologies seront incluses dans le bouquet des solutions énergétiques propres taillées sur mesure pour le Nunavik. C’est pourquoi les premières initiatives mises en œuvre par Les Énergies Tarquti relèvent de l’analyse et de la recherche. Des mâts météorologiques ont par exemple été installés dans cinq communautés en 2021 afin de collecter des données pertinentes sur l’ensoleillement et la force des vents, notamment. « Nous voulons dresser l’inventaire des options qui s’offrent à nous et des initiatives réalisées ailleurs dans un contexte similaire au nôtre », dit Joë Lance. Ce travail se fait en collaboration avec des universitaires comme Jasmin Raymond de l’INRS, et des centres de recherche spécialisés tels que Nergica, à Gaspé.

Puisque ces réflexions doivent tenir compte de l’opinion des Inuits et de leur relation à leur environnement immédiat, on a aussi organisé des consultations. « Ils se préoccupent du sort des caribous, des oiseaux migrateurs et de la faune marine, comme des phoques et des bélugas. Cela explique pourquoi les barrages hydroélectriques passent difficilement le test de l’acceptabilité sociale », poursuit Joë Lance. Au bout du compte, ce sont les Nunavimmiuts qui auront le dernier mot. « Ces communautés autochtones évoluent dans un contexte particulier hérité du colonialisme. En tant que scientifiques, nous ne voulons pas perpétuer ça », affirme Jasmin Raymond.

Inuit qui mesure un profil de température dans un forage dans le cadre d’une formation pour devenir foreur.
Inuit qui mesure un profil de température dans un forage dans le cadre d’une formation pour devenir foreur. La formation a été effectuée à Kuujjuaq et a permis d’acquérir des carottes de forage tout comme des profils de température du sous-sol afin d’évaluer le potentiel géothermique. ©Mafalda Miranda

Intérêts communs

Il n’y a pas que les Inuits qui bénéficieront de ces projets, les Québécois du Sud aussi. Tous gagnent à ce que les réseaux autonomes exploités par Hydro-Québec se convertissent à des sources d’énergie renouvelables. Pour atteindre les objectifs de la Politique énergétique 2030 du gouvernement du Québec, qui a fixé comme objectif de réduire de 40 % la consommation de combustibles fossiles d’ici la fin de la décennie, chaque effort compte.

« Nous aimons dire que notre énergie est propre à 99 %. Or, cela signifie qu’il nous reste 1 % sur lequel travailler dans le but de nous améliorer », illustre Patrick Labbé, chef de l’innovation, des projets majeurs et de la conversion des réseaux autonomes chez Hydro-Québec.

À l’heure actuelle, 43 % des émissions de GES de la société d’État proviennent des centrales thermiques autonomes comme celles du Nunavik. Sur son site, Hydro-Québec affirme qu’en 2020, « la conversion partielle ou totale des réseaux autonomes à des sources d’énergie plus propres est en cours » et que « l’ensemble des réseaux seront convertis d’ici 2025 ».

Les Énergies Tarquti sera un partenaire en or dans cet effort de décarbonisation, entamé depuis quelques années. « Nous avons finalisé un projet pilote d’installation de 69 panneaux solaires dans le village de Quaqtaq, au Nunavik, en 2017. Depuis, la centrale solaire nous a permis de réduire la consommation de la centrale thermique de 5000 litres de diesel par année », conclut Patrick Labbé. Une réduction de taille, puisqu’elle représente 13 000 kg d’équivalent CO₂, soit l’équivalent de deux allers-retours Montréal-Sydney en avion.

Panneaux solaires à Quaqtaq
Panneaux solaires à Quaqtaq ©Hydro-Québec

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